L'émergence de solutions climatiques naturelles : qui et comment ?

Les concepts autour des solutions basées sur la nature (NbS) peuvent sembler complexes et parfois même intimidants pour les non-initiés. Ce n'est pas une raison pour leur tourner le dos, étant donné qu'elles vont fournir une portion non-négligeable de l'atténuation à bas coût requise d'ici 2030 pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C. Le développement économique a entraîné une destruction importante de la nature et une perte de biodiversité à l'échelle mondiale. Les émissions excessives de gaz à effet de serre qui accompagnent ce développement économique contribuent à des changements climatiques importants et à des conditions météorologiques plus extrêmes, ce qui aggrave encore cette destruction[1]. Pour sortir de ce cercle vicieux, les scientifiques et les décideurs politiques encouragent sérieusement la restauration des terres à grande échelle[2].

Les NbS, également appelées solutions climatiques naturelles, sont de plus en plus considérées comme un outil d'atténuation crédible et, lorsqu'elles sont utilisées pour la compensation, elles peuvent également être rentables. À mesure que la sensibilisation au changement climatique s'accroît, un nombre croissant d'entreprises prennent des engagements de neutralité carbone et sont prêtes à soutenir les NbS, que ce soit en parrainant la plantation d'arbres, les pratiques agricoles durables ou en soutenant les efforts permettant d'éviter la déforestation.

Dans cet article, nous passons en revue les fondements techniques des NbS, nous présentons un aperçu de la situation mondiale et enfin nous dressons la carte des acteurs actuellement impliqués dans ce secteur.

Bases scientifiques et techniques

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Selon la définition de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), les NbS sont "des actions visant à protéger, gérer durablement et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés, qui répondent aux défis sociétaux [...] de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être de l'homme et des impacts positifs en terme de biodiversité"[3]. L'UICN a également élaboré une liste de 8 principes visant à mettre en place un cadre commun pour les NbS[4]. Sous ce terme générique, les NbS regroupent un large éventail d'actions et d'activités qui ont pour résultat d'améliorer la conservation de la nature, de contribuer à la gestion durable des terres, de restaurer la résilience des écosystèmes naturels et d'aider à atténuer le changement climatique.

Alors que les techniques de restauration et de conservation sont connues et utilisées depuis des décennies, le concept a gagné en popularité au cours des cinq dernières années. En pratique, les NbS sont applicables à différents types d'écosystèmes, comme illustré ci-dessous.

Forêts et arbres

Les forêts représentent environ 30 % de la surface terrestre mondiale[5]. Elles jouent un rôle crucial en tant que puits de carbone, mais la déforestation artificielle contribue à 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Les NbS liées aux forêts comprennent :

  • Le reboisement, qui consiste à replanter une zone avec des arbres après qu'elle ait été déboisée par des activités humaines ou une catastrophe naturelle telle qu'une tempête ou un incendie, et le boisement, un processus similaire appliqué aux terres auparavant non boisées telles que les pâturages.

  • L’amélioration de l'état de conservation des forêts en développant des pratiques d'exploitation forestière appropriées, en encourageant la gestion durable des forêts et en évitant la dégradation des forêts tropicales.

Au-delà des forêts, sous certaines conditions, les programmes de plantation d'arbres peuvent être considérés comme des NbS, où qu'ils aient lieu (par exemple dans les villes), étant donné leurs effets positifs potentiels tels que la modération de l'impact des températures élevées, la réduction de la pollution, l'amélioration de la biodiversité, la réduction des risques de glissements de terrain et d'inondations, la filtration de l'eau et l'élimination du carbone de l'atmosphère.

Les terres agricoles

Selon la FAO (Food and Agriculture Organization), les terres agricoles représentent environ 40 % de la surface terrestre mondiale. La plupart sont des pâturages permanents et des terres arables. Les NbS liées à l'agriculture comprennent :

  • L'agriculture durable, des pratiques de production et une planification innovante des paysages agricoles qui augmentent la multifonctionnalité et les services écosystémiques.L'agriculture biologique est une forme d'agriculture durable dont les principes sont définis par des normes.

  • L'agriculture de conservation est un système de production agricole durable et économe en ressources dans lequel les techniques d'exploitation et de gestion des sols sont mises en œuvre pour éviter la perturbation des sols, préserver les terres, la biodiversité et les ressources naturelles[6]. Un exemple bien connu est la réduction du labourage.

  • L'agroforesterie, un système d'utilisation des terres où la disposition spatiale permet aux arbres et aux arbustes de pousser parmi (ou autour) des cultures ou des pâturages. Cela permet des interactions et des avantages tant écologiques qu'économiques.

Les zones humides

Les zones humides sont des zones où l'eau recouvre le sol de façon permanente ou saisonnière. Les zones humides intérieures et côtières sont des puits de carbone très efficaces et soutiennent une diversité biologique spécifique. Les marais à marée, les marécages ou les tourbières sont toutes des formes de zones humides. Les NbS liées aux zones humides comprennent :

  • La restauration, la protection et la gestion des zones humides qui peuvent fournir une multitude de services d'une grande valeur sociale, économique et environnementale[7].

Les écosystèmes côtiers

Les écosystèmes côtiers fournissent un habitat à une grande variété d'espèces marines ainsi que des ressources pour l'homme. Les NbS liés aux côtes comprennent :

  • La replantation et la protection des ceintures de mangroves qui atténuent l'impact des vagues et du vent sur les établissements côtiers, contrôlent l'érosion côtière et séquestrent le CO2. Les ceintures de mangroves constituent également des nurseries pour la vie marine, ce qui peut entraîner une augmentation des moyens de subsistance des populations locales.

  • La restauration des ceintures de récifs, qui renforcent la résilience à l'élévation du niveau de la mer et aux inondations côtières et fournissent des services environnementaux et économiques précieux.

  • La conservation des prairies sous-marines, un groupe de plantes à fleurs adaptées à la vie en eau salée, et l'un des écosystèmes naturels les plus menacés qui contient une quantité importante de carbone stocké dans les sols sous-marins.

Le diagramme ci-dessous[8] montre à quels endroits certaines NbS peuvent être mises en œuvre. 

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La mise en œuvre et le suivi des impacts des NbS peuvent être complexes[9] car les approches et les techniques utilisées doivent être spécifiques au type de sol, à l'emplacement, au climat, aux écosystèmes, à la biodiversité et aux besoins humains.

Au-delà de l'urgence de la perte d'habitat naturel, de la biodiversité et du changement climatique, l'émergence de nouvelles approches et de nouveaux outils de financement alimente l'intérêt pour les NbS. L'investissement dans les NbS peut être considéré comme une "approche globale" en termes d'impacts. Il contribue souvent simultanément au stockage du carbone, à la préservation et à la protection de la biodiversité et génère souvent des avantages sociaux et économiques pour les communautés locales. La conservation de 30 % des terres et de l'eau sur Terre pourrait créer jusqu'à 650 000 emplois dans le domaine de la conservation de la nature et les NbS peuvent permettre de réaliser simultanément un grand nombre des Objectifs de Développement Durable[10].

