L'intégration de la séquestration et de la réduction des émissions de carbone dans une stratégie Net Zero rigoureuse

Au cours des deux dernières années, le nombre d'entreprises s'engageant à atteindre l'objectif "zéro émission nette" a augmenté de façon spectaculaire. Actuellement, plus de 5 200 entreprises se sont engagées ou ont fixé un objectif zéro émission nette dans le cadre de la campagne "Race to Zero" de la CCNUCC[1]. En outre, environ 750 des 2 000 plus grandes entreprises cotées en bourse se sont engagées à atteindre une forme d'objectif de neutralité climatique. Cependant, l'intégrité et l'ampleur de ces engagements varient considérablement en ce qui concerne les délais, les types de gaz à effet de serre (GES) couverts et les champs d'application inclus dans leur objectif.  

Cette divergence reflète le fait que le terme zéro émission nette ou "Net Zero" est encore un concept mal compris par beaucoup et qu'il est encore moins bien appliqué dans les stratégies des entreprises. L'utilisation de crédits carbone, sous la forme de séquestration ou de réduction de GES, et le rôle qu'ils doivent jouer dans les engagements climatiques des entreprises constituent un sujet de discorde particulier. Dans les paragraphes qui suivent, nous cherchons à faire la lumière sur ce qu'une stratégie Net Zero fondée sur des données scientifiques et incluant l'achat de crédits carbone devrait prendre en considération. 

Le paysage Net Zero

Les entreprises qui s'apprêtent à développer leurs stratégies Net Zero ne manqueront pas de directives à utiliser. Pour l'instant, la meilleure pratique pour fixer des objectifs est d'utiliser la "Norme Net Zero" de la Science Based Targets Initiative (SBTi). Une autre ressource utile est le document "Initiative Net Zero" prouit par Carbone 4. En plus de fournir des conseils sur la définition des SBT, SBTi évalue et approuve de manière indépendante les objectifs des organisations. Le cadre de Carbone 4 détaille les différentes actions qui peuvent être mises en place à l'intérieur et à l'extérieur de la chaîne de valeur d'une entreprise à travers les trois piliers suivants : la réduction des émissions de l'entreprise, la réduction des émissions des autres et l'élimination du CO2 de l'atmosphère[2]. Bien que leurs orientations soient cohérentes, Carbone 4 ne permet pas à une entreprise de revendiquer le statut "Net Zero", mais plutôt de communiquer sur sa contribution aux objectifs du territoire national où elle se trouve. 

En ce qui concerne le rôle de la compensation dans les stratégies climatiques rigoureuses, une ressource utile que les entreprises peuvent utiliser est le document Oxford Principles for Net-Zero Aligned Carbon Offsetting. Il s'agit de quatre principes qui, s'ils sont respectés, peuvent avoir un impact crédible sur le climat, par opposition à l'écoblanchiment[3]. Ces principes sont les suivants 

  1. Donner la priorité à la réduction à vos propres émissions, s'assurer de l'intégrité environnementale de tout crédit carbone utilisé et divulguer la manière dont ceux-ci sont utilisés. 

  2. Orienter la compensation carbone vers les puits de carbone, les crédits carbone représentent alors une séquestration directe du carbone de l'atmosphère. 

  3. Orienter la compensation vers le stockage à longue durée de vie, qui soustrait le carbone de l'atmosphère de manière permanente ou quasi permanente. 

  4. Soutenir le développement d'un marché pour les crédits carbone alignés "net-zéro" 

En outre, il existe également divers réseaux et alliances qui s'efforcent de garantir l'intégrité du marché volontaire du carbone. 

Du côté de l'offre, le Integrity Council for the Voluntary Carbon Market (IC-VCM) a récemment publié les " Core Carbon Principles " ou Principes fondamentaux qui vise à établir un point de référence solide permettant aux entreprises d'identifier des crédits carbone crédibles et de haute intégrité, qui créent une valeur environnementale et sociale élevée. 

Du côté de la demande, l'ambition de l'Initiative volontaire pour l'intégrité des marchés du carbone (Voluntary Carbon Markets Integrity Initiative - VCMI) est d'établir une norme pour une utilisation hautement intègre des crédits carbone dans les stratégies climat des organisations. Son site Code de pratique provisoire pour les réclamations décrit des orientations claires sur la manière dont les entreprises peuvent faire des déclarations transparentes et crédibles concernant la compensation et fournit un cadre pour évaluer les efforts des entreprises sur trois niveaux : Or, Argent et Bronze. 

Les deux sont conçus pour être utilisés en tandem avec la norme Net Zero de SBTi. 

Que signifie "Net Zero" ?

"Net Zero", "neutre en carbone" et "climatiquement neutre" ne sont que quelques exemples d'un jargon synonyme en apparence, et utilisé par les entreprises pour caractériser leurs efforts en matière de climat. Bien qu'ils soient souvent utilisés de manière interchangeable, il existe des différences subtiles entre eux, principalement en ce qui concerne la couverture des différents GES, les délais et l'ampleur des réductions d'émissions requises, l'exigence que les objectifs soient fondés sur la science et, surtout, le rôle de la compensation et le type de crédits carbone éligibles.

Alors que Net Zero exige des entreprises qu'elles réduisent radicalement les émissions au sein de leur chaîne de valeur, conformément à la science, la neutralité climatique ou carbone signifie que les émissions sont équilibrées via l'usage de crédits carbone. Par conséquent, le concept de "zéro émission" n'est atteint qu'une fois les objectifs de réduction des émissions à long terme atteints et les émissions résiduelles neutralisées, tandis que la neutralité climat pourrait être revendiquée par toute entité ayant entièrement compensé ses émissions au cours d'une année donnée. Toutefois, l'absence actuelle de définitions normalisées et d'organismes de surveillance signifie que les entreprises peuvent faire ce qu'elles veulent, au risque d'être accusées d'écoblanchiment. 

La définition même de Net Zero est une source de confusion. Le GIEC définit un état d'émissions nettes nulles comme : "lorsque les émissions anthropiques de gaz à effet de serre dans l'atmosphère sont équilibrées par les absorptions anthropiques sur une période donnée"[4]. Si cette définition s'applique à l'ensemble de la planète, certains prétendent qu'elle n'est pas valable au niveau de chaque entreprise. Pour cette raison, Carbone 4 soutient que les organisations peuvent seulement contribuer aux objectifs climatiques mondiaux mais ne peuvent pas atteindre un état final de Net Zero. 

Figure 1 : Éléments de la norme Net Zero [5]

Bien qu'il n'existe actuellement aucune définition universellement acceptée d'une stratégie "Net Zero", selon les directives du SBTi, pour déterminer leurs émissions de référence, les entreprises doivent entreprendre un inventaire complet des GES qui couvre au moins 95 % de leurs émissions de scope 1 et 2 et un examen complet du scope 3, en utilisant généralement les directives du GHG protocol. À partir de cet inventaire, elles doivent se fixer des objectifs de réduction des émissions à court et à long terme. Les objectifs à long terme doivent être atteints au plus tard en 2050, tandis que les objectifs à court terme doivent être atteints 5 à 10 ans après l'engagement des entreprises à atteindre le niveau zéro, généralement aux alentours de 2030. 

Pour les objectifs relatifs aux scopes 1 (émissions directes), 2 (émissions indirectes provenant de la chaleur et de l'électricité) et 3 (émissions indirectes) utilisant la méthode de contraction absolue, l'objectif à long terme doit représenter une réduction des émissions de 90 % par rapport à l'année de référence. L'année de référence peut être choisie par les entreprises elles-mêmes, à condition qu'elles disposent de suffisamment d'informations sur les émissions des scopes 1, 2 et 3 pour cette année-là, qu'elle soit représentative du profil de GES type de l'entreprise et qu'elle ne soit pas antérieure à 2015. Pour les objectifs du scope 3 utilisant la méthode de contraction de l'intensité physique, les réductions doivent représenter 97 % de la baseline (année de référence).

Après avoir atteint leurs objectifs de réduction d'émissions à long terme, les entreprises doivent neutraliser leurs émissions résiduelles, en utilisant uniquement les puits carbone via la séquestration, afin de s'assurer que les GES encore émis par l'entreprise soient équilibrés. Les émissions résiduelles, c'est-à-dire les émissions de GES difficiles à neutraliser qui subsistent après la réalisation d'un objectif de réduction zéro émission nette à long terme, ne doivent pas représenter plus de 10 % des émissions de référence de l'entreprise. 

Comment intégrer la compensation des émissions de carbone ?

Le point crucial dans tout cela est que les crédits carbone, qu'il s'agisse d'absorptions ou d'émissions évitées, ne peuvent pas compter pour atteindre un quelconque objectif de réduction des émissions. Les crédits d'absorption (ou séquestration) ne peuvent être utilisés que pour neutraliser les émissions résiduelles, mais le reste doit être exécuté dans le cadre d'un plan global de réduction d'émissions. 

Par conséquent, la définition du GIEC, où les émissions nettes nulles sont définies comme un équilibre entre les émissions totales et les absorptions totales, peut ne pas être appropriée pour être appliquée au niveau de l'entreprise. 

Au lieu de cela, les entreprises peuvent acheter des crédits carbon (correspondant à de la séquestration ou de la réduction) afin de neutraliser les émissions encore émises sur le chemin de l'atteinte de leur objectif "net zéro". C'est ce qu'on appelle l'atténuation au-delà de la chaîne de valeur (BVCM). C'est également une exigence du code de pratique de communication de VCMI. De cette façon, la neutralité climat peut être considérée comme une mesure provisoire sur la voie de la réalisation d'un objectif zéro émission nette à long terme, fondé sur la science. 

Quelle que soit la stratégie de compensation choisie par les entités, elle doit être clairement détaillée dans leur plan climat, y compris s'il y a des conditions particulières. Par exemple, certaines entreprises ont choisi de n'acheter que crédits de séquestration carbone, tandis que d'autres achètent à la fois des crédits de séquestration et d'émissions évitées. D'autres conditions peuvent concerner l'additionnalité, la permanence, l'auditabilité ou d'autres co-bénéfices environnementaux ou sociaux que certains projets carbone permettent[6].

Comment reconnaître les compensations crédibles

C'est à l'entreprise elle-même qu'il incombe de faire des recherches et de trouver les projets carbone qui pourraient être considérées comme crédibles ; mais rares sont celles qui ont les ressources et les compétences pour le faire. Il s'ensuit qu'un certain nombre de crédits carbone achetés ne respectent pas d'exigences strictes en matière d'intégrité. Les plus fondamentales sont les suivantes : 

  • Intégrité environnementale : garantir que l'utilisation des crédits carbone n'entraîne pas une augmentation des émissions mondiales[7]. Cela signifie que les réductions d'émissions ne doivent pas être surestimées, qu'elles doivent être fondées sur une base de référence prudente et qu'elles doivent tenir compte des fuites éventuelles. 

  • Additionnalité : établir que les réductions ou séquestration d'émissions résultant de l'activité d'atténuation n'auraient pas eu lieu en l'absence dudit projet. Il s'agit souvent de démontrer que le projet dépend des revenus de la vente des crédits carbone ou qu'il ne relève pas de l'engagement climatique du pays hôte[8]. 

  • Permanence : s'assurer que les réductions ou séquestration des GES sont permanentes et présentent un faible risque d'inversion, toute inversion étant compensée. Pour les projets d'agriculture, de sylviculture et d'autres usage des terres (AFOLU), qui présentent un risque plus élevé d'inversion en raison des conditions climatiques, des incendies de forêt ou de la déforestation, un pourcentage des crédits est mis de côté dans un compte séparé afin de compenser les pertes éventuelles.  

  • Pas de double comptage : s'assurer que chaque crédit ne compte que pour la réalisation d'un seul objectif d'atténuation. Dans le cadre de l'article 6 de l'Accord de Paris, les pays hôtes sont tenus de procéder aux ajustements correspondants si une unité d'atténuation est transférée au niveau international pour atteindre l'objectif d'un autre pays[9]. Bien que de tels ajustements ne seront pas obligatoirement nécessaires pour le marché volontaire du carbone, à moins d'acheter des crédits autorisés par l'article 6, cela affectera probablement celui-ci d'une manière ou d'une autre. 

  • Éviter les nuisances sociales et environnementales : des garanties doivent être mises en place pour s'assurer que le projet ne contribue pas à des préjudices sociaux ou environnementaux, et qu'il respecte les lois et les règlements. Les standards de certification telles que le Climate, Community, and Biodiversity Standard (CCB) ou les programmes de quantification d'impacts relatifs au développement durable tels que le Gold Standard ou le Sustainable Development Verified Impact Standard (SD VISta) permettent d'offrir des garanties supplémentaires afin que de tels préjudices soient évités. La bonne pratique consiste toutefois à effectuer une vérification préalable des crédits achetés, quelle que soit le standard de certification. 

Différents types de réductions et de suppressions

Une famille au Soudan avec du bois de chauffe pour cuisiner pendant 4 jours. Photo par HAMERKOP.

Un crédit de réduction de GES représente une tonne de dioxide de caarbone évitée, résultant de la diminution de l'intensité carbone d'un certain processus. Les réductions sont calculées en fonction de la comparaison entre le scénario d'émissions avec projet et le scénario hypothétique sans projet. Par exemple, les projets d'énergie renouvelable réduisent les émissions en remplaçant la production d'électricité à partir de combustibles fossiles. En outre, les projets de foyers améliorés réduisent les émissions en diminuant la demande de bois de chauffe comme combustible de cuisson et en évitant ainsi la déforestation, ainsi qu'en réduisant les émissions de carbone noir, créant un puissant forçage radiatif. Pour plus d'informations sur l'expertise d'HAMERKOP en matière d'accès à l'énergie et de cuisson propre, voir ici

Si l'investissement dans la réduction des GES est un outil important pour éviter que les émissions ne s'accumulent dans l'atmosphère, l'investissement dans la séquestration permanente des GES devrait également être mise à l'échelle afin de traiter les émissions passées. Comme nous l'avons expliqué plus haut, pour atteindre l'état de zéro émission nette, les émissions résiduelles, qui représentent moins de 10 % des émissions de référence, ne peuvent être neutralisées que par de la séquestration. 

L'élimination du dioxyde de carbone (CDR) comprend les méthodes biologiques ou technologiques permettant d'aspirer le dioxyde de carbone de l'atmosphère et de le stocker de façon permanente. 

Actuellement, les options les plus abouties pour la séquestration du carbone sont les solutions fondées sur la nature (NBS). Elles comprennent la plantation d'arbres et la restauration d'écosystèmes tels que les tourbières, les mangroves et les prairies sous-marines. À l'heure actuelle, les plantes et les sols des écosystèmes terrestres absorbent l'équivalent d'environ 20 % des émissions anthropiques de GES et jouent donc un rôle clé dans la réalisation de l'objectif zéro émission nette[10]. 

Figure 2 : Estimation des coûts et des potentiels de 2050 du CDR [13]

Part ailleurs, la séquestration technologique du carbone n'a pas encore fait ses preuves à l'échelle, mais est susceptible de jouer un rôle de plus en plus important[11]. Ces solutions techniques pour éliminer le carbone de l'atmosphère comprennent le captage et le stockage du carbone (CSC), le captage direct dans l'air (DAC), le biochar et l'amélioration de l'altération accélérée de la roche (enhanced weathering). Pourtant, des investissements considérables sont nécessaires pour que ces technologies aient un impact sur l'atténuation des émissions au niveau mondial. Par exemple, la plus grande installation de DAC en service aujourd'hui ne permet de séquestrer qu'environ 4 000 tonnes de CO2e par an, ce qui correspond approximativement aux émissions annuelles de 870 voitures[12]. 

Un défi pour la séquestration carbone via les NBS est de pouvoir garantir la permanence de la séquestration étant donné leur vulnérabilité à une série de perturbations naturelles et humaines telles que les incendies de forêt et la déforestation.  

Actuellement, dans le cadre des principales normes de certification de projets carbone, tous les projets d'agriculture, de sylviculture et d'autres usages des terres (AFOLU) sont soumis à une évaluation du risque de non-permanence afin de qualifier le risque qu'une tonne donnée de GES séquestrée soit relachée au cours des 100 années suivantes. Les formes géologiques de stockage du carbone, qui comprennent de nombreuses solutions techniques, sont beaucoup moins vulnérables à ce phénomène et peuvent parfois garantir un stockage excédant les 1 000 ans. C'est pourquoi il est important d'investir également dans des formes de stockage plus permanentes et à plus long terme. 

Le principal obstacle à l'investissement dans les technologies de séquestration du carbone est leur prix, qui reflète également le manque de maturité de leur technologie. En 2021, les crédits carbone de projets séquestration provenant d'écosystèmes naturels s'échangeaient à environ $7,90 l'unité[14]. Ils se vendent aujourd'hui entre $10 et $20. En revanche, le prix par d'unité carbone de projets de séquestration technologiaue du carbone peut atteindre 200 à 600 dollars[15]. 

Le fonds Frontier, mis en place par Shopify, Microsoft, Stripe et d'autres, vise à surmonter cet obstacle s'engagement à investir 925 millions de dollars dans les technologies de séquestration du carbone. De telles actions ont pour objectif d'envoyer un signal de marché puissant et stimuler l'innovation et le développement de ces technologies en garantissant une demande pour celles-ci et en faisant baisser leur coût à long terme. 

Conclusion

Cet article a pour but de mettre en avant que l'utilisation de crédits carbone de séquestration ou d'émissions/réductions évitées peut avoir un impact positif sur le climat, pour autant qu'elle s'inscrive dans un plan ou une stratégie zéro émission nette crédible et ambitieuse. 

Si les entreprises choisissent d'intégrer la compensation dans leur stratégie "Net Zero", il est important qu'elles rendent compte de leurs achats de manière transparente, qu'elles fixent les conditions de leur utilisation et qu'elles utilisent les meilleures pratiques pour identifier des projets carbone crédibles et de grande intégrité. Si l'investissement dans les réductions d'émissions est crucial à long terme, l'augmentation progressive de l'investissement dans la séquestration est essentielle pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. 

Les experts d'HAMERKOP ont plus d'une décennie d'expérience dans le soutien aux développeurs de projets, dans la conception d'interventions visant à atténuer le changement climatique, dans la réalisation d'études de faisabilité technique et dans le soutien à la certification afin de délivrer des actifs carbone.  

Que vous soyez une entreprise à la recherche de conseils sur la manière d'intégrer la compensation carbone suivant les bonnes pratiques, de soutenir financièrement une intervention d'atténuation à long terme, ou d'évaluer la qualité des projets carbone que vous avez l'intention de soutenir, nous pouvons vous aider - contactez-nous. 

Références :

[1] CCNUCC, "Race To Zero Campaign", Unfccc.Int https://unfccc.int/climate-action/race-to-zero-campaign#eq-3 [consulté le 26 août 2022].

[2] Maxime Aboukrat et autres, Net Zero Initiative 2020-2021 Final Report (Carbone 4, 2021) https://www.carbone4.com/files/Net_Zero_Initiative_Final_Report_2021_2021.pdf

[3] Myles Allen et autres, "The Oxford Principles For Net Zero Aligned Carbon Offsetting", Université d'Oxford, 2020 https://www.smithschool.ox.ac.uk/sites/default/files/2022-01/Oxford-Offsetting-Principles-2020.pdf

[4] GIEC, "Annexe I : Glossaire ", dans Réchauffement planétaire de 1,5˚C. Rapport spécial du GIEC sur les incidences d'un réchauffement planétaire de 1,5˚C au-dessus des niveaux préindustriels et sur les trajectoires connexes d'émissions mondiales de gaz à effet de serre, dans le contexte du renforcement de la réponse mondiale à la menace du changement climatique, du développement durable et des efforts d'éradication de la pauvreté (Cambridge : Cambridge University Press, 2018).

[5] SBTi, "SBTi Corporate Net-Zero Standard", Science Based Targets Initiative, 2021 https://sciencebasedtargets.org/resources/files/Net-Zero-Standard.pdf

[6] Kaya Axelsson, Aoife Brophy et Elena Pierard Manzano, "Net Zero Business or Business for Net Zero ? A Report on Corporate Climate Leadership Practices on Scope and Offsetting", Skoll Centre For Social Entrepreneurship & Oxford Net Zero, 2022 https://netzeroclimate.org/wp-content/uploads/2022/02/Net-zero-business-or-business-for-net-zero.pdf

[7] Lambert Schneider et Stephanie La Hoz Theuer, " Environmental Integrity of International Carbon Market Mechanisms Under the Paris Agreement ", Climate Policy, 19.3 (2019) https://doi.org/10.1080/14693062.2018.1521332.

[8] Lambert Schneider et autres, "What Makes a High-Quality Carbon Credit ?", WWF, EDF & Öko-Institut, 2020 https://files.worldwildlife.org/wwfcmsprod/files/Publication/file/54su0gjupo_What_Makes_a_High_quality_Carbon_Credit.pdf?_ga=2.218034974.983871514.1660815690-932968438.1660815690

[9] Trove Research, "VCM And Article 6 Interaction Discussion Paper On the Use Of Corresponding Adjustments For Voluntary Carbon Credit Transfers", 2021 https://globalcarbonoffsets.com/wp-content/uploads/2021/01/VCM-and-Article-6-interaction-6-Jan-2021-1.pdf (en anglais).

[10] Bronson W. Griscom et autres, " Natural Climate Solutions ", Proceedings of the National Academy of Sciences, 114.44 (2017) https://doi.org/10.1073/pnas.1710465114.

[11] Robert Höglund, "The Carbon Removal Market Doesn't Exist", Illuminem.Com, 2022 https://illuminem.com/illuminemvoices/dd812162-ba25-4321-95dd-2b0208bc489b [consulté le 19 août 2022].

[12] Katie Lebling et autres, "6 Things To Know About Direct Air Capture", World Resources Institute, 2022 https://www.wri.org/insights/direct-air-capture-resource-considerations-and-costs-carbon-removal [consulté le 23 août 2022].

[13] GIEC, "Chapitre 4 : Renforcement et mise en œuvre de la réponse mondiale", in : Réchauffement planétaire de 1,5°C. Rapport spécial du GIEC sur les effets d'un réchauffement planétaire de 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels et les trajectoires connexes d'émissions mondiales de gaz à effet de serre, dans le contexte du renforcement de la riposte mondiale à la menace du changement climatique, du développement durable et des efforts d'éradication de la pauvreté (Cambridge : Cambridge University Press, 2018) https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2022/06/SR15_Chapter_4_LR.pdf.

[14] Stephen Donofrio et autres, The Art of Integrity State of the Voluntary Carbon Markets 2022 Q3 (Ecosystem Marketplace, 2021).

[15] cdr.fyi, "Compilation of Known CDR Purchases", Cdr.Fyi, 2022 https://www.cdr.fyi/ [consulté le 19 août 2022].

L'équipe Hamerkop
10 ans de REDD+ ! Un aperçu de la performance des projets REDD+ dans le monde
 

L'objectif des projets REDD+ (abréviation de "Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation") est de s'attaquer à l'un des principaux facteurs du changement climatique en s'efforçant de protéger des zones clés de la forêt et de la faune sauvage contre la déforestation. Cependant, ce qui distingue les projets REDD+ des projets similaires d'atténuation du changement climatique, c'est l'accent mis sur la fourniture d'importants co-bénéfices aux populations environnantes, notamment l'amélioration des infrastructures, les opportunités d'emploi et d'autres projets de développement communautaire. 

Alors que nous passons le cap des 10 ans de projets REDD+ actifs et émetteurs de crédits, HAMERKOP a collecté et analysé les données des projets actifs certifiés par le Verified Carbon Standard (VCS), la plus grande organisation de certification "volontaire" de crédits carbone, afin d'évaluer la prévalence et l'efficacité des projets à travers 6 paramètres clés

Tous les projets examinés avaient terminé au moins un cycle de suivi. L'achèvement du premier cycle de suivi marque une étape importante dans le processus de certification par lequel le projet est en mesure de délivrer des crédits carbone pour les émissions de gaz à effet de serre réduites ou évitées. L'analyse des données effectuée n'inclue pas les projets en cours de développement mais qui n'ont pas encore émis de crédits carbone.  

 

1. Durée de la période de surveillance  

Une période de suivi correspond au laps de temps pendant lequel les développeurs de projets enregistrent les impacts de leurs projets avant de se soumettre à un audit de vérification. La réussite de cet audit conduit à la délivrance de crédits carbone pour la période de suivi correspondante. Dans la plupart des normes de certification carbone, les développeurs de projets sont libres de choisir la fréquence à laquelle ils souhaitent matérialiser et monétiser les performances de leur projet. 

Les projets REDD+ sont complexes à mettre en œuvre et à suivre, ce qui explique en partie la raison pour laquelle les développeurs de projets ont tendance à avoir une période de suivi plus longue que pour d'autres types de projets. Les périodes de suivi des projets REDD+ émis par les VCS vont de un à dix ans, avec une période moyenne de 3,25 ans (39,4 mois). 

La première période de suivi est souvent la plus longue, car un large éventail de processus de mise en œuvre et de certification de projets doit être organisé.  

Le projet REDD+ Ecomapua Amazon [1] au Brésil, premier projet REDD+ par l'historique de ses activités, a commencé à suivre ses performances en 2003. Cependant, la plupart des dates de démarrage des projets REDD+ sont concentrées sur une période de neuf ans entre 2008 et 2016 (inclus). Le premier projet REDD+ à émettre des crédits a été le projet Kasigau Corridor [2] au Kenya, qui, en plus de prévenir la déforestation, s'efforce de résoudre durablement les conflits locaux entre l'homme et la faune qui ont prévalu dans la région par le passé. 

 

2. Champ d'application géographique  

 

Au cours de la décennie qui s'est écoulée depuis que le projet Kasigau a émis ses premiers crédits en 2011, le domaine a explosé pour atteindre 55 projets qui émettent actuellement des crédits carbone. Ces projets sont répartis dans l'ensemble des pays en développement.  

Parmi ceux qui ont déjà émis des crédits, tous les projets sauf 5 sont situés en Amérique du Sud ou en Afrique. En Amérique du Sud, ils sont concentrés au Brésil et en Colombie, avec quelques projets supplémentaires au Pérou. Si le Pérou et la Colombie disposent d'un environnement favorable, le cas du Brésil est plus contrasté et plus complexe. Les projets africains, en revanche, sont répartis plus uniformément sur l'ensemble du continent.  

 
 

3. Taille du projet

La taille d'un projet peut avoir un impact sur la capacité à déployer des activités de lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts. La taille des projets REDD+ qui ont émis des crédits varie de 18 000 ha (par exemple, l'Amazon Rio REDD+ IFM [3]) à plus d'un million d'hectares (par exemple, le projet REDD+ Resguardo Indígena Unificado Selva de Matavén [4] en Colombie et le projet REDD Cordillera Azul National Park [5] au Pérou). 

Les projets ont été classés en trois catégories : petits (moins de 100 000 ha), moyens (100 000 ha à 500 000 ha) et grands (500 000 ha et plus). Les petits et moyens projets sont nettement plus nombreux que les grands. Dans de nombreux pays, il peut être difficile de trouver des zones qui peuvent être regroupées et gérées sous une seule entité de projet et où les agents de la déforestation et de la dégradation peuvent être traités efficacement. La figure de gauche donne une répartition plus détaillée de la taille des projets.  

En outre, la figure de droite montre la relation entre la superficie du projet et les réductions d'émissions qui en résultent. La performance des projets est ici basée sur les réductions d'émissions totales incluses dans les rapports de suivi jusqu'à présent, mesurées en tCO2e réduites/évitées par hectare et par an. Les résultats suggèrent que les projets de taille moyenne présentent la plus grande variété de performances. En revanche, les performances de réduction des émissions des petits et grands projets varient moins. Il convient de noter que l'analyse ne tient pas compte du nombre de périodes de surveillance réalisées jusqu'à présent, ce qui signifie que ces projets sont probablement à des stades différents de mise en œuvre et de performance, ce qui pourrait expliquer la grande fluctuation des résultats.  

Dans l'ensemble , le projet de réserve de biodiversité de Rimba Raya [6] a obtenu la meilleure performance avec 77,06 tCO2e par hectare et par an, sur cinq périodes de suivi allant de 2009 à 2019. Ce résultat est d'autant plus remarquable que la deuxième performance la plus élevée était de plus de 30 tCO2e par hectare et par an [7]. La performance la plus faible a été de 0,2 tCO2e par hectare et par an pour le projet REDD+ Biocorredor Martin Sagrado [8] au Pérou, sur deux périodes de suivi couvrant la période 2010-2020. 

 
 

4. Méthodologie de certification  

 

L'indicateur suivant a été le choix de la méthode de certification, afin de déterminer s'il existait des différences dans les performances des projets en fonction des différentes méthodes. Chaque méthodologie fournit un cadre légèrement différent pour le développement et le suivi des projets [9]. Elle dépend généralement du type d'écosystème ainsi que des facteurs et des modèles de déforestation. Par exemple, la méthodologie VM0007 est "applicable aux terres forestières, aux zones humides boisées, aux tourbières boisées et aux zones humides à marée"[10] et ne peut pas être utilisée pour des projets où la déforestation est causée par l'exploitation illégale du bois. 

La figure de gauche montre que la méthodologie VM0009 pour la conversion des écosystèmes a obtenu des résultats constamment élevés, avec une médiane de 5,1 tCO2e par hectare et par an, soit trois fois plus que la médiane de 1,74 tCO2e par hectare et par an de la méthodologie VM0011 pour le calcul des avantages en termes de GES découlant de la prévention de la dégradation planifiée, qui a obtenu les résultats les plus faibles . Ces déterminations ont été faites en évaluant la distribution des données disponibles. Les résultats des méthodes VM0011 et VM0009 varient peu, avec relativement peu de valeurs aberrantes. Si les autres méthodes ont des fourchettes similaires, elles présentent des variations plus importantes et les réductions d'émissions se concentrent vers le bas de l'échelle. Les méthodologies VM0007 et VM0004 présentent des valeurs aberrantes plus importantes, mais celles-ci proviennent principalement des projets REDD+ indonésiens, dont les moyennes annuelles des réductions d'émissions contrôlées par hectare sont anormalement élevées. 

 

5. Type de dommage forestier 

Nous nous sommes ensuite attachés à analyser la performance des projets en fonction du type de dommage évité (déforestation ou dégradation) et des différents facteurs externes de déforestation.  

La figure montre que les performances des projets ne dépendent pas de manière significative du type de destruction évitée lorsque l'on considère la distribution totale. Cependant, il peut être difficile de différencier les deux, l'un (dégradation) menant souvent à un autre (déforestation) et d'analyser ces paramètres en adoptant une approche plus granulaire pour différencier la manière dont les projets fonctionnent et se déploient. 

En examinant les principaux moteurs de la déforestation, notre analyse a montré qu'il était difficile d'attribuer les performances des projets en fonction de facteurs spécifiques, en raison de la complexité et de la spécificité de chaque situation, la déforestation et la dégradation étant dues à une série d'agents directs et indirects complexes. 

 
 
 

6. Réductions d'émissions prévues et réelles  

Un autre aspect important à prendre en compte est la façon dont le projet a tenu les prédictions qui ont été faites lors de la conception initiale du projet. Ces prévisions, officiellement appelées réductions d'émissions ex ante, fournissent une estimation des crédits carbone que les promoteurs du projet s'attendent à générer par le projet, et déterminent sa viabilité financière. 

L'examen de la différence entre les prévisions et les mesures réelles de réduction des émissions peut révéler la différence entre les attentes, la planification et la réalité sur le terrain. 

Dans le cas des 53 projets examinés, la différence moyenne entre les prévisions et les mesures s'est avérée proche de zéro - seulement 1,02 tCO2e par hectare et par an. 

 
 

Toutefois, cela ne signifie pas que les prévisions étaient exactes. Au contraire, nous avons constaté que les différences variaient considérablement d'un projet à l'autre. Elles allaient de 39,48 tCO2e de moins que prévu pour le projet de restauration et de conservation des tourbières de Katingan [11] à 33,33 tCO2e de plus que prévu pour le projet REDD APD évitant la déforestation planifiée de l'Amazonie brésilienne de Cikel [12], et s'échelonnaient de - 80 % à + 380 %. 

Seuls 12 projets sur 55 (moins d'un quart) ont réussi à prévoir les réductions d'émissions générées par leurs activités avec une précision de plus ou moins 10 %. En outre, 23 projets sur 55 (environ la moitié) ont prédit le potentiel du projet avec une précision inférieure à 50 %, ce qui montre à quel point il peut être difficile pour un développeur de projet et pour les investisseurs initiaux potentiels d'estimer le potentiel financier d'un projet pour couvrir ses coûts. 

 

CONCLUSION 

Grâce à cette analyse, nous avons voulu faire la lumière sur les résultats des projets REDD+ qui délivrent actuellement des crédits carbone et fournir une ressource qui rassemble et affiche les données en un seul endroit. De nouveaux projets étant approuvés et lancés chaque année, nous espérons que des rapports et une collecte de données supplémentaires permettront d'affiner nos conclusions et d'aider à informer les investissements dans les projets à venir. 

Les experts d'HAMERKOP ont plus d'une décennie d'expérience dans le soutien aux développeurs de projets, dans la conception d'interventions visant à atténuer le changement climatique, dans la réalisation d'études de faisabilité technique et dans le soutien à la certification afin de délivrer des actifs carbone. 

Que vous soyez une organisation internationale, un propriétaire foncier, un développeur de projet ou une ONG cherchant à bénéficier de la finance carbone pour soutenir financièrement une intervention d'atténuation du changement climatique à long terme et ayant un impact, nous pouvons vous aider, contactez-nous

 

Sources :

[1] Page de registre VCS du projet REDD d'Ecomapua Amazon : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/1094.

[2] Page de registre VCS du projet REDD du corridor de Kasigau : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/562

[3] Page du registre VCS du projet REDD+ Amazon Rio : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/1147

[4] Projet REDD+ Resguardo Indigena Unificado Selva de Mataven projet VCS page : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/1566

[5] Page du registre VCS du projet REDD du parc national de Cordillera Azul : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/985.

[6] Projet de réserve de biodiversité de Rimba Raya Page de registre VCS : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/674

[7] Page du registre VCS du projet REDD de Cikel en Amazonie brésilienne : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/832

[8] Page du registre VCS du projet REDD+ Biocorredor Martin Sagrado : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/958

[9] Méthodologies VCS : https://verra.org/methodologies/

[10] " VM0007 Cadre méthodologique REDD+ (REDD+MF), v1.6 ", Verra, 29 mars 2021, https://verra.org/methodology/vm0007-redd-methodology-framework-redd-mf-v1-6/#:~:text=This%20methodology%20provides%20a%20set,planned%20deforestation%20and%20forest%20degradation.