Face aux défis posés par le changement climatique, les NbS devraient contribuer aux efforts d'atténuation et d'adaptation au niveau mondial. En conséquence, 66 % des signataires de l'accord de Paris ont mentionné les NbS dans la première itération de leur contribution nationale, comme l'illustre la carte ci-dessous[11] (pays en vert).

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État des lieux et instruments financiers

Le financement des NbS est basé sur la reconnaissance des services fournis par les écosystèmes naturels, notamment en termes de réduction des risques, de protection de la biodiversité et des ressources, de capture et de stockage du carbone. Dans ce contexte, les différents instruments et véhicules financiers présentés ci-dessous peuvent être mobilisés.

Le Paiement des Services Ecosystémiques (PSE) est un concept de marché bien établi, considéré comme un outil politique efficace pour coordonner le développement socio-économique et la protection de l'environnement, et qui a la capacité d'encourager le développement des NbS. Les paiements incitent les personnes qui gèrent et utilisent les ressources naturelles, généralement les propriétaires de forêts ou les agriculteurs, à gérer leurs ressources de manière durable et à mettre en œuvre de bonnes pratiques, ce qui génère des impacts précieux suivis et quantifiés.

La finance carbone est un système de PSE basé sur la monétisation de la réduction ou de l'évitement des émissions de gaz à effet de serre. De nombreux projets de financement du carbone sont enregistrés auprès de systèmes de certification tiers qui délivrent des crédits carbone pour chaque tonne de CO2e évitée ou réduite, tels que le Gold Standard ou le Verified Carbon Standard. Le financement de NbS par la vente de crédits carbone est adapté car il ne nécessite pas une connaissance sophistiquée des marchés financiers, il fournit au financeur du projet un produit ou un service qui a une valeur tangible et il est un indicateur de performance en soi. Toutefois, d'autres instruments peuvent être utilisés pour financer les activités à mettre en œuvre, comme par exemple :

Les subventions

Jusqu'à présent, les subventions ont été l'instrument financier le plus populaire pour les activités NbS. Les subventions publiques, les fonds philanthropiques ou même les dons de particuliers prennent souvent la forme de donts. Le financement est généralement acheminé par des intermédiaires tels que des fonds publics ou des ONG vers les organisations locales qui mettent en œuvre les projets.

Exemple: Conservation International est l'une des plus grandes ONG qui se consacre à la protection et à la restauration des écosystèmes naturels, à la protection de la nature pour enrayer le changement climatique, à la protection des océans et à la promotion de la durabilité des terres et des eaux. La plupart des aides financières sont reçues et utilisées sous forme de subventions pour la mise en œuvre de projets.

Les dettes et les capitaux propres

Les NbS peuvent avoir des modèles commerciaux fiables qui génèrent des revenus et aident à placer ces projets sur la voie de l'indépendance et de la pérennité financière. Alors que les prêts entraînent l'émission de dettes, les capitaux propres sont des capitaux provenant d'investisseurs en échange de la participation au capital. Comme la mesure du risque et du retour sur investissement n'est pas toujours évidente dans le domaine des NbS, ce type de financement en est encore à ses débuts et tend à s'orienter vers les entreprises plutôt que vers les projets.

Exemple: Le Fonds néerlandais pour le climat et le développement est doté de 160 millions d'euros et investit dans l'agroforesterie, l'utilisation durable des terres et la production alimentaire résistant au climat. Une partie de ce financement est fournie sous forme de subvention au développement pour élaborer des analyses de rentabilité viables et le reste sous forme de dettes ou de capitaux propres pour financer les entreprises créées et mises en place.

Bien que le financement du climat ait dépassé pour la première fois les 500 milliards de dollars par an en 2017, seul 1 % de ce montant a été dirigé vers les NbS[12]. Malgré leur potentiel important, les NbS restent complexes pour les investisseurs et présentent de nombreux défis pour les décideurs politiques qui doivent fournir un cadre législatif approprié. Bien qu'il ne s'agisse actuellement que d'une petite partie de l'ensemble du financement climatique, il existe un certain nombre de porteurs de projets, de développeurs et d'investisseurs clés déjà actifs dans ce secteur, et qui sont mis en évidence ci-dessous.

Les porteurs et les développeurs de projets

Pour entreprendre des projets NbS, il faut des terres et des ressources. Par conséquent, une ou plusieurs organisations sont nécessaires pour les mettre en œuvre et les financer. Les activités NbS impliquent une grande variété de parties prenantes qui interagissent entre elles : propriétaires fonciers, communautés locales, organisations non gouvernementales et entreprises privées. Dans les pays en développement, les autorités peuvent également s'impliquer, car les questions relatives au régime foncier et à la propriété des terres peuvent entraîner des conflits[13] lors de la mise en œuvre des activités et du partage des bénéfices y résultant.

Les propriétaires fonciers

Qu'ils soient des particuliers (propriétaires fonciers privés), des entreprises privées ou des institutions publiques (États, municipalités), les propriétaires fonciers ont une relation étroite avec la nature. Les NbS impliquent souvent qu'ils modifient leurs pratiques actuelles de gestion des terres. Certaines pratiques telles que l'agroforesterie ou la régénération naturelle des forêts pourraient entraîner des coûts supplémentaires importants avec peu de bénéfices au cours des premières années. Les paiements pour les services écosystémiques pourraient alors être utilisés comme levier pour récompenser les propriétaires fonciers et déclencher des investissements supplémentaires.

Exemples:

  • En France, des propriétaires forestiers individuels[14] réunis au sein d'une association ont bénéficié de financement liés à la compensation carbone volontaire (par le biais du standard national Label Bas Carbone) pour reconstituer des forêts détruites par une tempête.

  • Au Cambodge, la Wildlife Alliance a permis au projet de conservation et d'agriculture de la forêt de la cardamome du Sud de soutenir directement les moyens de subsistance de 21 villages et de bénéficier aux municipalités propriétaires des terres forestières[15].

  • La brasserie Brewdog[16], a acheté 810 ha de terrain en Écosse et s'est engagée à planter plus d'un million d'arbres au cours des prochaines années pour compenser ses émissions de carbone indirectes grâce à l'accréditation au Woodland Carbon Code.