[11] Projet de restauration et de conservation de la tourbière de Katingan : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/1477

[12] Cikel Brazilian Amazon REDD APD Project Avoiding Planned Deforestation (Projet REDD en Amazonie brésilienne pour éviter la déforestation planifiée ) : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/832

L'équipe Hamerkop
Qu'est-ce qui fait un projet de restauration forestière de qualité ?

Rédigé par James Lloyd (Nature4Climate) en collaboration avec l'équipe HAMERKOP.

Passer de la plantation d'arbres à la reforestation long terme : comment le guide Reforest Better peut augmenter les impacts positifs des projets de restauration forestière

Des inondations aux sécheresses, en passant par l'extinction des espèces et la dégradation des sols, les effets du changement climatique sont déjà très répandus et menacent la nature et les moyens de subsistance qui en dépendent. La recherche scientifique a clairement montré qu'il ne nous reste qu'un très court laps de temps pour prévenir les pires effets du changement climatique.   

La nature peut jouer un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique et la réalisation des objectifs de l'accord de Paris. Les solutions fondées sur la nature peuvent fournir un tiers de l'atténuation climatique nécessaire pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C d'ici à 2030, et aider les communautés à s'adapter au changement climatique.  

Les entreprises prennent de plus en plus conscience du fait qu'elles ne peuvent pas atteindre un taux d'émissions nettes nul sans protéger la nature. Lors de la COP26 à Glasgow, 95 entreprises se sont engagées à stopper et à inverser le déclin de la nature d'ici à 2030, ce qui témoigne d'un intérêt croissant du monde des affaires pour les solutions fondées sur la nature.   

La reforestation est une méthode efficace pour financer des solutions fondées sur la nature et éliminer les émissions de gaz à effet de serre de l'atmosphère. Lorsqu'elle est réalisée correctement, la culture d'arbres peut avoir des retombées sociales et environnementales positives, notamment en restaurant des écosystèmes dégradés, en protégeant la biodiversité et en soutenant les communautés autochtones et locales.  

Quels sont les obstacles à un investissement efficace dans la reforestation ?  

De plus en plus d'entreprises se tournent vers les projets forestiers et arboricoles pour réduire leurs émissions et protéger la nature, soit en achetant des crédits carbone, soit en investissant dans des projets de restauration forestière. Cependant, il existe des centaines de projets et de fournisseurs parmi lesquels choisir dans le monde entier et un manque de conseils fiables pour aider les entreprises à distinguer les bons des mauvais.   

En conséquence, les projets forestiers ont historiquement fait l'objet de méfiance ou ont été considérés comme un échec. Cela s'explique en partie par l'accent mis à tort sur la "plantation d'arbres" en tant que solution rapide, plutôt que sur la "croissance des arbres" en tant qu'investissement à long terme dans l'avenir de notre planète.  

Pour apporter le financement nécessaire aux projets de reforestation qui ont un impact réel et durable sur les personnes et la nature, nous avons besoin de toute urgence d'une plus grande transparence et d'une meilleure compréhension de ce qui constitue un bon projet de restauration. Les entreprises qui cherchent à investir dans des projets de culture d'arbres bénéficieraient grandement d'informations claires et accessibles sur ce que sont les meilleures pratiques et comment les identifier. 

Le guide Reforest Better simplifie les investissements à fort impact dans la nature.  

Le guide Reforest Better propose une méthodologie accessible et facile à utiliser pour aider les entreprises à comprendre la qualité des programmes de culture d'arbres et à identifier les projets à fort impact à financer.   

Ancré dans la science, le guide interactif propose aux utilisateurs une série de questions pour les aider à identifier les projets de restauration les plus efficaces et éthiques dans lesquels investir. Il mesure le succès d'un projet en l'évaluant par rapport à 13 paramètres clés de bonnes pratiques. Ces paramètres comprennent la sélection des essences, l'inclusion et l'implication des communautés autochtones et locales, et la transparence sur la façon dont les émissions de référence sont calculées. Grâce à ces informations, le guide utilise un système de feux tricolores pour souligner la qualité d'un projet de restauration forestière  

En fournissant un moyen simple de promouvoir les meilleures pratiques en matière de reforestation, le guide vise à faire changer les considérations de la "plantation" d'arbres à la "culture" d'arbres. Cela reflète l'importance des investissements à long terme dans la nature et les projets de restauration pour les bénéfices sur le climat et la biodiversité.

Quels sont les avantages de l'utilisation du guide Reforest Better ?  

Grâce au guide Reforest Better, les entreprises sont en mesure de prendre des décisions plus éclairées avant d'investir dans des programmes de culture d'arbres. Le fait d'orienter les investissements vers des projets de qualité permet de réduire plus efficacement les émissions de carbone, ce qui aide les entreprises et les industries à atteindre leurs objectifs climatiques.   

Au-delà de l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, la canalisation des investissements vers une reforestation de haute qualité apporte d'autres avantages sociaux et environnementaux. Il s'agit notamment de la conservation de la biodiversité, en mettant l'accent sur la promotion et la protection des espèces végétales indigènes, et de la mise en place d'un cadre pour la gestion durable des terres, deux éléments qui favorisent la restauration des écosystèmes dégradés de manière durable.  

Les projets à fort impact offriront également des avantages sociaux, notamment des possibilités d'emploi et de revenus. Ils garantiront la protection des droits des autochtones et la participation des communautés locales à la prise de décision.  

Ce à quoi ressemblent les meilleures pratiques : La culture des arbres en Inde  

Dans l'est de l'Inde, les tribus Advasi de la vallée d'Araku sont parmi les plus défavorisées du pays. La région a souffert d'une grave déforestation sous le régime colonial anglais, entraînant l'érosion des sols, la dégradation des terres et la pauvreté. La Fondation Naandi s'efforce de lutter contre cette pauvreté en faisant pousser des arbres et en restaurant la nature pour soutenir les moyens de subsistance locaux.

Aujourd'hui, plus de six millions d'arbres ont été plantés et 6 000 ha de terres dégradées ont été restaurés. Les terres boisées offrent un abri et de la nourriture à la faune sauvage, ainsi que des possibilités de revenus pour les communautés locales, qui peuvent récolter des cultures, notamment des grains de café et des mangues, sur les nouveaux arbres. Cela a également permis de renforcer la sécurité alimentaire des petites communautés marginalisées et d'améliorer la productivité agricole.

Comment les entreprises peuvent-elles utiliser le guide Reforest Better ?   

Les entreprises qui cherchent à améliorer leurs références en matière de durabilité ou à compenser leurs émissions de carbone par des impacts significatifs sur les écosystèmes locaux peuvent profiter du guide en ligne Reforest Better pour identifier et examiner des projets de haute qualité.

De même, les gestionnaires de projets de reforestation, les ONG et les organisations de conservation pourraient bénéficier de l'usage de ce guide pour évaluer les projets existants et identifier le potentiel d'amélioration de la performance globale et de la mise à l'échelle. 

Comme le récent Rapport du GIEC l'a clairement montré, nous disposons d'une fenêtre d'opportunité réduite pour réaliser des investissements significatifs dans la nature - au bénéfice des écosystèmes, des communautés et de la santé planétaire à long terme. Le guide Reforest Better est l'un des meilleurs outils dont nous disposons pour accélérer cet investissement et atteindre les objectifs climatiques.   

Disponible en anglais, le guide Reforest Better a été élaboré par HAMERKOP, un cabinet de conseil spécialisé dans le changement climatique et la finance climat, en partenariat avec Nature4Climate et des scientifiques forestiers.   

Le guide Reforest Better et le questionnaire en ligne sont disponibles ici : https://nature4climate.org/reforest-better-guide/  

Cet article a été initialement publié ici.

Les organisations qui ont également participé à l'élaboration du guide sont les suivantes :  

L'équipe Hamerkop
Accès à l'énergie dans les contextes de déplacement de population : le rôle de la finance carbone

L'objectif de développement durable (ODD) 7 des Nations unies vise à assurer l'accès de tous à une énergie abordable, fiable, durable et moderne. Bien que des investissements importants aient été réalisés dans ce secteur, environ 4 milliards de personnes dans le monde n'ont toujours pas un accès suffisant à l'énergie, dont 80 millions sont des personnes déplacées de force : réfugiés, personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, apatrides et demandeurs d'asile[1].

Dans de nombreux contextes de déplacement, les personnes déplacées involontairement utilisent du bois de chauffe, du charbon de bois ou d'autres formes de biomasse avec des réchauds traditionnels et à faible efficacité énergétique pour cuisiner. Ces réchauds traditionnels émettent de grandes quantités de fumée lors de la cuisson, ce qui a un impact négatif sur la santé et la qualité de l'air à l'traditionnels émettent de grandes quantités de fumée lors de la cuisson, ce qui a un impact négatif sur la santé et la qualité de l'air à l'intérieur des habitations. Les femmes et les enfants sont souvent chargés d'aller chercher du combustible et de porter de lourdes charges lors de longs déplacements, ce qui les expose à des violences sexuelles et leur fait perdre du temps qui pourrait être affecté à d'autres activités productives : notamment les activités génératrices de revenus et l'éducation. La collecte de bois de chauffe pour la cuisson contribue à la dégradation de l'environnement et est à la racine de conflits entre les populations déplacées et les communautés d'accueil, en particulier dans les contextes qui ont atteint un point de crise environnementale où il n'y a plus de bois de chauffe disponible dans l'environnement local et où il n'existe aucune alternative.

Par conséquent, l'accès à l'énergie et, plus précisément, l'accès à des solutions de cuisson à énergie moderne dans les situations de déplacement est essentiel car il permet non seulement de contribuer à l'accès universel à l'énergie, mais aussi d'améliorer la santé et le bien-être des populations, l'égalité des sexes, l'action climatique, la paix et la justice, et la diminution de la pauvreté[2].

 

Une femme du Nord-Darfour, au Soudan, avec du bois de chauffe pour 4 jours de cuisson.

 

L'accès à l'énergie a historiquement été exclu des réponses humanitaires dans les contextes de déplacement des populations en raison de la disponibilité limitée des solutions, des financements nécessaires et de l'absence de modèles commerciaux adaptés. L'objectif de l'aide humanitaire est d'apporter un soulagement immédiat aux crises à court terme, mais les réfugiés et les populations déplacées sont parfois hébergés dans des camps ou d'autres lieux informels pendant des générations sans accès suffisant à l'énergie.

Bien que des initiatives spécifiques voient le jour, comme la Plateforme d'action mondiale soutenue par les Nations unies[3], une initiative faisant la promotion des actions permettant un accès durable à l'énergie dans les situations de déplacement, il reste encore beaucoup à faire.

Les interventions impliquant la distribution de technologies énergétiques pour la cuisson, l'éclairage et d'autres services, sont de plus en plus nombreuses, mais peu se sont concentrées sur les solutions d’accès à long terme à l'énergie moderne pour la cuisson (ex : gaz, solaire, électrique). Cela peut être attribué au fait que le financement humanitaire est souvent motivé par des raisons politiques et à court terme, ce qui signifie que le financement et les priorités peuvent rapidement changer en fonction des donateurs et de l’évolution des relations internationales. Il en résulte souvent des solutions ponctuelles qui ne répondent pas aux besoins énergétiques à long terme des populations dans ces contextes. En outre, les réfugiés sont confrontés à l'incertitude quant à leur statut juridique et aux politiques gouvernementales qui limitent leur intégration économique[4].

Accès à l'énergie et financement du carbone

Il est essentiel de mettre en œuvre de nouveaux modèles de financement et d'approvisionnement pour l'accès à l'énergie dans les contextes de déplacement, car les financements des donateurs sont insuffisants pour relever le défi. Un financement plus innovant est nécessaire pour étendre les solutions et attirer les investissements et la participation du secteur privé, qui a toujours considéré les camps de réfugiés et les établissements informels comme des lieux risqués et non rentables.

Encouragé par le Programme d'aide à la gestion du secteur de l'énergie (ESMAP) administré par la Banque mondiale, davantage de connaissances sont générées et les instruments de financement se diversifient[5]. La finance carbone offre un potentiel important pour l'implication du secteur privé dans ce contexte. La finance carbone est un mécanisme de financement qui attribue une valeur financière aux émissions de carbone. Dans les contextes de déplacement, les réductions d'émissions peuvent être obtenues par l'utilisation de réchauds à plus grande efficacité énergétique ou de combustibles propres. Chaque tonne de dioxyde de carbone (CO2) non émise génère un crédit carbone. Les réductions d'émissions ont lieu lorsque les ménages et les institutions (ex : écoles, hôpitaux, restaurants, boulangeries, etc...) passent d'une technologie traditionnelle (ex : feu ouvert ou réchauds en argile avec une efficacité thermique d'environ 10 %) à une technologie plus efficace (ex : réchauds à bois et à charbon avec une efficacité thermique de 25 % à 40 %) ou à une source d'énergie différente (ex : gaz, solaire thermique ou électrique, biogaz ou biocarburant).

Afaf Mohamed Ahmed Atroon est passée de la cuisson au bois à la cuisson au gaz, avec le soutien de la finance carbone au Soudan.

Ces crédits carbone peuvent ensuite être achetés par des entreprises pour compenser ou équilibrer leurs émissions, ou simplement pour contribuer au financement du développement international et des actions en faveur du climat sur la base des résultats plutôt que des activités. La finance carbone peut accroître la viabilité financière des projets ou réduire les risques d'investissement en créant une source de revenus supplémentaires et en permettant un transfert de technologies et de savoir-faire technique[6]. Ce mécanisme permet de (co)financer des projets qui apportent de nombreux avantages sociaux et environnementaux en plus de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans ce contexte, la réduction des émissions de GES est souvent considérée comme un outil pour canaliser des financements pour le développement plutôt que comme l'impact le plus important.

Pour les projets de solutions énergétiques pour la cuisson, la finance carbone est généralement utilisée de la manière suivante :

  • Payer l'ensemble des coûts d'investissement et d'exploitation liés à la distribution des technologies améliorées ;

  • Subventionner une partie du coût des technologies promues pour les rendre abordables pour les populations cibles ; ou

  • Payer, financer ou subventionner à des degrés divers les dépenses d'investissement et d'exploitation nécessaires à l'expansion du projet : sensibiliser par le biais de panneaux d'affichage, de publicités à la radio et à la télévision ou de porte-à-porte locaux ; étendre les canaux de commercialisation en payant les coûts de distribution du dernier kilomètre dans les zones à faible densité de population ; fournir un financement aux consommateurs par le biais de micro-prêts pour les réchauds et autres investissements ; et financer l'expansion des installations de production et de stockage de carburant.

Toutes les interventions ne peuvent pas bénéficier de la finance carbone, mais elle est particulièrement efficace dans les situations de déplacement qui résultent d'un conflit antérieur et non actuel. Ces situations de déplacement font l'objet d'une attention moindre de la part des médias et de l'aide internationale, et pourraient bénéficier tout particulièrement de la finance carbone. En plus de générer des réductions d'émissions, les projets devraient cocher quelques cases supplémentaires pour bénéficier de la finance carbone.

En termes de normes de certification carbone, le Gold Standard est connu pour son travail en faveur de l'élargissement de la portée de la finance carbone pour l'accès à l'énergie dans divers contextes (ex : interventions à grande, petite et micro échelle ; ou plus récemment pour les réchauds comprenant des compteurs)[7]. Le Verified Carbon Standard (VCS), le plus grand émetteur de crédits carbone volontaires, permet également aux projets de distribution de réchauds à bois efficace en énergie de bénéficier de la finance carbone[8]. Le graphique ci-dessous montre le nombre de projets enregistrés (en vert foncé) et les crédits émis pour ceux-ci (en vert clair et en millions de tonnes de CO2), par organisme de certification.

 

Volumes de programmes de réchauds par registre[9]

 

Il faut généralement compter 18 mois pour la certification ou l'enregistrement d'un projet (jalon à partir duquel un projet est officiellement autorisé à émettre un crédit carbone pour chaque tonne d'équivalent CO2 réduite, rapportée et auditée) et 6 à 18 mois supplémentaires pour délivrer un premier lot de crédits carbone.

Certaines questions sont spécifiques aux contextes de déplacement et à la finance carbone, notamment :

  • La nature temporaire des installations. La plupart des investisseurs de la finance carbone couvrent au moins une partie des coûts de mise en œuvre du projet et de la certification et du monitoring du carbone, en fonction du rendement attendu. Sachant qu'une technologie de cuisson est censée durer entre 2 et 8 ans, si les ménages déménagent, cela signifie souvent qu'il n'est plus possible de suivre leurs réductions d'émissions et cela entraîne une diminution des crédits carbone générés et des revenus de la vente de ceux-ci pour l'investisseur ou le sponsor.

  • Le manque d'infrastructures et les coûts plus élevés. De nombreuses colonies de réfugiés et de personnes déplacées sont isolées ou difficiles à atteindre et se trouvent souvent dans des endroits où il y a peu d'infrastructures (ex : routes, installations de stockage de carburant, etc.), ce qui rend la distribution de biens et les chaînes d'approvisionnement en carburant difficiles à établir. Ces limitations entraînent des coûts de mise en œuvre du projet plus élevés que dans un autre contexte. Parmi les autres facteurs d'augmentation des coûts, on peut citer le manque de partenaires de mise en œuvre dans la ou les zones cibles, ou la nécessité de disposer d'escortes militaires pour se déplacer.

  • Mise à disposition de capital. La finance carbone est par nature un outil de financement basé sur les résultats, ce qui signifie que les sponsors financiers sont généralement réticents à payer pour les activités à mettre en œuvre pour la réalisation du projet (plutôt qu'une fois que ces activités ont délivré des résultats), qu'ils peuvent considérer comme trop risquées. Cependant, sans ce déploiement de capital initial, c'est l’entière réalisation du projet qui est remise en question.

La finance carbone offre également toute une série d'avantages, notamment :

  • Une structure de coûts allégée. Les coûts associés à la mise en œuvre de tels projets sont souvent considérés à la lumière des retours financiers qui peuvent être générés par la vente de crédits carbone. Ainsi, les projets ont tendance à se concentrer sur les activités qui sont très efficaces pour atteindre l'objectif principal du projet (ex : la réduction des émissions). Cela tend à réduire les coûts de ces projets, par rapport à un projet qui serait financé par un bailleur de fonds traditionnel.

  • L'amélioration continue. Une fois le projet lancé, la finance carbone exige le suivi d'une série de paramètres au moyen de tests quantitatifs et d'enquêtes qualitatives. Alors que les projets de développement traditionnels incluent généralement un suivi des activités, les paramètres bien plus précis à suivre de façon continue pour les projets carbone leur permettent de s'améliorer au fil du temps (ex : réduire l'utilisation des réchauds traditionnels, mettre en œuvre des activités permettant aux utilisateurs d'économiser de l'argent, développer les canaux de vente de carburant, etc.). Les multiples enquêtes menées tout au long de la durée de vie du projet permettent également de recueillir des informations précieuses sur les dynamiques socio-économiques des bénéficiaires et de mieux comprendre leurs préoccupations et leurs préférences.

  • Contribution à l'ODD 17 - Partenariat pour les objectifs. Alors que le secteur privé est souvent réticent à collaborer avec le secteur public, la finance carbone peut être considérée comme un instrument plus simple pour la coopération et la contribution à l'ODD 17. Le secteur public et le secteur de l'aide sont bien conscients que leur financement est insuffisant pour s'attaquer à tous les problèmes de développement et que les fonds du secteur privé peuvent être mobilisés par la finance carbone.

Étude de cas : La cuisson solaire au Tchad

Femme darfourienne utilisant le Cookit distribué par ADES dans le camp d'Iridimi, à l'est du Tchad.

Le projet de cuisson solaire au Tchad est financé par FairClimateFund et mis en œuvre par l'ONG tchadienne ADES, avec le soutien technique d'HAMERKOP. Il se concentre sur la distribution d'un cuiseur simple, sans brevet, appelé CookIt. Ces cuiseurs solaires ont été initialement distribués en 2005, au moment où les réfugiés du Darfour ont fui le Soudan et traversé la frontière du Tchad. Le projet a débuté grâce aux financements de bailleurs internationaux qui se sont progressivement taris. Sans la vente de crédits carbone, le projet aurait été interrompu et les ménages seraient retournés à la cuisson traditionnelle sur des feux ouverts avec du bois de chauffe. En 2012, le projet a été repris dans le camp de réfugiés d'Iridimi, grâce au financement fourni sur la base que les réductions d'émissions du CookIt pourraient être certifiées et vendues sur le marché volontaire du carbone. Les bénéficiaires ont transféré la propriété de leurs réductions d'émissions au projet en échange de CookIt hautement subventionnés, de formations sur l'utilisation de ces cuiseurs et de la création d'emplois pour la production locale de ces cuiseurs.

La vente des crédits carbone couvre les coûts de gestion du projet et de la certification carbone. En partenariat avec FairClimateFund, HAMERKOP a été amené en 2019 à prendre en charge l'expansion du projet et à assurer sa durabilité à long terme grâce à la finance carbone. Depuis, le projet est entré dans sa quatrième période de suivi, s'étend à un deuxième camp de réfugiés et est certifié dans le cadre du Gold Standard for the Global Goals en utilisant la méthodologie Gold Standard "micro-scale Simplified Methodology for Efficient Cookstoves".

Étude de cas : Évaluation des pratiques de cuisson dans les zones de déplacement au Cambodge

Le programme Modern Energy Cooking Services (MECS), financé par l'aide au développement britannique, soutient la transition des économies à faible revenu de la biomasse à l'utilisation de services de cuisson à énergie moderne. Si des recherches ont déjà été menées sur l'accès à l'énergie dans les pays à faible revenu, il existe peu de données sur l'accès à l'énergie dans les contextes de déplacement. On sait relativement peu de choses sur les pratiques de cuisson, les rôles joués au sein des ménages et les mécanismes utilisés pour faire face aux pénuries de combustible, d'accès aux technologies et sur d'autres aspects relatifs aux moyens de subsistance qui sont affectés pendant un événement de déplacement (ex : un conflit lié aux terres, développement urbain, événements climatiques extrêmes tels que les inondations).

Femme cambodgienne préparant son repas familial, capturée lors des enquêtes du MECS menées par HAMERKOP

En développant un outil de recherche et pendant un mois au Cambodge, HAMERKOP a effectué une collecte de données pour aider le MECS à mieux comprendre comment les personnes déplacées et les institutions (par exemple, les hôpitaux, les écoles, les restaurants, les boulangeries, etc.) utilisent l'énergie pour cuisiner. Pour mieux comprendre les pratiques de cuisson dans les contextes de déplacement au Cambodge, des données ont été collectées en menant 300 enquêtes et en organisant des discussions de groupe parmi les ménages et les institutions dans les zones rurales et urbaines du Cambodge où les personnes déplacées à l'intérieur du pays étaient connues pour s'être réinstallées.

Bien que cette mission n'avait pas pour but de déboucher sur le développement d'un projet carbone, certaines des premières conclusions vont dans ce sens. Les personnes déplacées doivent faire face à de nombreuses difficultés. L'une d'entre elles est la perte de leur source historique de revenus et d'actifs ; une autre est le défi pour produire leur propre nourriture en raison du manque de terres et du manque d'accès à l'épargne et au crédit à la consommation pour s'offrir des technologies de cuisson plus efficaces et plus propres. Dans ce contexte, la finance carbone pourrait fournir le soutien mentionné plus haut dans cet article et permettre aux technologies de cuisson modernes d'être accessibles à ces populations vulnérables.

Les équipes d’HAMERKOP ont plus de 10 ans d'expérience dans le soutien aux projets visant à bénéficier de la finance carbone dans des contextes de déplacement. Elles réalisent régulièrement des évaluations des situations, conçoivent des interventions, sélectionnent les technologies les plus appropriées, et permettent la certification des projets. Elles sont également amenées à fournir des conseils techniques et stratégiques pour leur mise en œuvre.

Que vous soyez une organisation internationale ou une ONG cherchant à bénéficier de la finance carbone ou une entreprise souhaitant soutenir financièrement des interventions sur le long terme, nous pouvons vous aider, alors contactez-nous.



——

[1] Source : Bisaga, I. & To, L.S. 2021. Modèles de financement et de fourniture de services énergétiques modernes de cuisson dans les situations de déplacement : A Review. Lien : Energies

[2] Source : Ibid

[3] Site web du Programme d'action mondial : https://www.humanitarianenergy.org/  

[4] Source : Patel, L. & Gross, K. 2019. Cuisiner dans les situations de déplacement : Engager le secteur privé dans l'approvisionnement en combustible non ligneux. Lien : chathamhouse.org

[5] Source : Modern energy cooking : review of the funding landscape. Lien : https://mecs.org.uk/wp-content/uploads/2022/02/Modern-Energy-Cooking-Review-of-the-Funding-Landscape.pdf

[6] Source : HCR. 2014. Le financement du carbone. Lien : https://www.unhcr.org/55005b069.pdf   

[7] Source : Méthodes de quantification de l'impact de Gold Standard. Lien : https://globalgoals.goldstandard.org/400-sdg-impact-quantification/

[8] Source : VMR0006 Méthodologie pour l'installation de fourneaux à bois de chauffage à haut rendement. Lien : https://verra.org/methodology/vmr0006-methodology-for-installation-of-high-efficiency-firewood-cookstoves/

[9] Source : Banque mondiale /Ci-Dev : https://ci-dev.org/sites/cidev/files/2020-11/CI-DEV_FRACTION%20OF%20NONRENEWABLE%20BIOMASS_R2.pdf and Modern energy cooking : review of the funding landscape. Lien : https://mecs.org.uk/wp-content/uploads/2022/02/Modern-Energy-Cooking-Review-of-the-Funding-Landscape.pdf

L'équipe Hamerkop
Le potentiel des projets de compensation du carbone bleu en Europe
unsplash-image-MiCQyKq-ans.jpg

En mai 2021, le Centre de coopération pour la Méditerranée de l'UICN a publié son "Manuel pour la création de projets carbone bleu en Europe et en Méditerranée". Ce document fournit des conseils pour développer des projets qui utilisent la finance carbone pour améliorer, protéger et développer les écosystèmes d'herbiers marins et de zones humides côtières pour l'atténuation et l'adaptation au changement climatique, spécifiquement en Europe et dans la région méditerranéenne.

Olivier Levallois, directeur de HAMERKOP, a été le principal contributeur aux chapitres 2, 3 et 4 du manuel, qui détaillent les politiques et les nouveaux mécanismes de gestion du carbone, l'éligibilité des projets carbone et le processus de certification. Ce billet de blog vous présentera le carbone bleu et donnera un aperçu de certains des sujets abordés dans ces chapitres.

Le carbone bleu côtier est défini comme le carbone organique stocké dans les écosystèmes des zones côtières ou proche du littoral et comprend les mangroves, les herbiers marins et les marais salants. Les projets de compensation certifiés ont traditionnellement été associés aux environnements tropicaux et plus particulièrement aux forêts de mangroves. Cependant, avec l'entrée en vigueur de l'accord de Paris, il existe un potentiel important de certification carbone pour soutenir le développement de projets de carbone bleu en Europe et en Méditerranée.

Depuis quelques années, les solutions basées sur la nature (NbS), notamment la plantation d'arbres, le boisement, le reboisement et la gestion des terres, suscitent un intérêt croissant. Bien que ce terme englobe également le carbone bleu, les discussions autour des NbS sont souvent dominées par les projets forestiers plus classiques. Même s'ils ne sont pas aussi connus ou aussi développés sur les marchés du carbone que les projets forestiers, les herbiers marins, les marais salants et les mangroves ont tous un potentiel de stockage du carbone par hectare nettement supérieur à celui des forêts boréales et tropicales, puisque 95 % de leur carbone est stocké dans le sol[1]. Par conséquent, le financement de leur protection, de leur restauration et de leur création constitue une opportunité pour les organisations désireuses d'équilibrer leurs émissions.

 
BlueCarbonManual.JPG

Écosystèmes de carbone bleu

Les écosystèmes côtiers séquestrant du carbone en Europe et dans le bassin méditerranéen sont principalement constitués de prairies sous-marines et de marais salants. Les prairies sous-marines sont présentes en Méditerranée et dans l'Atlantique Nord et ont été identifiées comme d'importants puits de carbone organique. L'espèce Posidonia oceanica est la plus abondante et la plus répandue en Méditerranée et son potentiel de stockage du carbone est considérable : 1 500 tonnes de CO2e par hectare.[2].

La disparition des herbiers marins en Europe et en Méditerranée peut être attribuée à des impacts anthropiques directs et indirects. Il s'agit notamment de la mauvaise qualité de l'eau et de l'érosion mécanique (chalutage et ancrage), de l'enfouissement des herbiers provoqué par la construction de nouvelles défenses et infrastructures côtières, ainsi que des tempêtes et des vagues de chaleur marines qui ont un impact significatif sur la stabilité de ces écosystèmes.

Source : Med-O-Med, Posidonia oceanica, le poumon et la base de la région Med-O-Med.

Source : Med-O-Med, Posidonia oceanica, le poumon et la base de la région Med-O-Med.

Les marais salants se trouvent principalement en bordure des estuaires, des baies et des zones intertidales à faible énergie. Les marais salants européens de l'Atlantique sont caractérisés par des prairies naturelles le long des étendues abritées de la côte européenne de l'Atlantique, du centre du Portugal à la mer du Nord. Les marais salants sont également très présents le long des côtes abritées de la côte sud du Portugal et du bassin méditerranéen.

Les données sur l'étendue et le stock de carbone des marais salants sont au mieux fragmentées, mais on estime que les sols des marais salants européens ont un potentiel de séquestration à long terme de 151 g C m-2 an-1. C'est six fois le potentiel de séquestration du carbone des tourbières (26,6 g C m-2 an-1) qui sont considérées comme le plus grand stock naturel de carbone terrestre au monde[3]. Les marais salants sont particulièrement menacés par l'élévation du niveau de la mer résultant du "resserrement des côtes", qui a entraîné une réduction moyenne estimée de 13 % de ces habitats au cours des 50 dernières années. Les changements dans l'apport de sédiments côtiers et la modification de l'hydrodynamique de l'eau, comme le débit et la force, peuvent également entraîner un déclin significatif de la qualité et de la quantité des marais salants.

Source : The Guardian, comment les marais salants artificiels peuvent aider à lutter contre la montée des eaux.

Source : The Guardian, comment les marais salants artificiels peuvent aider à lutter contre la montée des eaux.

Indépendamment de leur potentiel de piégeage du carbone, les herbiers marins et les marais salants favorisent l'adaptation au changement climatique en améliorant l'habitat et la chaîne alimentaire pour les pêcheries commerciales, la stabilisation du littoral, la protection contre les tempêtes et l'atténuation des inondations. De nombreuses espèces végétales séquestrant du carbone rehaussent également de manière significative le plancher océanique, ce qui contribue à nouveau à la protection naturelle du littoral contre l'élévation du niveau de la mer. Ces avantages supplémentaires en matière d'adaptation deviennent de plus en plus importants alors que le climat continue de changer. Rien qu'au Royaume-Uni, les marais salants fournissent des défenses contre les inondations côtières d'une valeur estimée à 1 milliard de livres sterling[4].

Outre les mangroves, les herbiers marins et les marais salants, il existe un potentiel supplémentaire pour les projets de carbone bleu qui impliquent le varech, le phytoplancton et les récifs biogènes. Les scientifiques affirment que le varech a été "oublié" sur la scène du carbone bleu, notamment en Australie, où l'on estime que le varech des récifs de la Grande Barrière sud contient environ 3 % du carbone bleu mondial total. Cependant, l'un des principaux défis de l'inclusion du varech dans le carbone bleu est qu'il peut être déjà indirectement pris en compte, car il peut être enfoui dans les marais littoraux, les forêts de mangroves et les herbiers marins[5]. Cela soulève le risque d'un double comptage. Il s'agit d'un domaine de recherche pionnier et il est probable qu'au fur et à mesure que l'intérêt autour du carbone bleu se développera, d'autres écosystèmes pourront également être inclus.

Incitations politiques et financières pour les projets de carbone bleu

Dans le cadre de l'accord de Paris, les pays sont tenus de soumettre des contributions déterminées au niveau national (CDN) révisées tous les cinq ans. Ces CDN comprennent des informations concernant la portée et la couverture des efforts d'atténuation et d'adaptation d'un pays, parmi lesquelles les solutions fondées sur la nature, y compris le carbone bleu, qui jouent un rôle central. En Europe, la Commission européenne a adopté la stratégie en faveur de la biodiversité dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe en mai 2020. Ce cadre multilatéral ambitieux fixe une série d'objectifs en matière de biodiversité, notamment le renforcement des mesures de restauration et de conservation dans les zones protégées et l'amélioration des écosystèmes affaiblis et détériorés. La restauration, la protection et l'amélioration des écosystèmes séquestrant du carbone à travers l'Europe est un outil essentiel pour atteindre ces objectifs.

Outre la stratégie en faveur de la biodiversité, l'objectif d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, qui nécessite une transition vers une économie zéro émission nette, est également au cœur du Pacte vert pour l'Europe[6]. Si cet objectif sera atteint principalement grâce aux pays et aux entreprises qui réduiront leurs propres émissions, certaines émissions sont inévitables et doivent donc être compensées. La vente de crédits carbone générés par des projets européens et méditerranéens de carbone bleu permettrait d'étendre la restauration, la conservation et le développement de ces écosystèmes, tout en permettant aux entreprises privées de soutenir la réalisation de leurs objectifs climatiques.

Source : Manuel pour la création de projets de carbone bleu en Europe et en Méditerranée

Source : Manuel pour la création de projets de carbone bleu en Europe et en Méditerranée

Seagrass.JPG

Bien qu'il n'existe à ce jour aucun projet de carbone bleu certifié en Europe, un certain nombre d'organisations ont commencé à entreprendre des activités de conservation et de régénération en faveur de la séquestration du carbone. L'une de ces organisations est Carbon Kapture, qui a pour but de créer un nouveau marché pour les services de carbone à base d'algues. Certaines algues poussent 30 fois plus vite que les arbres et sont considérées comme très efficaces pour éliminer le CO2 de l'atmosphère. Elles peuvent également être vendues aux agriculteurs comme nourriture pour animaux, ce qui permettrait de réduire les émissions de méthane du bétail[7].