Les communautés locales

Que les activités consistent à éviter la déforestation, à conserver les écosystèmes côtiers ou à modifier les pratiques agricoles, les NbS ont un impact sur les communautés vivant à l'intérieur et à l'extérieur de ces lieux. Habituellement rassemblés, mobilisés et sensibilisés par les associations locales, les villageois et les habitants des forêts peuvent être touchés par les activités ayant lieu sur des terres sur lesquelles ils peuvent avoir des droits coutumiers. Les communautés locales prennent souvent part à des activités avec différents niveaux d'implication. Non seulement elles participent aux travaux (ex : plantation d'arbres), mais elles doivent être les premières à bénéficier des avantages sociaux et économiques des activités mises en œuvre, afin de garantir un niveau élevé d'acceptabilité.

Exemple: au Kenya, le projet Mikoko Pamoja[17], premier projet de carbone bleu au monde, est un projet de conservation et de restauration de la mangrove mené par une communauté locale qui bénéficie d'un habitat de nurserie pour les poissons, d'une amélioration de la biodiversité, de l'apiculture et de l'écotourisme. Le projet est certifié conforme à la norme carbone Plan Vivo et coordonné par l'Association pour les services écosystémiques côtiers.

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Source : Hamerkop soutient un projet REDD au Soudan impliquant les communautés locales (photo : Hamerkop & Etifor).

Les organisations non gouvernementales

Les ONG et les organisations à but non lucratif opèrent au niveau mondial dans le domaine du reboisement, de la restauration et de la conservation des terres depuis de nombreuses années, bien avant que le concept des NbS n'émerge. Elles le font parce que l'agriculture et les écosystèmes naturels sont la clé de la lutte contre la pauvreté, de la réduction des effets des catastrophes naturelles et climatiques (tempêtes, sécheresses, etc.) et de la préservation de la biodiversité. La plupart d'entre elles recueillent des dons auprès de particuliers ou d'entreprises en Europe et en Amérique du Nord et financent des projets dans les pays en développement, généralement sans recourir à des mécanismes de marché mais en collaboration avec des ONG, des communautés ou des institutions locales.

Exemple: Eden Reforestation Projects, une ONG basée aux États-Unis, a planté plus de 480 millions d'arbres dans de nombreux pays en développement. Ils sont soutenus par des dons philanthropiques, notamment de la part d'organisations désireuses de compenser leurs propres émissions. Leur principale motivation est de fournir des emplois à des salaires équitables à des villageois appauvris en tant qu'agents de la restauration des forêts dans le monde.

Les entreprises privées

Les entreprises privées ont plus souvent été de l'autre côté de la table lorsqu'il s'agit des NbS, ayant des pratiques menant à la déforestation, la dégradation des terres, l'utilisation d'engrais chimiques pour l'agriculture ou la destruction d'écosystème pour la construction de stations balnéaires et de logements. L'émergence des NbS et la sensibilisation croissante du public au changement climatique ont donné aux entreprises privées une raison et des outils pour lutter contre la dégradation de l'environnement et conduisent au développement de nouvelles opportunités. De nouveaux besoins apparaissent, et un nombre croissant d'entreprises proposent désormais des services financiers et techniques liés aux NbS ou offrent de soutenir financièrement les NbS.

Exemples:

  • CHOOOSE, une start-up norvégienne, aide les particuliers et les organisations à réduire leur empreinte carbone en supprimant les obstacles au soutien des projets d'atténuation du changement climatique, notamment de reforestation et de prévention de la déforestation, dans le monde entier, grâce à une gamme d'API et d'outils informatiques.

  • Wildlife Works, un développeur de projets de conservation des forêts, conçoit, structure, met en œuvre et facilite le financement d'une série de projets situés dans des points chauds de la déforestation en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud.

  • Nori, un plateforme de marché en ligne, aide les agriculteurs d'Amérique du Nord à modifier leurs pratiques afin d'améliorer le carbone stocké dans les terres agricoles, en créant des actifs carbone qui peuvent être achetés par des entreprises et des particuliers désireux de soutenir l'action climatique.

Les bailleurs de fonds et les investisseurs

Pour faire face à l'urgence climatique, il faut une action collective et la mobilisation d'un financement important. Les secteurs public et privé ont tous deux un rôle à jouer.

Les fonds publics

Les NbS étant un concept relativement nouveau, l'utilisation de fonds publics est souvent nécessaire pour amorcer leur mise en œuvre, réduire les risques et obtenir un financement supplémentaire du secteur privé. Alors que les pays industrialisés se sont engagées à verser 100 millions de dollars par an pour le financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en voie de développement, la France a récemment annoncé que 30 % de sa contribution irait aux NbS. Ces financements sont généralement destinés à de grands fonds multilatéraux spécialisés, à des fonds d'aide technique, distribué sous forme d'aide bilatérale au développement ou utilisés comme garantie financière pour le secteur privé.

Exemple: le Fonds vert pour le climat est le plus grand mécanisme de financement de l'accord de Paris. Il offre des subventions, des prêts, des fonds propres, des garanties et des paiements basés sur les résultats et finance à la fois le secteur privé et le secteur public. Il finance activement les NbS, notamment les forêts et l'utilisation des terres ainsi que les écosystèmes et les services écosystémiques.

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Les fonds privés

Dans son rapport annuel sur l'écart des émissions de gaz à effet de serre, le programme des Nations unies pour l'environnement ne cesse d'insister sur l'écart entre l'objectif de température de 2°C et les engagements pris par les gouvernements. On estime que cet écart pourrait être financé par le secteur privé sur une base de volontariat. La sensibilisation croissante des consommateurs pousse certaines entreprises à financer cet écart. La plupart d'entre elles le font en plantant des arbres ou en finançant la restauration d'écosystèmes plus complexes par le biais de la finance carbone.

Exemples:

  • Mirova Natural Capital est un des pionniers sur NbS en matière de gestion d'actifs avec $400 millions actuellement investis dans la conservation des écosystèmes et l'agroforesterie durable. Mirova vise à atteindre un milliard d'euros d'ici 2022. Les retours financiers sont générés par la production et la vente de produits agricoles ou forestiers (ex : cacao certifié, bois FSC, etc.) et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

  • Total a lancé en 2019 Total Nature Based Solutions, une nouvelle unité dotée d'un budget de $100 millions, pour financer et développer des projets dédiés aux puits de carbone naturels (activités de plantation, gestion durable des forêts, agroforesterie, agriculture et conservation d'espèces remarquables), et qui vise à générer des bénéfices en termes de biodiversité.

Les défis à relever

Alors que l'intérêt et les connaissances de la communauté mondiale autour des NbS pour la lutte contre le changement climatique augmentent, les activités et les sources de financement restent très fragmentées. En outre, les NbS présentent un profil d'investissement difficile pour beaucoup, avec des risques élevés et des rendements incertains. L'insuffisance de la collaboration entre les scientifiques, les entreprises et les décideurs politiques entrave également l'expansion des NbS.

La finance carbone est un outil de financement fantastique pour les NbS, même s'il subsiste des incertitudes quant au piégeage du carbone dans les écosystèmes naturels et à l'impact du changement climatique sur l'évolution des stocks de carbone, ce qui nécessite d'améliorer notre compréhension scientifique des impacts de les NbS. Les principes de compensation d'Oxford[18] considèrent notamment les NbS comme un moyen crédible pour les entreprises de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, des progrès restent à faire dans la définition de schémas opérationnels qui pourraient guider efficacement les applications des NbS sur le terrain. Plusieurs initiatives vont dans ce sens. Par exemple, Nature4Climate, une alliance d'associations de protection de la nature, d'organisations multilatérales et d'entreprises fondée en 2017 pour promouvoir l'action et l'investissement dans les NbS. Des accords et des cadres (internationaux et nationaux) sont en cours d'élaboration et des propositions de normes sont publiées, c'est notamment le cas de la norme mondiale de l'UICN pour les solutions basées sur la nature[19].

Conclusion

Même si les NbS reposent sur des techniques d'ingénierie et des principes de gestion des terres établis depuis longtemps, le concept tel qu'il est connu dans le contexte du changement climatique est relativement récent et sa définition scientifique et ses mécanismes de financement méritent encore d’être clarifiés et améliorés. Pour relever ce défi, un large éventail de parties prenantes (tant du secteur public que du secteur privé) se sont engagées à travailler ensemble pour profiter au mieux des avantages des Nbs dans la lutte contre le changement climatique.

HAMERKOP travaille avec des propriétaires fonciers privés afin de déterminer le potentiel pour eux de mettre en œuvre des NbS financés par la finance carbone. Les experts de HAMERKOP travaillent sur les NbS depuis plus de 15 ans et peuvent vous aider à évaluer le potentiel de vos activités NbS à bénéficier d'un financement carbone, vous aider à structurer les NbS ou aider les entreprises à s'y retrouver dans ce nouveau paysage.


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[1] Source : Malhi Y, Franklin J, Seddon N, Solan M, Turner MG, Field CB, Knowlton N.2020 Changement climatique et écosystèmes : menaces, opportunités et solutions. Phil. Trans. R. Soc.B375 : Avril 2019

[2] Source : Le Programme des Nations unies pour l'environnement et les neuf volets du Sommet sur l'action climatique. Lien : https://www.unenvironment.org/unga/our-position/unep-and-nine-tracks-climate-action-summit

[3] Source : Cohen-Shacham E., Walters, G., Janzen, C. et Maginnis, S. (eds.) (2016). Solutions basées sur la nature pour relever les défis sociétaux mondiaux. Gland, Suisse : UICN. xiii + 97pp.

[4] Source : Cohen-Shacham E et al, Core principles for successfully implementing and upscaling nature-based Solutions, Environmental Science & Policy Volume 98, août 2019, pages 20-29

5] Selon la définition de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)

[6] tel que défini par la Conservation Agriculture Association du Royaume-Uni

[7] Source : Thorslund J. et al, Wetlands as large-scale nature-based solutions : Status and challenges for research, engineering and management, Ecological Engineering, Volume 108, Part B, November 2017, Pages 489-497

[8] Source : Graphique : Natasha de Sena, Université et recherche de Wageningen

[9] Source : Principes fondamentaux pour la mise en œuvre et la transposition à plus grande échelle de solutions basées sur la nature (Cohen-Shachamab et al., 2019)

[10] Source : Valoriser la conservation de la nature, une méthodologie pour évaluer où la sauvegarde du capital naturel pourrait avoir le plus grand impact sur le climat, les économies et la santé. Lien : https://www.mckinsey.com/business-functions/sustainability/our-insights/valuing-nature-conservation

[11] Source : Nature-based Solutions Policy Platform, Université d'Oxford. Lien : https://www.nbspolicyplatform.org/adaptation-planning/adaptation-action-types/nature-based-actions/

[12] Source : IPC, 2019. Global Landscape of Climate Finance 2019 [Barbara Buchner, Alex Clark, Angela Falconer, Rob Macquarie, Chavi Meattle, Rowena Tolentino, Cooper Wetherbee]. Climate Policy Initiative, Londres.

[13] Source : Garantir les droits fonciers des peuples autochtones et des communautés comme solution naturelle au changement climatique : https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/28942/SecureIP.pdf?sequence=1&isAllowed=y

[14] Source : Le carbone au CNPF, un savoir-faire au service des forestiers et des entreprises responsables. Lien : https://www.foretpriveefrancaise.com/data/fe245_7_15.pdf

[15] Source : Le projet REDD+ de la Cardamome du Sud. Lien : https://registry.verra.org/app/projectDetail/VCS/1748

[16] Source : Brewdowg. Lien : https://www.brewdog.com/uk/tomorrow

[17] Source : Projet Mikoko Pamoja. Lien : https://www.planvivo.org/mikoko-pamoja

[18] Source : Principes pour une compensation carbone crédible. Lien : https://www.ox.ac.uk/news/2020-09-29-oxford-launches-new-principles-credible-carbon-offsetting

[19] Source : Norme mondiale de l'UICN pour les solutions basées sur la nature : première édition. Lien : https://portals.iucn.org/library/node/49070

L'équipe Hamerkop
Qu'est-ce que la compensation carbone ? Comment cela fonctionne-t-il ?

Les conséquences des changements qui affectent notre environnement sont et seront de grande envergure. Où que nous vivions, travaillions ou voyagions, nous devrions tous vouloir participer à l'effort de lutte contre le réchauffement climatique. Chez HAMERKOP, nous pensons que la compensation et la finance carbone (une branche de la finance climat) sont de puissants outils que les entreprises et les particuliers devraient comprendre et utiliser pour atténuer le changement climatique.

La compensation carbone (qui est en fait une compensation des émissions de gaz à effet de serre ou GES) permet d'équilibrer les émissions à un endroit donné grâce à un projet implanté ailleurs dans le monde. L'idée de compenser les émissions de GES est apparue à la fin des années 80 et repose sur la preuve scientifique que l'émission, l'absorption ou la réduction des émissions a le même effet, où qu'elle se produise dans le monde. En d'autres termes, puisque le changement climatique est un phénomène mondial, l'efficacité des actions visant à éviter que les GES ne pénètrent dans l'atmosphère ne dépend pas de l'endroit où ces actions sont menées.

La compensation carbone offre aux organisations ou aux particuliers la possibilité de financer des réductions d'émissions de GES pour une quantité correspondant à leurs propres émissions. Lorsqu'elles sont certifiées, ces réductions d'émissions peuvent être appelées unités de réduction des émissions, réductions d'émissions certifiées, unités de carbone volontaires, réductions d'émissions vérifiées, et bien d'autres noms, selon l'organisme certificateur qui les émet.