Le projet Manaia est une autre organisation qui œuvre à la conservation des écosystèmes de carbone bleu. Sa mission consiste à préserver les herbiers marins, à étudier les espèces envahissantes et à éliminer les débris marins. Basé en Autriche, son travail sur les herbiers marins s'est principalement concentré sur la documentation de l'étendue actuelle des herbiers ainsi que sur les changements de tailles au fil du temps. Cela leur permet de se concentrer sur la replantation des herbiers marins dans les zones qui en ont besoin.

Certification carbone

Avant la mise en œuvre de l'accord de Paris, les projets de carbone certifiés en Europe étaient autorisés par la mise en œuvre conjointe (MOC) du Protocole de Kyoto. Parmi les pays de l'Union européenne de la région méditerranéenne (Espagne, France, Italie et Grèce), seuls 20 projets ont été enregistrés dans le cadre de la MOC - dix-sept en France et trois en Espagne, et aucun d'entre eux ne concerne les écosystèmes océaniques. Pour en savoir plus, l'un de nos précédents billets traite de la compensation carbone et du fonctionnement des processus de certification carbone.

Alors que les projets de carbone bleu sont devenus de plus en plus populaires aux côtés d'autres NbS, leur utilisation dans un contexte européen reste sous-développée. Tous les projets de carbone bleu actuellement enregistrés sur les marchés du carbone (règlementés et volontaire) sont des projets de mangroves dans les pays tropicaux.

Il existe actuellement six méthodologies approuvées pour la comptabilisation et le suivi du carbone dans le cadre du mécanisme de développement propre (MDP), le Gold Standard (GS) et le Voluntary Carbon Standard (VCS), qui peuvent être appliquées aux projets de carbone bleu. Bien qu'il soit recommandé aux projets d'utiliser une méthodologie existante, il est possible de modifier ou de développer une nouvelle méthodologie si nécessaire. Parmi ces six méthodologies VCS, seules deux conviendraient à des projets basés en Europe - VM0024 Méthodologie pour la création de zones humides côtières et VM00033 pour la restauration des zones humides à marée et des herbiers marins. Le MDP n'autorise que les projets dans les pays en développement ; et la méthodologie GS n'est actuellement applicable qu'aux mangroves.

Un certain nombre de méthodologies potentielles sont en cours de développement et le GS cherche à étendre ses méthodologies pour inclure d'autres écosystèmes de carbone bleu, y compris les herbiers marins et les algues. La norme de certification française Label bas-Carbone a également entamé des recherches pour établir la première méthodologie spécifiquement destinée à certifier les mesures de conservation et de préservation des herbiers marins, avec l'intention d'entreprendre un premier projet dans le parc national des Calanques[8].

Si vous avez déjà un projet de carbone bleu à l’esprit, il y a cinq étapes à franchir pour comprendre s'il pourrait être éligible à la finance carbone :

2021_Hamerkop_The Carbon Finance Handbook-visuel-social-media-2.png
  1. Confirmer l'additionnalité de votre projet et évaluer les conditions de propriété des droits carbone.

  2. Identifier la méthodologie de comptabilisation du carbone et le standard de certification les plus appropriés.

  3. Quantifier les réductions d'émissions qui pourraient avoir lieu.

  4. Évaluer la viabilité financière et le calendrier de votre projet.

  5. Évaluer les obstacles potentiels et les motivations non financières.

Chacune de ces étapes est discutée en profondeur et directement en relation avec le carbone bleu dans le manuel de l'UICN. En outre, HAMERKOP a également produit un manuel sur la finance carbone qui fournit un guide complet, étape par étape, pour savoir si un projet peut être éligible à la finance carbone.

Si vous souhaitez en savoir plus ou discuter des options qui s'offrent à vous, notre équipe d'experts est là pour vous guider et possède une vaste expérience des projets NbS et de carbone bleu. Nous pouvons vous aider à évaluer le potentiel de votre projet à bénéficier de la finance carbone, vous aider à structurer votre projet ou vous soutenir pour mieux comprendre les opportunités liées à ce domaine.




——

1] Source : The blue carbon initiative, Coastal Blue Carbon methods for assessing carbon stocks and emission factors in mangroves, tidal salt marshes and seagrass meadows.

[2] Source : https://www.se.com/fr/fr/about-us/newsroom/news/press-releases/label-bas-carbone--ecoact-interxion-france-schneider-electric-france-et-le-parc-national-des-calanques-lancent-le-projet-de-m%C3%A9thodologie-pour-la-pr%C3%A9servation-des-herbiers-marins-prom%C3%A9th%C3%A9e--med-6050b9e9b120ca0dec63cc2b

[3] Source : https://www.iucn.org/resources/issues-briefs/peatlands-and-climate-change

[4] Source : https://www.theguardian.com/environment/2020/sep/09/how-artificial-salt-marshes-can-help-in-the-fight-against-rising-seas-aoe

[5] Source : Substantial blue carbon in overlooked Australian Kelp forests (Filbee-Dexter, K., Wernberg, T., 2020)

[6] Souce : https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2050_en

[7] Source : https://www.carbonkapture.org/blog/r87trpd128isrubc0vromx9oebnfwz

[8] Source : https://www.se.com/fr/fr/about-us/newsroom/news/press-releases/label-bas-carbone--ecoact-interxion-france-schneider-electric-france-et-le-parc-national-des-calanques-lancent-le-projet-de-m%C3%A9thodologie-pour-la-pr%C3%A9servation-des-herbiers-marins-prom%C3%A9th%C3%A9e--med-6050b9e9b120ca0dec63cc2b

L'équipe Hamerkop
L'émergence de solutions climatiques naturelles : qui et comment ?

Les concepts autour des solutions basées sur la nature (NbS) peuvent sembler complexes et parfois même intimidants pour les non-initiés. Ce n'est pas une raison pour leur tourner le dos, étant donné qu'elles vont fournir une portion non-négligeable de l'atténuation à bas coût requise d'ici 2030 pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C. Le développement économique a entraîné une destruction importante de la nature et une perte de biodiversité à l'échelle mondiale. Les émissions excessives de gaz à effet de serre qui accompagnent ce développement économique contribuent à des changements climatiques importants et à des conditions météorologiques plus extrêmes, ce qui aggrave encore cette destruction[1]. Pour sortir de ce cercle vicieux, les scientifiques et les décideurs politiques encouragent sérieusement la restauration des terres à grande échelle[2].

Les NbS, également appelées solutions climatiques naturelles, sont de plus en plus considérées comme un outil d'atténuation crédible et, lorsqu'elles sont utilisées pour la compensation, elles peuvent également être rentables. À mesure que la sensibilisation au changement climatique s'accroît, un nombre croissant d'entreprises prennent des engagements de neutralité carbone et sont prêtes à soutenir les NbS, que ce soit en parrainant la plantation d'arbres, les pratiques agricoles durables ou en soutenant les efforts permettant d'éviter la déforestation.

Dans cet article, nous passons en revue les fondements techniques des NbS, nous présentons un aperçu de la situation mondiale et enfin nous dressons la carte des acteurs actuellement impliqués dans ce secteur.

Bases scientifiques et techniques

IUCN_Nature-Based_Solutions.jpg

Selon la définition de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), les NbS sont "des actions visant à protéger, gérer durablement et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés, qui répondent aux défis sociétaux [...] de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être de l'homme et des impacts positifs en terme de biodiversité"[3]. L'UICN a également élaboré une liste de 8 principes visant à mettre en place un cadre commun pour les NbS[4]. Sous ce terme générique, les NbS regroupent un large éventail d'actions et d'activités qui ont pour résultat d'améliorer la conservation de la nature, de contribuer à la gestion durable des terres, de restaurer la résilience des écosystèmes naturels et d'aider à atténuer le changement climatique.

Alors que les techniques de restauration et de conservation sont connues et utilisées depuis des décennies, le concept a gagné en popularité au cours des cinq dernières années. En pratique, les NbS sont applicables à différents types d'écosystèmes, comme illustré ci-dessous.

Forêts et arbres

Les forêts représentent environ 30 % de la surface terrestre mondiale[5]. Elles jouent un rôle crucial en tant que puits de carbone, mais la déforestation artificielle contribue à 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Les NbS liées aux forêts comprennent :

  • Le reboisement, qui consiste à replanter une zone avec des arbres après qu'elle ait été déboisée par des activités humaines ou une catastrophe naturelle telle qu'une tempête ou un incendie, et le boisement, un processus similaire appliqué aux terres auparavant non boisées telles que les pâturages.

  • L’amélioration de l'état de conservation des forêts en développant des pratiques d'exploitation forestière appropriées, en encourageant la gestion durable des forêts et en évitant la dégradation des forêts tropicales.

Au-delà des forêts, sous certaines conditions, les programmes de plantation d'arbres peuvent être considérés comme des NbS, où qu'ils aient lieu (par exemple dans les villes), étant donné leurs effets positifs potentiels tels que la modération de l'impact des températures élevées, la réduction de la pollution, l'amélioration de la biodiversité, la réduction des risques de glissements de terrain et d'inondations, la filtration de l'eau et l'élimination du carbone de l'atmosphère.

Les terres agricoles

Selon la FAO (Food and Agriculture Organization), les terres agricoles représentent environ 40 % de la surface terrestre mondiale. La plupart sont des pâturages permanents et des terres arables. Les NbS liées à l'agriculture comprennent :

  • L'agriculture durable, des pratiques de production et une planification innovante des paysages agricoles qui augmentent la multifonctionnalité et les services écosystémiques.L'agriculture biologique est une forme d'agriculture durable dont les principes sont définis par des normes.

  • L'agriculture de conservation est un système de production agricole durable et économe en ressources dans lequel les techniques d'exploitation et de gestion des sols sont mises en œuvre pour éviter la perturbation des sols, préserver les terres, la biodiversité et les ressources naturelles[6]. Un exemple bien connu est la réduction du labourage.

  • L'agroforesterie, un système d'utilisation des terres où la disposition spatiale permet aux arbres et aux arbustes de pousser parmi (ou autour) des cultures ou des pâturages. Cela permet des interactions et des avantages tant écologiques qu'économiques.

Les zones humides

Les zones humides sont des zones où l'eau recouvre le sol de façon permanente ou saisonnière. Les zones humides intérieures et côtières sont des puits de carbone très efficaces et soutiennent une diversité biologique spécifique. Les marais à marée, les marécages ou les tourbières sont toutes des formes de zones humides. Les NbS liées aux zones humides comprennent :

  • La restauration, la protection et la gestion des zones humides qui peuvent fournir une multitude de services d'une grande valeur sociale, économique et environnementale[7].

Les écosystèmes côtiers

Les écosystèmes côtiers fournissent un habitat à une grande variété d'espèces marines ainsi que des ressources pour l'homme. Les NbS liés aux côtes comprennent :

  • La replantation et la protection des ceintures de mangroves qui atténuent l'impact des vagues et du vent sur les établissements côtiers, contrôlent l'érosion côtière et séquestrent le CO2. Les ceintures de mangroves constituent également des nurseries pour la vie marine, ce qui peut entraîner une augmentation des moyens de subsistance des populations locales.

  • La restauration des ceintures de récifs, qui renforcent la résilience à l'élévation du niveau de la mer et aux inondations côtières et fournissent des services environnementaux et économiques précieux.

  • La conservation des prairies sous-marines, un groupe de plantes à fleurs adaptées à la vie en eau salée, et l'un des écosystèmes naturels les plus menacés qui contient une quantité importante de carbone stocké dans les sols sous-marins.

Le diagramme ci-dessous[8] montre à quels endroits certaines NbS peuvent être mises en œuvre. 

Solutions climatiques basées sur la nature.jpg

La mise en œuvre et le suivi des impacts des NbS peuvent être complexes[9] car les approches et les techniques utilisées doivent être spécifiques au type de sol, à l'emplacement, au climat, aux écosystèmes, à la biodiversité et aux besoins humains.

Au-delà de l'urgence de la perte d'habitat naturel, de la biodiversité et du changement climatique, l'émergence de nouvelles approches et de nouveaux outils de financement alimente l'intérêt pour les NbS. L'investissement dans les NbS peut être considéré comme une "approche globale" en termes d'impacts. Il contribue souvent simultanément au stockage du carbone, à la préservation et à la protection de la biodiversité et génère souvent des avantages sociaux et économiques pour les communautés locales. La conservation de 30 % des terres et de l'eau sur Terre pourrait créer jusqu'à 650 000 emplois dans le domaine de la conservation de la nature et les NbS peuvent permettre de réaliser simultanément un grand nombre des Objectifs de Développement Durable[10].

Face aux défis posés par le changement climatique, les NbS devraient contribuer aux efforts d'atténuation et d'adaptation au niveau mondial. En conséquence, 66 % des signataires de l'accord de Paris ont mentionné les NbS dans la première itération de leur contribution nationale, comme l'illustre la carte ci-dessous[11] (pays en vert).

NBS dans NDC.JPG

État des lieux et instruments financiers

Le financement des NbS est basé sur la reconnaissance des services fournis par les écosystèmes naturels, notamment en termes de réduction des risques, de protection de la biodiversité et des ressources, de capture et de stockage du carbone. Dans ce contexte, les différents instruments et véhicules financiers présentés ci-dessous peuvent être mobilisés.

Le Paiement des Services Ecosystémiques (PSE) est un concept de marché bien établi, considéré comme un outil politique efficace pour coordonner le développement socio-économique et la protection de l'environnement, et qui a la capacité d'encourager le développement des NbS. Les paiements incitent les personnes qui gèrent et utilisent les ressources naturelles, généralement les propriétaires de forêts ou les agriculteurs, à gérer leurs ressources de manière durable et à mettre en œuvre de bonnes pratiques, ce qui génère des impacts précieux suivis et quantifiés.

La finance carbone est un système de PSE basé sur la monétisation de la réduction ou de l'évitement des émissions de gaz à effet de serre. De nombreux projets de financement du carbone sont enregistrés auprès de systèmes de certification tiers qui délivrent des crédits carbone pour chaque tonne de CO2e évitée ou réduite, tels que le Gold Standard ou le Verified Carbon Standard. Le financement de NbS par la vente de crédits carbone est adapté car il ne nécessite pas une connaissance sophistiquée des marchés financiers, il fournit au financeur du projet un produit ou un service qui a une valeur tangible et il est un indicateur de performance en soi. Toutefois, d'autres instruments peuvent être utilisés pour financer les activités à mettre en œuvre, comme par exemple :

Les subventions

Jusqu'à présent, les subventions ont été l'instrument financier le plus populaire pour les activités NbS. Les subventions publiques, les fonds philanthropiques ou même les dons de particuliers prennent souvent la forme de donts. Le financement est généralement acheminé par des intermédiaires tels que des fonds publics ou des ONG vers les organisations locales qui mettent en œuvre les projets.

Exemple: Conservation International est l'une des plus grandes ONG qui se consacre à la protection et à la restauration des écosystèmes naturels, à la protection de la nature pour enrayer le changement climatique, à la protection des océans et à la promotion de la durabilité des terres et des eaux. La plupart des aides financières sont reçues et utilisées sous forme de subventions pour la mise en œuvre de projets.

Les dettes et les capitaux propres

Les NbS peuvent avoir des modèles commerciaux fiables qui génèrent des revenus et aident à placer ces projets sur la voie de l'indépendance et de la pérennité financière. Alors que les prêts entraînent l'émission de dettes, les capitaux propres sont des capitaux provenant d'investisseurs en échange de la participation au capital. Comme la mesure du risque et du retour sur investissement n'est pas toujours évidente dans le domaine des NbS, ce type de financement en est encore à ses débuts et tend à s'orienter vers les entreprises plutôt que vers les projets.

Exemple: Le Fonds néerlandais pour le climat et le développement est doté de 160 millions d'euros et investit dans l'agroforesterie, l'utilisation durable des terres et la production alimentaire résistant au climat. Une partie de ce financement est fournie sous forme de subvention au développement pour élaborer des analyses de rentabilité viables et le reste sous forme de dettes ou de capitaux propres pour financer les entreprises créées et mises en place.

Bien que le financement du climat ait dépassé pour la première fois les 500 milliards de dollars par an en 2017, seul 1 % de ce montant a été dirigé vers les NbS[12]. Malgré leur potentiel important, les NbS restent complexes pour les investisseurs et présentent de nombreux défis pour les décideurs politiques qui doivent fournir un cadre législatif approprié. Bien qu'il ne s'agisse actuellement que d'une petite partie de l'ensemble du financement climatique, il existe un certain nombre de porteurs de projets, de développeurs et d'investisseurs clés déjà actifs dans ce secteur, et qui sont mis en évidence ci-dessous.

Les porteurs et les développeurs de projets

Pour entreprendre des projets NbS, il faut des terres et des ressources. Par conséquent, une ou plusieurs organisations sont nécessaires pour les mettre en œuvre et les financer. Les activités NbS impliquent une grande variété de parties prenantes qui interagissent entre elles : propriétaires fonciers, communautés locales, organisations non gouvernementales et entreprises privées. Dans les pays en développement, les autorités peuvent également s'impliquer, car les questions relatives au régime foncier et à la propriété des terres peuvent entraîner des conflits[13] lors de la mise en œuvre des activités et du partage des bénéfices y résultant.