Dans cet article, nous examinerons tout d’abord les origines de la finance carbone, la différence entre le marché réglementé et le marché volontaire du carbone, et la manière selon laquelle les entreprises et les organisations peuvent équilibrer leurs propres émissions. Ensuite, nous étudierons la façon dont les crédits carbone sont émis ainsi que quelques autres concepts clés nécessaires pour comprendre les contributions de ces derniers aux efforts actuels de réduction du niveau des émissions de GES dans le monde.

La naissance des crédits carbone

La finance carbone telle que nous la connaissons aujourd’hui est apparue en 1997 avec le protocole de Kyoto. Un mécanisme basé sur le marché (également appelé cap-and-trade) et deux mécanismes basés sur des projets ont alors été conçus : le Mécanisme de Développement Propre (MDP, ou CDM en anglais) pour les pays en développement et la Mise en Œuvre Conjointe (MOC), pour les pays industrialisés. Ces mécanismes de projet servent à subventionner les activités de réduction des émissions de GES, fournissant une source de revenus supplémentaire ou complémentaire pour certains projets, voire la seule source de revenus pour d'autres. Ces mécanismes dits de flexibilité ont été rendus opérationnels par les Accords de Marrakech en 2001. Le MDP expire à la fin de l'année 2020.

Jusqu’à fin 2020, le MDP avait deux objectifs principaux : réduire le coût des réductions d'émissions pour les pays industrialisés (pays de l'annexe I du protocole) en leur permettant d'externaliser leurs réductions d'émissions vers des projets dans des pays où il est moins coûteux de le faire, et permettre aux pays en développement (pays hors annexe I) de bénéficier de financements pour des technologies plus propres et souvent plus coûteuses. Par ailleurs, l'objectif principal de la MOC était d'offrir un mécanisme financier aux pays industrialisés pour qu'ils amorcent la réduction des émissions au niveau national, notamment dans les secteurs où les émissions sont plus difficiles à réduire et qui ne sont pas couverts par un marché du carbone du type cap-and-trade.

Les deux mécanismes de projet de la finance carbone (MDP et MOC) ont été structurés de manière à fournir des incitations axées sur les résultats. Ce n'est que lorsque les projets ont démontré une réduction des émissions de GES qu'ils obtiennent des crédits carbone qui peuvent ensuite être vendus.

L’année 2015 a été marquée par la signature de l’accord de Paris. L'article 6 de ce traité international comprend des dispositions pour la prochaine génération d'instruments de finance carbone, pour lesquels les règles restent à développer, même si le traité entre en vigueur en janvier 2021.

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Source : PNUE

Marché réglementé versus marché volontaire

Jusqu’à fin 2020, les crédits carbone délivrés pour des projets enregistrés au titre du MDP peuvent être utilisés par des sites industriels polluants pour remplir une partie de leurs engagements nationaux de réduction des émissions dans le cadre du protocole de Kyoto. Ces crédits carbone peuvent être utilisés et échangés dans le cadre d'un marché du carbone dit réglementé, un marché structuré à des fins réglementaires. L'exemple le plus notable de ce type de marché est le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne ou SEQE-UE (qui comprend par exemple 11 000 installations fortement consommatrices d'énergie). Dans le cadre de ces marchés, le type de crédits carbone qui peut être utilisé est généralement très limité. Comme le montre la carte ci-dessous, de nombreux pays ont mis en place diverses taxes ou marchés du carbone nationaux ou infranationaux.

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Source : État et tendances de la tarification du carbone en 2019 - Banque mondiale

En parallèle, et à partir de 2006, un marché volontaire du carbone s'est développé. Ce marché volontaire rassemble généralement des entités qui achètent des crédits carbone pour soutenir des projets. Elles opèrent habituellement dans le secteur des services, des biens de consommation et du commerce de détail, mais peuvent également être des particuliers, des ONGs ou des organisations internationales.

Contrairement aux marchés réglementés organisés par les États, le marché volontaire du carbone n'est pas réglementé par une autorité centrale. Il n'y a donc pas de règles contraignantes concernant le type de crédits carbone éligibles. Par conséquent, en plus d'utiliser les crédits carbone issus du MDP, les organisations actives sur le marché volontaire du carbone utilisent de plus en plus des crédits carbone émis par des organismes de certification indépendants qui ont commencé à apparaître vers 2006 (bien avant, pour certains d'entre eux). Les plus utilisés sont actuellement le Gold Standard for the Global Goals (de la Fondation Gold Standard) et le Verified Carbon Standard ou VCS (de Verra). Aujourd'hui, la plupart des organisations qui compensent volontairement leurs émissions de carbone le font avec des crédits carbone issus de ces organismes de certification indépendants ou de standards de certification volontaires.

Comment les entreprises compensent-elles volontairement leurs émissions ?

Actuellement, la compensation consiste généralement en l'achat par une entreprise d'une quantité de crédits carbone correspondant à la quantité de GES qu'elle souhaite compenser et qui entre dans le périmètre 1, 2 ou 3 :

  • Les émissions du périmètre (ou scope) 1 sont les émissions directes de GES provenant de sources appartenant à l'organisation ou contrôlées par celle-ci (ex : la production sur place d'électricité, de chaleur ou de vapeur, les processus physiques et chimiques, le transport des biens et des personnes).

  • Les émissions du périmètre (ou scope) 2 sont les émissions indirectes de GES provenant de l'électricité achetée ou de la vapeur consommée par l'organisation (ex : l'électricité du réseau national).

  • Les émissions du périmètre (ou scope) 3 sont les émissions indirectes de GES émises par la chaîne de valeur de l'organisation déclarante (ex : les voyages d'affaires, les déplacements des employés, la production de matériaux achetés, les investissements, les actifs loués et les franchises, ainsi que l'élimination des déchets).

 
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Source : Protocole sur les GES

Les montants que ces organisations versent pour acheter des crédits carbone contribuent directement ou indirectement au financement d'un projet spécifique de réduction des émissions de GES. Les promoteurs de projets qui reçoivent ces paiements mettent ensuite en œuvre toute une série d'activités, allant de l'installation d'infrastructures d'énergie renouvelable comme des éoliennes ou la récupération du biogaz des décharges à la plantation d'arbres qui stockent le carbone de l'atmosphère.

En 2019, la valeur transactionnelle de ce marché était estimée à 320 millions de dollars US, et représentait 104 millions de crédits carbone négociés[1].

Quelles réductions d'émissions peuvent être certifiées et monétisées sous forme de crédits carbone ?