Les propriétaires fonciers

Qu'ils soient des particuliers (propriétaires fonciers privés), des entreprises privées ou des institutions publiques (États, municipalités), les propriétaires fonciers ont une relation étroite avec la nature. Les NbS impliquent souvent qu'ils modifient leurs pratiques actuelles de gestion des terres. Certaines pratiques telles que l'agroforesterie ou la régénération naturelle des forêts pourraient entraîner des coûts supplémentaires importants avec peu de bénéfices au cours des premières années. Les paiements pour les services écosystémiques pourraient alors être utilisés comme levier pour récompenser les propriétaires fonciers et déclencher des investissements supplémentaires.

Exemples:

  • En France, des propriétaires forestiers individuels[14] réunis au sein d'une association ont bénéficié de financement liés à la compensation carbone volontaire (par le biais du standard national Label Bas Carbone) pour reconstituer des forêts détruites par une tempête.

  • Au Cambodge, la Wildlife Alliance a permis au projet de conservation et d'agriculture de la forêt de la cardamome du Sud de soutenir directement les moyens de subsistance de 21 villages et de bénéficier aux municipalités propriétaires des terres forestières[15].

  • La brasserie Brewdog[16], a acheté 810 ha de terrain en Écosse et s'est engagée à planter plus d'un million d'arbres au cours des prochaines années pour compenser ses émissions de carbone indirectes grâce à l'accréditation au Woodland Carbon Code.

Les communautés locales

Que les activités consistent à éviter la déforestation, à conserver les écosystèmes côtiers ou à modifier les pratiques agricoles, les NbS ont un impact sur les communautés vivant à l'intérieur et à l'extérieur de ces lieux. Habituellement rassemblés, mobilisés et sensibilisés par les associations locales, les villageois et les habitants des forêts peuvent être touchés par les activités ayant lieu sur des terres sur lesquelles ils peuvent avoir des droits coutumiers. Les communautés locales prennent souvent part à des activités avec différents niveaux d'implication. Non seulement elles participent aux travaux (ex : plantation d'arbres), mais elles doivent être les premières à bénéficier des avantages sociaux et économiques des activités mises en œuvre, afin de garantir un niveau élevé d'acceptabilité.

Exemple: au Kenya, le projet Mikoko Pamoja[17], premier projet de carbone bleu au monde, est un projet de conservation et de restauration de la mangrove mené par une communauté locale qui bénéficie d'un habitat de nurserie pour les poissons, d'une amélioration de la biodiversité, de l'apiculture et de l'écotourisme. Le projet est certifié conforme à la norme carbone Plan Vivo et coordonné par l'Association pour les services écosystémiques côtiers.

Communautés soudanaises.JPG

Source : Hamerkop soutient un projet REDD au Soudan impliquant les communautés locales (photo : Hamerkop & Etifor).

Les organisations non gouvernementales

Les ONG et les organisations à but non lucratif opèrent au niveau mondial dans le domaine du reboisement, de la restauration et de la conservation des terres depuis de nombreuses années, bien avant que le concept des NbS n'émerge. Elles le font parce que l'agriculture et les écosystèmes naturels sont la clé de la lutte contre la pauvreté, de la réduction des effets des catastrophes naturelles et climatiques (tempêtes, sécheresses, etc.) et de la préservation de la biodiversité. La plupart d'entre elles recueillent des dons auprès de particuliers ou d'entreprises en Europe et en Amérique du Nord et financent des projets dans les pays en développement, généralement sans recourir à des mécanismes de marché mais en collaboration avec des ONG, des communautés ou des institutions locales.

Exemple: Eden Reforestation Projects, une ONG basée aux États-Unis, a planté plus de 480 millions d'arbres dans de nombreux pays en développement. Ils sont soutenus par des dons philanthropiques, notamment de la part d'organisations désireuses de compenser leurs propres émissions. Leur principale motivation est de fournir des emplois à des salaires équitables à des villageois appauvris en tant qu'agents de la restauration des forêts dans le monde.

Les entreprises privées

Les entreprises privées ont plus souvent été de l'autre côté de la table lorsqu'il s'agit des NbS, ayant des pratiques menant à la déforestation, la dégradation des terres, l'utilisation d'engrais chimiques pour l'agriculture ou la destruction d'écosystème pour la construction de stations balnéaires et de logements. L'émergence des NbS et la sensibilisation croissante du public au changement climatique ont donné aux entreprises privées une raison et des outils pour lutter contre la dégradation de l'environnement et conduisent au développement de nouvelles opportunités. De nouveaux besoins apparaissent, et un nombre croissant d'entreprises proposent désormais des services financiers et techniques liés aux NbS ou offrent de soutenir financièrement les NbS.

Exemples:

  • CHOOOSE, une start-up norvégienne, aide les particuliers et les organisations à réduire leur empreinte carbone en supprimant les obstacles au soutien des projets d'atténuation du changement climatique, notamment de reforestation et de prévention de la déforestation, dans le monde entier, grâce à une gamme d'API et d'outils informatiques.

  • Wildlife Works, un développeur de projets de conservation des forêts, conçoit, structure, met en œuvre et facilite le financement d'une série de projets situés dans des points chauds de la déforestation en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud.

  • Nori, un plateforme de marché en ligne, aide les agriculteurs d'Amérique du Nord à modifier leurs pratiques afin d'améliorer le carbone stocké dans les terres agricoles, en créant des actifs carbone qui peuvent être achetés par des entreprises et des particuliers désireux de soutenir l'action climatique.

Les bailleurs de fonds et les investisseurs

Pour faire face à l'urgence climatique, il faut une action collective et la mobilisation d'un financement important. Les secteurs public et privé ont tous deux un rôle à jouer.

Les fonds publics

Les NbS étant un concept relativement nouveau, l'utilisation de fonds publics est souvent nécessaire pour amorcer leur mise en œuvre, réduire les risques et obtenir un financement supplémentaire du secteur privé. Alors que les pays industrialisés se sont engagées à verser 100 millions de dollars par an pour le financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en voie de développement, la France a récemment annoncé que 30 % de sa contribution irait aux NbS. Ces financements sont généralement destinés à de grands fonds multilatéraux spécialisés, à des fonds d'aide technique, distribué sous forme d'aide bilatérale au développement ou utilisés comme garantie financière pour le secteur privé.

Exemple: le Fonds vert pour le climat est le plus grand mécanisme de financement de l'accord de Paris. Il offre des subventions, des prêts, des fonds propres, des garanties et des paiements basés sur les résultats et finance à la fois le secteur privé et le secteur public. Il finance activement les NbS, notamment les forêts et l'utilisation des terres ainsi que les écosystèmes et les services écosystémiques.

GCF-domaines de résultats stratégiques.JPG

Les fonds privés

Dans son rapport annuel sur l'écart des émissions de gaz à effet de serre, le programme des Nations unies pour l'environnement ne cesse d'insister sur l'écart entre l'objectif de température de 2°C et les engagements pris par les gouvernements. On estime que cet écart pourrait être financé par le secteur privé sur une base de volontariat. La sensibilisation croissante des consommateurs pousse certaines entreprises à financer cet écart. La plupart d'entre elles le font en plantant des arbres ou en finançant la restauration d'écosystèmes plus complexes par le biais de la finance carbone.

Exemples:

  • Mirova Natural Capital est un des pionniers sur NbS en matière de gestion d'actifs avec $400 millions actuellement investis dans la conservation des écosystèmes et l'agroforesterie durable. Mirova vise à atteindre un milliard d'euros d'ici 2022. Les retours financiers sont générés par la production et la vente de produits agricoles ou forestiers (ex : cacao certifié, bois FSC, etc.) et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

  • Total a lancé en 2019 Total Nature Based Solutions, une nouvelle unité dotée d'un budget de $100 millions, pour financer et développer des projets dédiés aux puits de carbone naturels (activités de plantation, gestion durable des forêts, agroforesterie, agriculture et conservation d'espèces remarquables), et qui vise à générer des bénéfices en termes de biodiversité.

Les défis à relever

Alors que l'intérêt et les connaissances de la communauté mondiale autour des NbS pour la lutte contre le changement climatique augmentent, les activités et les sources de financement restent très fragmentées. En outre, les NbS présentent un profil d'investissement difficile pour beaucoup, avec des risques élevés et des rendements incertains. L'insuffisance de la collaboration entre les scientifiques, les entreprises et les décideurs politiques entrave également l'expansion des NbS.

La finance carbone est un outil de financement fantastique pour les NbS, même s'il subsiste des incertitudes quant au piégeage du carbone dans les écosystèmes naturels et à l'impact du changement climatique sur l'évolution des stocks de carbone, ce qui nécessite d'améliorer notre compréhension scientifique des impacts de les NbS. Les principes de compensation d'Oxford[18] considèrent notamment les NbS comme un moyen crédible pour les entreprises de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, des progrès restent à faire dans la définition de schémas opérationnels qui pourraient guider efficacement les applications des NbS sur le terrain. Plusieurs initiatives vont dans ce sens. Par exemple, Nature4Climate, une alliance d'associations de protection de la nature, d'organisations multilatérales et d'entreprises fondée en 2017 pour promouvoir l'action et l'investissement dans les NbS. Des accords et des cadres (internationaux et nationaux) sont en cours d'élaboration et des propositions de normes sont publiées, c'est notamment le cas de la norme mondiale de l'UICN pour les solutions basées sur la nature[19].

Conclusion

Même si les NbS reposent sur des techniques d'ingénierie et des principes de gestion des terres établis depuis longtemps, le concept tel qu'il est connu dans le contexte du changement climatique est relativement récent et sa définition scientifique et ses mécanismes de financement méritent encore d’être clarifiés et améliorés. Pour relever ce défi, un large éventail de parties prenantes (tant du secteur public que du secteur privé) se sont engagées à travailler ensemble pour profiter au mieux des avantages des Nbs dans la lutte contre le changement climatique.

HAMERKOP travaille avec des propriétaires fonciers privés afin de déterminer le potentiel pour eux de mettre en œuvre des NbS financés par la finance carbone. Les experts de HAMERKOP travaillent sur les NbS depuis plus de 15 ans et peuvent vous aider à évaluer le potentiel de vos activités NbS à bénéficier d'un financement carbone, vous aider à structurer les NbS ou aider les entreprises à s'y retrouver dans ce nouveau paysage.


——

[1] Source : Malhi Y, Franklin J, Seddon N, Solan M, Turner MG, Field CB, Knowlton N.2020 Changement climatique et écosystèmes : menaces, opportunités et solutions. Phil. Trans. R. Soc.B375 : Avril 2019

[2] Source : Le Programme des Nations unies pour l'environnement et les neuf volets du Sommet sur l'action climatique. Lien : https://www.unenvironment.org/unga/our-position/unep-and-nine-tracks-climate-action-summit

[3] Source : Cohen-Shacham E., Walters, G., Janzen, C. et Maginnis, S. (eds.) (2016). Solutions basées sur la nature pour relever les défis sociétaux mondiaux. Gland, Suisse : UICN. xiii + 97pp.

[4] Source : Cohen-Shacham E et al, Core principles for successfully implementing and upscaling nature-based Solutions, Environmental Science & Policy Volume 98, août 2019, pages 20-29

5] Selon la définition de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)

[6] tel que défini par la Conservation Agriculture Association du Royaume-Uni

[7] Source : Thorslund J. et al, Wetlands as large-scale nature-based solutions : Status and challenges for research, engineering and management, Ecological Engineering, Volume 108, Part B, November 2017, Pages 489-497

[8] Source : Graphique : Natasha de Sena, Université et recherche de Wageningen

[9] Source : Principes fondamentaux pour la mise en œuvre et la transposition à plus grande échelle de solutions basées sur la nature (Cohen-Shachamab et al., 2019)

[10] Source : Valoriser la conservation de la nature, une méthodologie pour évaluer où la sauvegarde du capital naturel pourrait avoir le plus grand impact sur le climat, les économies et la santé. Lien : https://www.mckinsey.com/business-functions/sustainability/our-insights/valuing-nature-conservation

[11] Source : Nature-based Solutions Policy Platform, Université d'Oxford. Lien : https://www.nbspolicyplatform.org/adaptation-planning/adaptation-action-types/nature-based-actions/

[12] Source : IPC, 2019. Global Landscape of Climate Finance 2019 [Barbara Buchner, Alex Clark, Angela Falconer, Rob Macquarie, Chavi Meattle, Rowena Tolentino, Cooper Wetherbee]. Climate Policy Initiative, Londres.

[13] Source : Garantir les droits fonciers des peuples autochtones et des communautés comme solution naturelle au changement climatique : https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/28942/SecureIP.pdf?sequence=1&isAllowed=y

[14] Source : Le carbone au CNPF, un savoir-faire au service des forestiers et des entreprises responsables. Lien : https://www.foretpriveefrancaise.com/data/fe245_7_15.pdf

[15] Source : Le projet REDD+ de la Cardamome du Sud. Lien : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/1748

[16] Source : Brewdowg. Lien : https://www.brewdog.com/uk/tomorrow

[17] Source : Projet Mikoko Pamoja. Lien : https://www.planvivo.org/mikoko-pamoja

[18] Source : Principes pour une compensation carbone crédible. Lien : https://www.ox.ac.uk/news/2020-09-29-oxford-launches-new-principles-credible-carbon-offsetting

[19] Source : Norme mondiale de l'UICN pour les solutions basées sur la nature : première édition. Lien : https://portals.iucn.org/library/node/49070

L'équipe Hamerkop
Qu'est-ce que la compensation carbone ? Comment cela fonctionne-t-il ?

Les conséquences des changements qui affectent notre environnement sont et seront de grande envergure. Où que nous vivions, travaillions ou voyagions, nous devrions tous vouloir participer à l'effort de lutte contre le réchauffement climatique. Chez HAMERKOP, nous pensons que la compensation et la finance carbone (une branche de la finance climat) sont de puissants outils que les entreprises et les particuliers devraient comprendre et utiliser pour atténuer le changement climatique.

La compensation carbone (qui est en fait une compensation des émissions de gaz à effet de serre ou GES) permet d'équilibrer les émissions à un endroit donné grâce à un projet implanté ailleurs dans le monde. L'idée de compenser les émissions de GES est apparue à la fin des années 80 et repose sur la preuve scientifique que l'émission, l'absorption ou la réduction des émissions a le même effet, où qu'elle se produise dans le monde. En d'autres termes, puisque le changement climatique est un phénomène mondial, l'efficacité des actions visant à éviter que les GES ne pénètrent dans l'atmosphère ne dépend pas de l'endroit où ces actions sont menées.

La compensation carbone offre aux organisations ou aux particuliers la possibilité de financer des réductions d'émissions de GES pour une quantité correspondant à leurs propres émissions. Lorsqu'elles sont certifiées, ces réductions d'émissions peuvent être appelées unités de réduction des émissions, réductions d'émissions certifiées, unités de carbone volontaires, réductions d'émissions vérifiées, et bien d'autres noms, selon l'organisme certificateur qui les émet.

Dans cet article, nous examinerons tout d’abord les origines de la finance carbone, la différence entre le marché réglementé et le marché volontaire du carbone, et la manière selon laquelle les entreprises et les organisations peuvent équilibrer leurs propres émissions. Ensuite, nous étudierons la façon dont les crédits carbone sont émis ainsi que quelques autres concepts clés nécessaires pour comprendre les contributions de ces derniers aux efforts actuels de réduction du niveau des émissions de GES dans le monde.

La naissance des crédits carbone

La finance carbone telle que nous la connaissons aujourd’hui est apparue en 1997 avec le protocole de Kyoto. Un mécanisme basé sur le marché (également appelé cap-and-trade) et deux mécanismes basés sur des projets ont alors été conçus : le Mécanisme de Développement Propre (MDP, ou CDM en anglais) pour les pays en développement et la Mise en Œuvre Conjointe (MOC), pour les pays industrialisés. Ces mécanismes de projet servent à subventionner les activités de réduction des émissions de GES, fournissant une source de revenus supplémentaire ou complémentaire pour certains projets, voire la seule source de revenus pour d'autres. Ces mécanismes dits de flexibilité ont été rendus opérationnels par les Accords de Marrakech en 2001. Le MDP expire à la fin de l'année 2020.

Jusqu’à fin 2020, le MDP avait deux objectifs principaux : réduire le coût des réductions d'émissions pour les pays industrialisés (pays de l'annexe I du protocole) en leur permettant d'externaliser leurs réductions d'émissions vers des projets dans des pays où il est moins coûteux de le faire, et permettre aux pays en développement (pays hors annexe I) de bénéficier de financements pour des technologies plus propres et souvent plus coûteuses. Par ailleurs, l'objectif principal de la MOC était d'offrir un mécanisme financier aux pays industrialisés pour qu'ils amorcent la réduction des émissions au niveau national, notamment dans les secteurs où les émissions sont plus difficiles à réduire et qui ne sont pas couverts par un marché du carbone du type cap-and-trade.

Les deux mécanismes de projet de la finance carbone (MDP et MOC) ont été structurés de manière à fournir des incitations axées sur les résultats. Ce n'est que lorsque les projets ont démontré une réduction des émissions de GES qu'ils obtiennent des crédits carbone qui peuvent ensuite être vendus.

L’année 2015 a été marquée par la signature de l’accord de Paris. L'article 6 de ce traité international comprend des dispositions pour la prochaine génération d'instruments de finance carbone, pour lesquels les règles restent à développer, même si le traité entre en vigueur en janvier 2021.