La matérialisation de crédits carbone dépend des processus, règles et procédures uniques développés par chaque organisme de certification carbone. Actuellement, tous les organismes de certification carbone couramment utilisés ont fondé leurs règles de base sur celles du MDP. Par conséquent, les projets doivent offrir des réductions d’émissions qui soient réelles, mesurables, additionnelles, permanentes, vérifiables et uniques. Ces conditions de base sont brièvement définies ci-dessous :

  • être réelles : les réductions d'émissions doivent avoir effectivement eu lieu. Il doit y avoir une réduction d'émission sous-jacente à chaque crédit carbone qui correspond au résultat du projet mis en œuvre.

  • être additionnelles : les revenus de la vente des crédits carbone sont un facteur déterminant dans la mise en œuvre du projet. La survie du projet dépend, dans une certaine mesure, de la capacité du développeur de projet à vendre ses crédits carbone. En d'autres termes, cela implique que le projet n'aurait pas pu voir le jour s'il n'avait pas été soutenu financièrement par ce système de compensation. Ce concept est connu sous le nom d '"additionnalité".

  • être mesurables et vérifiables: les réductions d'émissions doivent pouvoir être calculées avec une rigueur scientifique et faire l'objet d'un suivi et d'un audit. Pour ce faire, il faut disposer de méthodes de calcul et de suivi adaptées au contexte et à la technologie concernés.

  • être permanentes : les émissions de GES qui ont été réduites ou évitées doivent durer dans le temps et ne doivent pas être rejetées dans l'atmosphère par le projet en question à une date ultérieure.

  • être uniques : chaque crédit carbone doit correspondre à une seule tonne de CO2e. Cela signifie également que des procédures doivent être mises en place pour éviter un double comptage.

L'additionnalité est un concept clé des mécanismes de la finance carbone. Si certaines conditions sont spécifiques à chaque organisme de certification, la détermination de l'additionnalité d'un projet se concentre généralement autour de ces questions clés :

  • Le projet est-il financièrement viable et susceptible d'attirer des financements sans vendre de crédits carbone ? La réponse doit être négative pour qu'un projet soit additionnel.

  • Le projet proposé comporte-t-il des risques qui rendent difficile son financement ou sa mise en œuvre ? La réponse doit être positive pour qu'un projet soit complémentaire.

  • Le projet proposé réduit-il/évite-t-il les émissions de GES au-delà des exigences réglementaires ? Le projet proposé est-il déjà une pratique courante à l’endroit où il est mis en place ? La réponse à ces deux questions doit être affirmative pour qu'un projet soit additionnel.

  • Le projet est-il confronté à des obstacles organisationnels, culturels ou sociaux importants qui ne peuvent être surmontés sans vendre des crédits carbone ? Cela doit être le cas pour qu'un projet soit additionnel.

Quelles sont ces normes de certification du carbone ?

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Plus de 15 organismes de certification volontaire du carbone ont vu le jour depuis le milieu des années 2000. Le Gold Standard for the Global Goals (GS4GG), le Verified Carbon Standard, Plan Vivo, l'American Carbon Registry, la Climate Action Reserve, le Woodland Carbon Code et le Label Bas Carbone font partie des organismes actifs et largement reconnus par le marché.

Dans le cadre du processus de certification carbone, un projet doit être éligible à (i) un ensemble de conditions spécifiques aux spécificités du projet et aux (ii) règles et principes de l'organisme de certification choisi. Chaque organisme a ses propres exigences et critères d'éligibilité, basées notamment sur la localisation géographique, la taille ou la technologie du projet.

Chaque organisme de certification présente également un objectif qui lui est propre. Certains se limitent à des types de projets particuliers (ex : la foresterie pour le Woodland Carbon Code) tandis que d'autres excluent certains projets (ex : le Plan Vivo exclut les projets non communautaires), ou excluent des technologies en fonction de leurs caractéristiques pour se focaliser sur des projets valorisant les avantages sociaux (ex : les centrales hydroélectriques à grande échelle ne sont pas éligibles auprès du GS4GG).

Au-delà des réductions d'émissions, les organismes de certification volontaires exigent souvent d'un projet candidat qu'il génère des impacts connexes positifs dans le pays hôte. Ces impacts indirects impliquent généralement des contributions aux objectifs de développement dans des domaines importants : impacts sociaux (ex : réduction des inégalités entre les femmes et les hommes, des discriminations à l'égard des femmes ou des minorités ethniques), économiques (ex : réduction de la pauvreté, accès à l'emploi et autres opportunités économiques), sanitaires (ex : réduction de l'exposition à la pollution atmosphérique, aux produits chimiques), environnementaux (ex : protection des forêts primaires, de la biodiversité, réduction des niveaux de pollution, augmentation de l'accès à l'énergie propre) ou humanitaires (ex : amélioration des moyens de subsistance des réfugiés). Ces impacts connexes sont souvent conformes à au moins un ou plusieurs des objectifs de développement durable des Nations unies.

Enfin, le choix de l'organisme de certification n'est pas seulement un choix du point de vue du projet, mais il oriente également le marché sur lequel les crédits carbone seront vendus et détermine les prix auxquels ils seront vendus.

La finance carbone comme mécanisme de financement efficace

Le soutien financier aux projets par le biais de crédits carbone est considéré comme un élément essentiel des efforts déployés pour lutter contre la crise climatique. La finance carbone apporte des solutions concrètes, à la fois efficaces sur le plan économique et environnemental, tout en offrant la possibilité de générer des impacts en termes de développement.

Par conséquent, la finance carbone :

  • est ouverte à tous les acteurs et entités.

  • permet la diffusion du savoir-faire et de l'expérience en matière de changement climatique parmi les entreprises et les institutions.

  • offre une source internationale de revenus pour les projets, sans les complexités des marchés de capitaux.

  • permet de dissocier l'équité de l'efficacité, et donc de répartir les charges, les pays riches facilitant les efforts d'atténuation dans les pays moins développés.

Au-delà de ces caractéristiques, la finance carbone est un mécanisme basé sur les résultats. Cela signifie qu'au lieu de payer pour des activités susceptibles de déclencher des résultats (comme c'est le cas pour l'aide au développement), les organisations désireuses de compenser leurs émissions par le biais du marché volontaire du carbone ne paient que pour des résultats fondés sur des preuves, lorsque les émissions ont déjà été réduites ou évitées. Cela signifie que les organisations qui compensent leurs émissions avec des crédits carbone ne financent que des projets qui fonctionnent réellement et montrent des résultats positifs. Plus un projet est efficace, plus il génère de crédits carbone et plus il bénéficie de la finance climat. Il y a donc un effet d’incitation pour les projets à être performants. L'efficacité devient ainsi une caractéristique essentielle des projets de compensation carbone.

Projets certifiés versus non certifiés

Aujourd'hui, presque la quasi-totalité des projets vendant des crédits carbone sont certifiés par un organisme de certification carbone reconnu qui délivre des crédits carbone labellisés. Ce n'était pas tout à fait le cas il y a dix ans. Les acteurs de ce milieu se sont appuyés sur les échecs passés et ont fait un effort important pour asseoir la crédibilité et la légitimité de leurs activités.

Si la compensation carbone est souvent critiquée, nombre de ces critiques sont mal formulées, dépassées ou portent sur la façon dont les entreprises l'utilisent ou communiquent à son sujet plutôt que sur la pertinence du mécanisme de financement. Contrairement aux organismes de certification intergouvernementaux tels que l'ONU qui ont malheureusement rencontré des difficultés à réagir à l'évolution rapide de ce marché et aux problématiques rencontrées, les organismes de certification volontaires, initialement mis en place pour combler certaines des lacunes du MDP, ont été des moteurs d'innovation. Ils ont renforcé leurs règles pour garantir l'intégrité environnementale et sociale des projets certifiés. Par exemple, le risque de double comptage est désormais pratiquement inexistant. C'est également le cas lorsqu'il s'agit de garantir la réalité des réductions d'émissions (c'est-à-dire le risque que des crédits carbone soient vendus par un projet qui n'a pas réduit d'émissions). Nous nous attendons prochainement à ce que les procédures de contrôle soient de plus en plus précises, à ce que les registres internationaux détenant les crédits carbone soient de plus en plus transparents et à ce que les garde-fous sociaux et environnementaux soient renforcés.

La compensation carbone comporte toutefois certains risques. Que vous souteniez un projet certifié ou non certifié, des difficultés non anticipées peuvent survenir et compromettre l’efficacité réelle de la démarche. Cela est d'autant plus vrai qu'il existe souvent une importante asymétrie d’informations entre le porteur de projet soutenu et l'entreprise compensant ses émissions. D'autre part, lorsque la compensation carbone est utilisée comme substitut par les entreprises pour ne pas réduire leurs propres émissions, cela peut engendrer des problèmes de réputation pour les dites entreprises.

Emissions réduites, évitées, séquéstrées et capturées

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Crédit : Photo de Bas Emmen sur Unsplash

Lorsque l'on parle de réductions d'émissions monétisées sous forme de crédits carbone, le terme de réduction n'est pas toujours exact. Il renvoie souvent à une combinaison de situations et d'actions :

  • Emissions évitées : la plupart des projets carbone réduisent les émissions par rapport à une situation théorique qui se serait produite en l'absence du projet. Par exemple, si un pays a l'intention d'installer une centrale à charbon pour accroître sa production nationale d'électricité, car c'est le moyen le plus pratique et le moins cher de le faire, les crédits carbone peuvent rendre l'installation d'une centrale hydroélectrique alternative aussi intéressante financièrement en permettant d'éviter les émissions qui auraient eu lieu autrement. Dans ce cas, un crédit carbone représente une tonne de CO2e évitée et non réduite.

  • Emissions séquestrées : elles peuvent être classées en deux catégories :

  1. Séquestration naturelle : la plupart des projets qualifiés de solutions fondées sur la nature (nature-based solutions) qui séquestre le carbone de l'atmosphère. Par exemple, lorsqu'un arbre pousse, le carbone est biologiquement séquestré dans ses branches, son tronc et ses racines. Dans ce cas, un crédit carbone représente une tonne de CO2e séquestrée ou réduite.

  2. Séquestration via l'ingénierie de stockage : bien qu'aucun de ces projets ne soient encore certifiés, il s'agit d'une pratique de plus en plus répandue. Des technologies capables de capter le carbone directement de l'atmosphère (également appelée capture directe depuis l’air ou direct air capture) ou dans les gaz de combustion (capture et stockage du carbone ou carbon capture and storage) afin de le stocker dans des formations géologiques sont en cours de développement. Bien que l'efficacité de ces technologies soit encore incertaine et qu'elles soient actuellement sous-déployées, la capture de ces émissions pourraient être considérée comme des réductions. Dans ce cas, un crédit carbone représenterait une tonne de CO2e éliminée ou réduite.

Une entreprise qui compense ses émissions par des crédits carbone évite d'aggraver la situation en étant responsable mais n'empêche pas les émissions de continuer à s'accumuler dans l'atmosphère en niveaux absolus. La compensation n'a de sens que si elle est intégrée dans des plans ambitieux de réduction des émissions.

Conclusion

Dans cet article, nous espérons vous avoir donné un aperçu de ce qu'est la compensation carbone, de son fonctionnement, des réductions d'émissions qui peuvent être monétisées sous forme de crédits carbone, du fonctionnement des organismes de certification carbone et des raisons pour lesquelles elle est considérée comme un mécanisme de financement efficace.

Les experts d'HAMERKOP ont plus de 12 ans d'expérience dans l'aide aux entreprises, ONGs et gouvernements pour faire face à la complexité des processus de certification volontaire, depuis le choix de l'organisme de certification approprié jusqu'à la vente réussie de leurs premiers crédits carbone, en passant par le suivi de leurs projets, assurant ainsi leur viabilité économique, sociale et environnementale à long terme.

Si vous souhaitez vous engager sur le marché volontaire du carbone, que vous soyez une entreprise qui envisage de compenser ses émissions et cherche à comprendre quel projet ou quelle norme de certification soutenir et comment acquérir et négocier des crédits carbone, ou une organisation qui a un projet à venir qui réduit des émissions potentiellement éligibles pour vendre des crédits carbone ; nous pouvons vous aider, alors n'hésitez pas à nous contacter. Nous ne vendons pas de crédits carbone et nous pouvons donc vous conseiller de manière indépendante et vous mettre en contact avec les bons interlocuteurs.


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[1] Voluntary Carbon and the Post-Pandemic Recovery (Ecosystem Marketplace, 2020). Lien : https://www.ecosystemmarketplace.com/articles/demand-for-voluntary-carbon-offsets-holds-strong-as-corporates-stick-with-climate-commitments/

L'équipe Hamerkop
L'essentiel de la finance climatique - un guide pour débutants

La finance climat est un sujet de plus en plus discuté et devrait devenir l'une des plus importantes sources de financement dans les prochaines décennies. Un large éventail d'entités proposera des financements climat, des entreprises privées aux institutions publiques et aux organisations financières, ce n'est qu'une question de temps. Compte tenu des défis à venir, les particuliers et le secteur privé en tireront profit. Toutefois, il s'agit encore d'un sujet de niche : le hashtag #climatefinance en anglais ne compte que 5 000 adeptes sur un réseau professionnel comme #LinkedIn. Alors, qu'est-ce que la finance climat ? Quel est son objectif ? Comment fonctionne-t-elle ? D'où vient-elle ? Où va-t-elle ?