Compensation carbone_PNUE.JPG
 

Source : PNUE

Marché réglementé versus marché volontaire

Jusqu’à fin 2020, les crédits carbone délivrés pour des projets enregistrés au titre du MDP peuvent être utilisés par des sites industriels polluants pour remplir une partie de leurs engagements nationaux de réduction des émissions dans le cadre du protocole de Kyoto. Ces crédits carbone peuvent être utilisés et échangés dans le cadre d'un marché du carbone dit réglementé, un marché structuré à des fins réglementaires. L'exemple le plus notable de ce type de marché est le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne ou SEQE-UE (qui comprend par exemple 11 000 installations fortement consommatrices d'énergie). Dans le cadre de ces marchés, le type de crédits carbone qui peut être utilisé est généralement très limité. Comme le montre la carte ci-dessous, de nombreux pays ont mis en place diverses taxes ou marchés du carbone nationaux ou infranationaux.

Marché du carbone_WB.JPG
 

Source : État et tendances de la tarification du carbone en 2019 - Banque mondiale

En parallèle, et à partir de 2006, un marché volontaire du carbone s'est développé. Ce marché volontaire rassemble généralement des entités qui achètent des crédits carbone pour soutenir des projets. Elles opèrent habituellement dans le secteur des services, des biens de consommation et du commerce de détail, mais peuvent également être des particuliers, des ONGs ou des organisations internationales.

Contrairement aux marchés réglementés organisés par les États, le marché volontaire du carbone n'est pas réglementé par une autorité centrale. Il n'y a donc pas de règles contraignantes concernant le type de crédits carbone éligibles. Par conséquent, en plus d'utiliser les crédits carbone issus du MDP, les organisations actives sur le marché volontaire du carbone utilisent de plus en plus des crédits carbone émis par des organismes de certification indépendants qui ont commencé à apparaître vers 2006 (bien avant, pour certains d'entre eux). Les plus utilisés sont actuellement le Gold Standard for the Global Goals (de la Fondation Gold Standard) et le Verified Carbon Standard ou VCS (de Verra). Aujourd'hui, la plupart des organisations qui compensent volontairement leurs émissions de carbone le font avec des crédits carbone issus de ces organismes de certification indépendants ou de standards de certification volontaires.

Comment les entreprises compensent-elles volontairement leurs émissions ?

Actuellement, la compensation consiste généralement en l'achat par une entreprise d'une quantité de crédits carbone correspondant à la quantité de GES qu'elle souhaite compenser et qui entre dans le périmètre 1, 2 ou 3 :

  • Les émissions du périmètre (ou scope) 1 sont les émissions directes de GES provenant de sources appartenant à l'organisation ou contrôlées par celle-ci (ex : la production sur place d'électricité, de chaleur ou de vapeur, les processus physiques et chimiques, le transport des biens et des personnes).

  • Les émissions du périmètre (ou scope) 2 sont les émissions indirectes de GES provenant de l'électricité achetée ou de la vapeur consommée par l'organisation (ex : l'électricité du réseau national).

  • Les émissions du périmètre (ou scope) 3 sont les émissions indirectes de GES émises par la chaîne de valeur de l'organisation déclarante (ex : les voyages d'affaires, les déplacements des employés, la production de matériaux achetés, les investissements, les actifs loués et les franchises, ainsi que l'élimination des déchets).

 
Scope-1-2-3_GHGProtocol.jpg
 
 

Source : Protocole sur les GES

Les montants que ces organisations versent pour acheter des crédits carbone contribuent directement ou indirectement au financement d'un projet spécifique de réduction des émissions de GES. Les promoteurs de projets qui reçoivent ces paiements mettent ensuite en œuvre toute une série d'activités, allant de l'installation d'infrastructures d'énergie renouvelable comme des éoliennes ou la récupération du biogaz des décharges à la plantation d'arbres qui stockent le carbone de l'atmosphère.

En 2019, la valeur transactionnelle de ce marché était estimée à 320 millions de dollars US, et représentait 104 millions de crédits carbone négociés[1].

Quelles réductions d'émissions peuvent être certifiées et monétisées sous forme de crédits carbone ?

La matérialisation de crédits carbone dépend des processus, règles et procédures uniques développés par chaque organisme de certification carbone. Actuellement, tous les organismes de certification carbone couramment utilisés ont fondé leurs règles de base sur celles du MDP. Par conséquent, les projets doivent offrir des réductions d’émissions qui soient réelles, mesurables, additionnelles, permanentes, vérifiables et uniques. Ces conditions de base sont brièvement définies ci-dessous :

  • être réelles : les réductions d'émissions doivent avoir effectivement eu lieu. Il doit y avoir une réduction d'émission sous-jacente à chaque crédit carbone qui correspond au résultat du projet mis en œuvre.

  • être additionnelles : les revenus de la vente des crédits carbone sont un facteur déterminant dans la mise en œuvre du projet. La survie du projet dépend, dans une certaine mesure, de la capacité du développeur de projet à vendre ses crédits carbone. En d'autres termes, cela implique que le projet n'aurait pas pu voir le jour s'il n'avait pas été soutenu financièrement par ce système de compensation. Ce concept est connu sous le nom d '"additionnalité".

  • être mesurables et vérifiables: les réductions d'émissions doivent pouvoir être calculées avec une rigueur scientifique et faire l'objet d'un suivi et d'un audit. Pour ce faire, il faut disposer de méthodes de calcul et de suivi adaptées au contexte et à la technologie concernés.

  • être permanentes : les émissions de GES qui ont été réduites ou évitées doivent durer dans le temps et ne doivent pas être rejetées dans l'atmosphère par le projet en question à une date ultérieure.

  • être uniques : chaque crédit carbone doit correspondre à une seule tonne de CO2e. Cela signifie également que des procédures doivent être mises en place pour éviter un double comptage.

L'additionnalité est un concept clé des mécanismes de la finance carbone. Si certaines conditions sont spécifiques à chaque organisme de certification, la détermination de l'additionnalité d'un projet se concentre généralement autour de ces questions clés :

  • Le projet est-il financièrement viable et susceptible d'attirer des financements sans vendre de crédits carbone ? La réponse doit être négative pour qu'un projet soit additionnel.

  • Le projet proposé comporte-t-il des risques qui rendent difficile son financement ou sa mise en œuvre ? La réponse doit être positive pour qu'un projet soit complémentaire.

  • Le projet proposé réduit-il/évite-t-il les émissions de GES au-delà des exigences réglementaires ? Le projet proposé est-il déjà une pratique courante à l’endroit où il est mis en place ? La réponse à ces deux questions doit être affirmative pour qu'un projet soit additionnel.

  • Le projet est-il confronté à des obstacles organisationnels, culturels ou sociaux importants qui ne peuvent être surmontés sans vendre des crédits carbone ? Cela doit être le cas pour qu'un projet soit additionnel.

Quelles sont ces normes de certification du carbone ?

CarbonStandards.png

Plus de 15 organismes de certification volontaire du carbone ont vu le jour depuis le milieu des années 2000. Le Gold Standard for the Global Goals (GS4GG), le Verified Carbon Standard, Plan Vivo, l'American Carbon Registry, la Climate Action Reserve, le Woodland Carbon Code et le Label Bas Carbone font partie des organismes actifs et largement reconnus par le marché.

Dans le cadre du processus de certification carbone, un projet doit être éligible à (i) un ensemble de conditions spécifiques aux spécificités du projet et aux (ii) règles et principes de l'organisme de certification choisi. Chaque organisme a ses propres exigences et critères d'éligibilité, basées notamment sur la localisation géographique, la taille ou la technologie du projet.

Chaque organisme de certification présente également un objectif qui lui est propre. Certains se limitent à des types de projets particuliers (ex : la foresterie pour le Woodland Carbon Code) tandis que d'autres excluent certains projets (ex : le Plan Vivo exclut les projets non communautaires), ou excluent des technologies en fonction de leurs caractéristiques pour se focaliser sur des projets valorisant les avantages sociaux (ex : les centrales hydroélectriques à grande échelle ne sont pas éligibles auprès du GS4GG).

Au-delà des réductions d'émissions, les organismes de certification volontaires exigent souvent d'un projet candidat qu'il génère des impacts connexes positifs dans le pays hôte. Ces impacts indirects impliquent généralement des contributions aux objectifs de développement dans des domaines importants : impacts sociaux (ex : réduction des inégalités entre les femmes et les hommes, des discriminations à l'égard des femmes ou des minorités ethniques), économiques (ex : réduction de la pauvreté, accès à l'emploi et autres opportunités économiques), sanitaires (ex : réduction de l'exposition à la pollution atmosphérique, aux produits chimiques), environnementaux (ex : protection des forêts primaires, de la biodiversité, réduction des niveaux de pollution, augmentation de l'accès à l'énergie propre) ou humanitaires (ex : amélioration des moyens de subsistance des réfugiés). Ces impacts connexes sont souvent conformes à au moins un ou plusieurs des objectifs de développement durable des Nations unies.

Enfin, le choix de l'organisme de certification n'est pas seulement un choix du point de vue du projet, mais il oriente également le marché sur lequel les crédits carbone seront vendus et détermine les prix auxquels ils seront vendus.

La finance carbone comme mécanisme de financement efficace

Le soutien financier aux projets par le biais de crédits carbone est considéré comme un élément essentiel des efforts déployés pour lutter contre la crise climatique. La finance carbone apporte des solutions concrètes, à la fois efficaces sur le plan économique et environnemental, tout en offrant la possibilité de générer des impacts en termes de développement.

Par conséquent, la finance carbone :

  • est ouverte à tous les acteurs et entités.

  • permet la diffusion du savoir-faire et de l'expérience en matière de changement climatique parmi les entreprises et les institutions.

  • offre une source internationale de revenus pour les projets, sans les complexités des marchés de capitaux.

  • permet de dissocier l'équité de l'efficacité, et donc de répartir les charges, les pays riches facilitant les efforts d'atténuation dans les pays moins développés.

Au-delà de ces caractéristiques, la finance carbone est un mécanisme basé sur les résultats. Cela signifie qu'au lieu de payer pour des activités susceptibles de déclencher des résultats (comme c'est le cas pour l'aide au développement), les organisations désireuses de compenser leurs émissions par le biais du marché volontaire du carbone ne paient que pour des résultats fondés sur des preuves, lorsque les émissions ont déjà été réduites ou évitées. Cela signifie que les organisations qui compensent leurs émissions avec des crédits carbone ne financent que des projets qui fonctionnent réellement et montrent des résultats positifs. Plus un projet est efficace, plus il génère de crédits carbone et plus il bénéficie de la finance climat. Il y a donc un effet d’incitation pour les projets à être performants. L'efficacité devient ainsi une caractéristique essentielle des projets de compensation carbone.

Projets certifiés versus non certifiés

Aujourd'hui, presque la quasi-totalité des projets vendant des crédits carbone sont certifiés par un organisme de certification carbone reconnu qui délivre des crédits carbone labellisés. Ce n'était pas tout à fait le cas il y a dix ans. Les acteurs de ce milieu se sont appuyés sur les échecs passés et ont fait un effort important pour asseoir la crédibilité et la légitimité de leurs activités.

Si la compensation carbone est souvent critiquée, nombre de ces critiques sont mal formulées, dépassées ou portent sur la façon dont les entreprises l'utilisent ou communiquent à son sujet plutôt que sur la pertinence du mécanisme de financement. Contrairement aux organismes de certification intergouvernementaux tels que l'ONU qui ont malheureusement rencontré des difficultés à réagir à l'évolution rapide de ce marché et aux problématiques rencontrées, les organismes de certification volontaires, initialement mis en place pour combler certaines des lacunes du MDP, ont été des moteurs d'innovation. Ils ont renforcé leurs règles pour garantir l'intégrité environnementale et sociale des projets certifiés. Par exemple, le risque de double comptage est désormais pratiquement inexistant. C'est également le cas lorsqu'il s'agit de garantir la réalité des réductions d'émissions (c'est-à-dire le risque que des crédits carbone soient vendus par un projet qui n'a pas réduit d'émissions). Nous nous attendons prochainement à ce que les procédures de contrôle soient de plus en plus précises, à ce que les registres internationaux détenant les crédits carbone soient de plus en plus transparents et à ce que les garde-fous sociaux et environnementaux soient renforcés.

La compensation carbone comporte toutefois certains risques. Que vous souteniez un projet certifié ou non certifié, des difficultés non anticipées peuvent survenir et compromettre l’efficacité réelle de la démarche. Cela est d'autant plus vrai qu'il existe souvent une importante asymétrie d’informations entre le porteur de projet soutenu et l'entreprise compensant ses émissions. D'autre part, lorsque la compensation carbone est utilisée comme substitut par les entreprises pour ne pas réduire leurs propres émissions, cela peut engendrer des problèmes de réputation pour les dites entreprises.

Emissions réduites, évitées, séquéstrées et capturées

Décharge.jpg

Crédit : Photo de Bas Emmen sur Unsplash

Lorsque l'on parle de réductions d'émissions monétisées sous forme de crédits carbone, le terme de réduction n'est pas toujours exact. Il renvoie souvent à une combinaison de situations et d'actions :

  • Emissions évitées : la plupart des projets carbone réduisent les émissions par rapport à une situation théorique qui se serait produite en l'absence du projet. Par exemple, si un pays a l'intention d'installer une centrale à charbon pour accroître sa production nationale d'électricité, car c'est le moyen le plus pratique et le moins cher de le faire, les crédits carbone peuvent rendre l'installation d'une centrale hydroélectrique alternative aussi intéressante financièrement en permettant d'éviter les émissions qui auraient eu lieu autrement. Dans ce cas, un crédit carbone représente une tonne de CO2e évitée et non réduite.

  • Emissions séquestrées : elles peuvent être classées en deux catégories :

  1. Séquestration naturelle : la plupart des projets qualifiés de solutions fondées sur la nature (nature-based solutions) qui séquestre le carbone de l'atmosphère. Par exemple, lorsqu'un arbre pousse, le carbone est biologiquement séquestré dans ses branches, son tronc et ses racines. Dans ce cas, un crédit carbone représente une tonne de CO2e séquestrée ou réduite.

  2. Séquestration via l'ingénierie de stockage : bien qu'aucun de ces projets ne soient encore certifiés, il s'agit d'une pratique de plus en plus répandue. Des technologies capables de capter le carbone directement de l'atmosphère (également appelée capture directe depuis l’air ou direct air capture) ou dans les gaz de combustion (capture et stockage du carbone ou carbon capture and storage) afin de le stocker dans des formations géologiques sont en cours de développement. Bien que l'efficacité de ces technologies soit encore incertaine et qu'elles soient actuellement sous-déployées, la capture de ces émissions pourraient être considérée comme des réductions. Dans ce cas, un crédit carbone représenterait une tonne de CO2e éliminée ou réduite.

Une entreprise qui compense ses émissions par des crédits carbone évite d'aggraver la situation en étant responsable mais n'empêche pas les émissions de continuer à s'accumuler dans l'atmosphère en niveaux absolus. La compensation n'a de sens que si elle est intégrée dans des plans ambitieux de réduction des émissions.

Conclusion

Dans cet article, nous espérons vous avoir donné un aperçu de ce qu'est la compensation carbone, de son fonctionnement, des réductions d'émissions qui peuvent être monétisées sous forme de crédits carbone, du fonctionnement des organismes de certification carbone et des raisons pour lesquelles elle est considérée comme un mécanisme de financement efficace.

Les experts d'HAMERKOP ont plus de 12 ans d'expérience dans l'aide aux entreprises, ONGs et gouvernements pour faire face à la complexité des processus de certification volontaire, depuis le choix de l'organisme de certification approprié jusqu'à la vente réussie de leurs premiers crédits carbone, en passant par le suivi de leurs projets, assurant ainsi leur viabilité économique, sociale et environnementale à long terme.

Si vous souhaitez vous engager sur le marché volontaire du carbone, que vous soyez une entreprise qui envisage de compenser ses émissions et cherche à comprendre quel projet ou quelle norme de certification soutenir et comment acquérir et négocier des crédits carbone, ou une organisation qui a un projet à venir qui réduit des émissions potentiellement éligibles pour vendre des crédits carbone ; nous pouvons vous aider, alors n'hésitez pas à nous contacter. Nous ne vendons pas de crédits carbone et nous pouvons donc vous conseiller de manière indépendante et vous mettre en contact avec les bons interlocuteurs.


—-

[1] Voluntary Carbon and the Post-Pandemic Recovery (Ecosystem Marketplace, 2020). Lien : https://www.ecosystemmarketplace.com/articles/demand-for-voluntary-carbon-offsets-holds-strong-as-corporates-stick-with-climate-commitments/

L'équipe Hamerkop
L'essentiel de la finance climatique - un guide pour débutants

La finance climat est un sujet de plus en plus discuté et devrait devenir l'une des plus importantes sources de financement dans les prochaines décennies. Un large éventail d'entités proposera des financements climat, des entreprises privées aux institutions publiques et aux organisations financières, ce n'est qu'une question de temps. Compte tenu des défis à venir, les particuliers et le secteur privé en tireront profit. Toutefois, il s'agit encore d'un sujet de niche : le hashtag #climatefinance en anglais ne compte que 5 000 adeptes sur un réseau professionnel comme #LinkedIn. Alors, qu'est-ce que la finance climat ? Quel est son objectif ? Comment fonctionne-t-elle ? D'où vient-elle ? Où va-t-elle ?

La finance climat est généralement présentée comme un sujet d'expert avec des concepts fantaisistes, mais elle est en fait très simple. Commençons par une définition. La finance climat est l'utilisation d'instruments de financement visant spécifiquement à atteindre les objectifs d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. En d'autres termes, la finance climat consiste en tout effort financier visant à soutenir la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à éviter que d'autres émissions de gaz à effet de serre ne se retrouvent dans l'atmosphère, mais aussi à aider les personnes et les pays à se préparer et à s'adapter à un climat différent. Ce concept existe principalement depuis 1997, avec l'adoption du protocole de Kyoto.

D'où vient la finance climat ?

Bien qu'aucun historien ne puisse nous dire quand le terme "finance climat" a été inventé, il est généralement admis que l'utilisation du terme "finance climat" a commencé lors du Sommet de la Terre de 1992, qui a abouti à la création de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui elle-même a conduit à la rédaction et à l'adoption du protocole de Kyoto en 1997. Le mot "finance" n'est mentionné qu'une fois dans la CCNUCC et une fois dans le protocole de Kyoto[1] et les mécanismes financiers de l'époque qui pouvaient être considérés comme les premières formes de finance du climat n'étaient pas appelés ainsi. Ce n'est qu'avec les Accords de Marrakech de 2001 que le mot finance, utilisé principalement en relation avec l'adaptation, a finalement été utilisé officiellement[2].

Étonnamment, ce n'est qu'en 2014 que la CCNUCC a adopté une définition officielle de la finance climat : "La finance climat vise à réduire les émissions et à renforcer les puits de gaz à effet de serre, ainsi qu'à réduire la vulnérabilité des systèmes humains et écologiques aux effets négatifs du changement climatique, à maintenir et à accroître leur résilience". En 2015, 4 mentions de la finance climat ont fait leur chemin dans l'accord de Paris[3].

Quelle est la place de la finance climat ?

Pour le grand public, la finance climat peut être considérée comme un concept assez flou ou large. Afin d'approfondir la question du financement climatique, il est utile de décrire d'abord sa place dans le paysage financier général. Pour ce faire, j'ai cherché à dessiner son arbre généalogique ci-dessous. S'il s'agissait d'un être vivant, la généalogie de la famille du financement climatique pourrait ressembler à ceci.

Cartographie_financière_climatique.png

Attention, ce diagramme ne représente pas toute la famille élargie mais les membres les plus notables. Il ne rend probablement pas non plus pleinement compte des liens entre tous ses membres. Comme vous pouvez le constater, il n'y a pas de place pour la finance verte, car celle-ci peut être perçue comme très générique, indéfinie, surutilisée et entachée de sorte qu'il n'est pas très logique de l'utiliser où que ce soit. Toutes les activités économiques ont un impact environnemental, car il y a toujours une empreinte écologique derrière la transformation des matériaux dans le but de produire un bien ou un service.

Au cours des deux dernières années, le groupe d'experts techniques (GET) de l'Union européenne sur le financement durable a mené un long et complexe processus de définition de ce qu'est la finance durable, afin de faciliter l'acheminement des fonds vers celle-ci. Il en est sorti une taxonomie de la finance durable.

En bref, le financement de l'atténuation du climat dans le contexte de l'UE correspondrait au financement d'activités qui :

  • Sont à faible teneur en carbone (même si celle-ci est généralement mal définie)

  • Contribuent à la transition vers une économie à émissions nettes nulles, mais ne sont pas actuellement proches d'un niveau d'émissions nettes nulles de carbone

  • Permettent à d'autres de réaliser des performances à faible intensité de carbone ou de réduire considérablement les émissions en évitant des émissions

Le GET a défini les activités contribuant à l'adaptation au changement climatique comme des activités qui :

  • Qui contribuent de manière substantielle à prévenir ou à réduire le risque d'impact négatif ou à réduire de manière substantielle l'impact négatif du climat actuel et du climat futur prévu sur d'autres personnes, la nature ou les biens

Le GET a même élaboré une annexe technique[4] énumérant toutes les activités contribuant à l'atténuation ou à l'adaptation au changement climatique ainsi qu'une liste des activités par secteur.

L'atténuation et l'adaptation n'appartiennent pas à un ensemble spécifique d'activités ou de secteurs. Elles s'appliquent à tous les secteurs. Atteindre les objectifs de l'accord de Paris nécessitera un changement substantiel de notre économie et de nos modes de vie, ce qui explique en partie le besoin de politiciens et de dirigeants visionnaires qui s'engagent à mettre en œuvre ces objectifs.

Pourquoi avons-nous besoin de financement pour le climat ?

En 2017, l'OCDE a estimé que, au niveau mondial, 6,3 billions d'euros par an seraient nécessaires pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris d'ici 2030[5]. Pour vous donner une idée, ce montant est légèrement inférieur à la valeur monétaire de l'ensemble des activités économiques de l'Allemagne en 2019 et supérieur à celui de la France ou du Royaume-Uni pour la même année.

Il est évident que les ressources publiques déjà sollicitées à l'excès ne suffiront pas pour relever ce défi. Que vous considériez ou non le capitalisme comme un obstacle à la réalisation des objectifs de l'accord de Paris, des capitaux institutionnels et privés seront nécessaires pour y parvenir.

L'argent a toujours été le nerf de la guerre. La guerre que le monde semble enfin prêt à engager est celle contre le changement climatique, c'est-à-dire contre les conséquences imprévisibles des concentrations élevées de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. C'est aussi une guerre qui doit permettre à l'humanité de s'adapter à un nouvel environnement. Un environnement qui peut changer dans une mesure encore difficile à imaginer.

Sauf peut-être pour les écologistes, dans notre conception du monde centrée sur l'homme, le changement climatique n'a jamais autant porté sur l'environnement que sur les impacts humains que ces changements peuvent déclencher dans cet environnement.

Même un climat plus chaud de 2 °C déclencherait des changements tels que des phénomènes météorologiques extrêmes plus intenses (sécheresses, inondations, tempêtes, canicules), la migration d'un certain nombre de maladies vers les zones tempérées, la diminution des rendements agricoles mondiaux, l'incapacité des terres à produire quoi que ce soit, la rareté de l'eau, la perte généralisée de biodiversité, l'acidification des océans et le blanchiment des coraux. Tous ces facteurs ont des conséquences, à eux seuls, les uns sur les autres et combinés, dans une mesure qui dépasserait comparativement celles de la pandémie mondiale COVID-19.

La figure ci-dessous montre que notre trajectoire de développement actuelle nous conduit à une augmentation de la température moyenne mondiale de 3 à 4 °C. Cela pourrait se traduire par +10°C à certains endroits et -10°C à d'autres.

Tant que la finance traditionnelle ne sera pas contrainte d'intégrer la sauvegarde de notre environnement comme critère obligatoire dans ses décisions d'allocation des fonds, nous ne pourrons pas espérer de manière réaliste maintenir les augmentations de température en dessous d'un niveau raisonnable.

Que ce soit pour éviter un changement climatique dramatique ou pour renforcer la résilience et faire face aux effets du changement climatique, les mécanismes de finance climat adaptés seront de plus en plus nécessaires. Ils sont actuellement utilisés via des canaux très petits et modestes.

A quoi ressemble la finance climat ?

Si vous vous demandez encore de quoi il s'agit, n'attendez plus. Selon le think tank Climate Policy Initiative, comme le résume le graphique ci-dessous, les fonds pour le climat sont dépensés par le biais de prêts à taux réguliers (commerciaux) et à taux réduits (concessionnels). Les fonds pour le climat sont également distribués sous forme de capital pour l'exploitation des entreprises et les projets afin de leur permettre de démarrer et d'obtenir des financements complémentaires si nécessaire. Enfin, la finance climat prend également la forme de subventions visant à financer l’assistance technique et financière de projets n’ayant pas d’autre accès au financement.

Instruments_financiers_climatiques.png

L'une des ressources intéressantes dans le domaine des solutions climatiques est le Drawdown Review [6]. Bien qu'il ne couvre que l'atténuation du changement climatique et que certains aspects de sa méthodologie puissent être remis en question, c'est un travail très crédible qui propose beaucoup de contenu pertinent.

Selon cette étude, les actions suivantes seraient les plus susceptibles de réduire les émissions :

  • Énergie : production d'électricité plus propre (ex : énergie éolienne, solaire, géothermique, biomasse, valorisation énergétique des déchets, etc.), efficacité énergétique (ex: dans l'éclairage, le chauffage des bâtiments, l'isolation)

  • Agriculture : réduction du gaspillage alimentaire, de la consommation de viande et de produits laitiers par le développement d'une alimentation à base de plantes, la protection et la restauration des écosystèmes (ex : ré-humidification des tourbières, protection des forêts primaires et des prairies, sécurisation des droits fonciers des populations autochtones, etc.), la réduction de l'utilisation d'engrais azotés et l'amélioration des techniques de production de riz

  • Industrie : élimination progressive de certains gaz réfrigérants (ex : lors du stockage), récupération du gaz des déchets (liquides et solides), recyclage et production de ciment et de bioplastiques à faible teneur en carbone

  • Transports : développement d'alternatives à la voiture individuelle (ex : transports publics, covoiturage, infrastructures cyclables, etc.), développement des véhicules électriques, des camions à faible consommation d'énergie et de l'aviation

  • Bâtiment : adoption de réchauds améliorés, des pompes à chaleur, du biogaz pour la cuisine, des chauffe-eau solaires et isolation des bâtiments

L'autre partie de l'équation de l'atténuation du changement climatique est la séquestration du carbone dans les écosystèmes naturels : par la sylviculture, l'amélioration des pratiques agricoles et la restauration des écosystèmes.

Deux autres canaux sont utilisés pour diffuser les financements climat :

  • Les marchés de compensation du carbone : où les projets reçoivent des paiements pour chaque tonne d'équivalent CO2 qu'ils réduitent ou évitent. Ces paiements n'entrent pas vraiment dans la catégorie des instruments financiers ordinaires et représentaient près de 300 millions d'USD en 2018 selon le rapport State of the Voluntary Carbon Markets 2019.

  • Les fonds internationaux pour le climat : tels que les Fonds verts pour le climat, le plus important mécanisme de financement de l'accord de Paris, qui a engagé plus de 6 milliards de dollars US depuis sa création il y a quelques années. Les financements ont principalement eu lieu via des prêts et des subventions.

Comme il est désormais évident que les efforts d'atténuation n'ont pas été suffisants, le financement de l'adaptation au changement climatique est devenu une question de plus en plus pressante. Cependant, non seulement le financement de l'adaptation au changement climatique a reçu moins d'attention jusqu'à présent, mais il est aussi beaucoup plus complexe à quantifier et à suivre. Les efforts de financement dans le domaine de l'adaptation au changement climatique ont principalement pris la forme de la gestion de l'eau et des eaux usées, d'une agriculture intelligente sur le plan climatique (ex : augmentation de la productivité, cultures résistantes à la sécheresse, systèmes mixtes culture-élevage, etc.). Ces efforts ont été principalement financés par les gouvernements et les agences de développement internationales ou régionales (ex : les banques de développement, les agences des Nations unies, les fonds climatiques, etc.)

Quelle est l'importance de la finance climat ?

La Climate Policy Initiative a cartographié les flux de financement du climat depuis 2013 et a constaté qu'en 2017-2018, environ 579 milliards de dollars US ont été dépensés en moyenne chaque année[7]. La variation annuelle est présentée dans la figure ci-dessous. Les sources de financement prises en compte dans ces données ne sont très probablement pas exhaustives mais comprennent un très large éventail de références.

CPI_Climate_Finance_Flows.png

Comme vous l'avez sûrement compris, si l'on compare ces chiffres avec l'estimation de l'OCDE de ce qui serait nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques de l'accord de Paris, il nous manque plus de 90 % des fonds. Nous aurions besoin de 5 700 milliards de dollars supplémentaires chaque année, en plus de ce que nous dépensons actuellement. Le monde subit chaque année des retards dans le niveau d'investissement nécessaire pour nous mettre sur la voie de la réalisation de ces objectifs.

Qui dépense les fonds pour le climat ? Qui en bénéficie ?

Selon le même rapport de la Climate Policy Initiative et comme illustré dans le graphique ci-dessous, les financements climat proviennent d'un large éventail de sources.

Comme nous savons que les pays eux-mêmes n'ont pas les ressources financières adéquates pour assumer le poids des lourds investissements nécessaires, les financements publics ne devraient idéalement être utilisés que pour démultiplier les financements privés si nous voulons atteindre les montants ciblés. Cependant, le financement privé ne représentait que 56 % de toutes les sources de financement du climat en 2017-2018, ce qui est loin d'être suffisant.

Climate_Finance_Public_Private_CPI.png

La Climate Policy Initiative a indiqué que les institutions financières de développement (IFD) nationales, bilatérales et multilatérales représentaient la majeure partie des finances publiques. Les IFD, qui opèrent principalement dans les pays en développement, fournissent également des fonds de développement qui sont parfois réorientés ou rebaptisés "finance climat". Cela signifie également que les pays industrialisés qui ont également besoin d'un soutien public en bénéficient moins et sous une forme différente.

Le reste des fonds provenant d'organismes publics est fourni par les gouvernements régionaux et municipaux et permet de subventionner ou d'investir dans des infrastructures à faible émission de carbone.

Le financement privé dispose d'un éventail de sources plus diversifié. Les entreprises privées représentent la majorité des investisseurs privés, et les institutions financières commerciales jouent un rôle de plus en plus important. En outre, les particuliers contribuent également au financement de la lutte contre le changement climatique. Ils fournissent 10 % du montant total dépensé. À la traîne, on trouve en fait les acteurs financiers les plus importants : ceux qui disposent de vastes sommes d'argent, qui gèrent l'épargne des ménages et les pensions de retraite. Ces acteurs ne semblent pas croire que les risques liés à la construction du monde de demain valent la peine d'être pris. Ainsi, les investisseurs institutionnels et les petits gestionnaires de fonds représentent une fraction étonnamment faible (2 %) du financement du climat.

En ce qui concerne les secteurs vers lesquels le financement privé est canalisé, les énergies renouvelables arrivent en tête (85 %), notamment pour la production d'électricité, suivies par les systèmes de transport à faible émission de carbone (14 %). Cependant, la collecte de données pour certains de ces secteurs peut être difficile. Ceci est mis en évidence dans le graphique ci-dessous, qui illustre également le biais narratif lié au rôle des énergies renouvelables. Il est en effet communément admis que les énergies renouvelables joueront un rôle clé dans la lutte contre le changement climatique en permettant la production propre d'électricité, même si elles ne représentent que 7,5 % de l'énergie consommée dans le monde[8].

Le diagramme ci-dessous offre une vue assez tortueuse de la provenance et de la destination des fonds étiquetés comme finance climat. Il donne cependant une image complète de la situation actuelle.

Paysage du financement du climat (CPI).png

Conclusion

Bien qu'il s'agisse encore d'une pratique assez spécialisée, la finance climat est de plus en plus utilisée par le secteur public et le secteur privé. Un nombre croissant de projets peuvent profiter des opportunités que cette évolution va créer. Nous pensons que le moment est venu pour les projets, les programmes et les organisations d'identifier les sources potentielles de financement ou les activités qui pourraient leur permettre de mettre en œuvre des activités d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. C'est également le bon moment pour les organisations financières de développer leur offre de finance climat auprès du grand public.

Le projet Drawdown estime que, globalement, les économies opérationnelles nettes seraient quatre à cinq fois supérieures aux coûts de mise en œuvre nets si la plupart des mesures d'atténuation du changement climatique étaient mises en œuvre. Cela signifie qu'avec les bons instruments de financement, nos sociétés pourraient libérer un large éventail de possibilités de lutte et d'adaptation au changement climatique.

Les experts d'HAMERKOP pourraient vous faire bénéficier de leurs 12 ans d'expérience dans le soutien techniques aux entreprises, aux ONGs et aux gouvernements dans le domaine de la finance climat, de l'identification d’initiatives éligibles à ce type de financement à l'évaluation de projets, la liaison avec la bonne source de financement et à la rédaction de propositions de projets gagnantes. Si vous souhaitez appréhender la finance climat, que ce soit pour en bénéficier ou pour allouer des fonds dont vous disposez, nous pouvons vous aider. N'hésitez pas à nous contacter .

—-

[1] Le protocole de Kyoto : https://unfccc.int/sites/default/files/resource/docs/cop3/l07a01.pdf

[2] Les accords de Marrakech : https://unfccc.int/cop7/documents/accords_draft.pdf

[3] L'accord de Paris : https://unfccc.int/files/essential_background/convention/application/pdf/english_paris_agreement.pdf

[4] Annexe technique de la taxonomie de la finance durable : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/200309-sustainable-finance-teg-final-report-taxonomy-annexes_en.pdf

[5] Investir dans le climat, Investir dans la croissance (OCDE, 2017) : http://dx.doi.org/10.1787/9789264273528-en

[6] The Drawdown Review 2020 : https://www.drawdown.org/drawdown-framework/drawdown-review-2020

[7] The Global Landscape of Climate Finance 2019 (Climate Policy Initiative, 2019) : https://climatepolicyinitiative.org/publication/global-landscape-of-climate-finance-2019/

[8] Long-term energy transitions, Portugal, 1856 to 2008 : https://ourworldindata.org/grapher/long-term-energy-transitions

Olivier Levallois