La finance climat est généralement présentée comme un sujet d'expert avec des concepts fantaisistes, mais elle est en fait très simple. Commençons par une définition. La finance climat est l'utilisation d'instruments de financement visant spécifiquement à atteindre les objectifs d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. En d'autres termes, la finance climat consiste en tout effort financier visant à soutenir la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à éviter que d'autres émissions de gaz à effet de serre ne se retrouvent dans l'atmosphère, mais aussi à aider les personnes et les pays à se préparer et à s'adapter à un climat différent. Ce concept existe principalement depuis 1997, avec l'adoption du protocole de Kyoto.

D'où vient la finance climat ?

Bien qu'aucun historien ne puisse nous dire quand le terme "finance climat" a été inventé, il est généralement admis que l'utilisation du terme "finance climat" a commencé lors du Sommet de la Terre de 1992, qui a abouti à la création de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui elle-même a conduit à la rédaction et à l'adoption du protocole de Kyoto en 1997. Le mot "finance" n'est mentionné qu'une fois dans la CCNUCC et une fois dans le protocole de Kyoto[1] et les mécanismes financiers de l'époque qui pouvaient être considérés comme les premières formes de finance du climat n'étaient pas appelés ainsi. Ce n'est qu'avec les Accords de Marrakech de 2001 que le mot finance, utilisé principalement en relation avec l'adaptation, a finalement été utilisé officiellement[2].

Étonnamment, ce n'est qu'en 2014 que la CCNUCC a adopté une définition officielle de la finance climat : "La finance climat vise à réduire les émissions et à renforcer les puits de gaz à effet de serre, ainsi qu'à réduire la vulnérabilité des systèmes humains et écologiques aux effets négatifs du changement climatique, à maintenir et à accroître leur résilience". En 2015, 4 mentions de la finance climat ont fait leur chemin dans l'accord de Paris[3].

Quelle est la place de la finance climat ?

Pour le grand public, la finance climat peut être considérée comme un concept assez flou ou large. Afin d'approfondir la question du financement climatique, il est utile de décrire d'abord sa place dans le paysage financier général. Pour ce faire, j'ai cherché à dessiner son arbre généalogique ci-dessous. S'il s'agissait d'un être vivant, la généalogie de la famille du financement climatique pourrait ressembler à ceci.

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Attention, ce diagramme ne représente pas toute la famille élargie mais les membres les plus notables. Il ne rend probablement pas non plus pleinement compte des liens entre tous ses membres. Comme vous pouvez le constater, il n'y a pas de place pour la finance verte, car celle-ci peut être perçue comme très générique, indéfinie, surutilisée et entachée de sorte qu'il n'est pas très logique de l'utiliser où que ce soit. Toutes les activités économiques ont un impact environnemental, car il y a toujours une empreinte écologique derrière la transformation des matériaux dans le but de produire un bien ou un service.

Au cours des deux dernières années, le groupe d'experts techniques (GET) de l'Union européenne sur le financement durable a mené un long et complexe processus de définition de ce qu'est la finance durable, afin de faciliter l'acheminement des fonds vers celle-ci. Il en est sorti une taxonomie de la finance durable.

En bref, le financement de l'atténuation du climat dans le contexte de l'UE correspondrait au financement d'activités qui :

  • Sont à faible teneur en carbone (même si celle-ci est généralement mal définie)

  • Contribuent à la transition vers une économie à émissions nettes nulles, mais ne sont pas actuellement proches d'un niveau d'émissions nettes nulles de carbone

  • Permettent à d'autres de réaliser des performances à faible intensité de carbone ou de réduire considérablement les émissions en évitant des émissions

Le GET a défini les activités contribuant à l'adaptation au changement climatique comme des activités qui :

  • Qui contribuent de manière substantielle à prévenir ou à réduire le risque d'impact négatif ou à réduire de manière substantielle l'impact négatif du climat actuel et du climat futur prévu sur d'autres personnes, la nature ou les biens

Le GET a même élaboré une annexe technique[4] énumérant toutes les activités contribuant à l'atténuation ou à l'adaptation au changement climatique ainsi qu'une liste des activités par secteur.

L'atténuation et l'adaptation n'appartiennent pas à un ensemble spécifique d'activités ou de secteurs. Elles s'appliquent à tous les secteurs. Atteindre les objectifs de l'accord de Paris nécessitera un changement substantiel de notre économie et de nos modes de vie, ce qui explique en partie le besoin de politiciens et de dirigeants visionnaires qui s'engagent à mettre en œuvre ces objectifs.

Pourquoi avons-nous besoin de financement pour le climat ?

En 2017, l'OCDE a estimé que, au niveau mondial, 6,3 billions d'euros par an seraient nécessaires pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris d'ici 2030[5]. Pour vous donner une idée, ce montant est légèrement inférieur à la valeur monétaire de l'ensemble des activités économiques de l'Allemagne en 2019 et supérieur à celui de la France ou du Royaume-Uni pour la même année.

Il est évident que les ressources publiques déjà sollicitées à l'excès ne suffiront pas pour relever ce défi. Que vous considériez ou non le capitalisme comme un obstacle à la réalisation des objectifs de l'accord de Paris, des capitaux institutionnels et privés seront nécessaires pour y parvenir.

L'argent a toujours été le nerf de la guerre. La guerre que le monde semble enfin prêt à engager est celle contre le changement climatique, c'est-à-dire contre les conséquences imprévisibles des concentrations élevées de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. C'est aussi une guerre qui doit permettre à l'humanité de s'adapter à un nouvel environnement. Un environnement qui peut changer dans une mesure encore difficile à imaginer.

Sauf peut-être pour les écologistes, dans notre conception du monde centrée sur l'homme, le changement climatique n'a jamais autant porté sur l'environnement que sur les impacts humains que ces changements peuvent déclencher dans cet environnement.

Même un climat plus chaud de 2 °C déclencherait des changements tels que des phénomènes météorologiques extrêmes plus intenses (sécheresses, inondations, tempêtes, canicules), la migration d'un certain nombre de maladies vers les zones tempérées, la diminution des rendements agricoles mondiaux, l'incapacité des terres à produire quoi que ce soit, la rareté de l'eau, la perte généralisée de biodiversité, l'acidification des océans et le blanchiment des coraux. Tous ces facteurs ont des conséquences, à eux seuls, les uns sur les autres et combinés, dans une mesure qui dépasserait comparativement celles de la pandémie mondiale COVID-19.

La figure ci-dessous montre que notre trajectoire de développement actuelle nous conduit à une augmentation de la température moyenne mondiale de 3 à 4 °C. Cela pourrait se traduire par +10°C à certains endroits et -10°C à d'autres.

Tant que la finance traditionnelle ne sera pas contrainte d'intégrer la sauvegarde de notre environnement comme critère obligatoire dans ses décisions d'allocation des fonds, nous ne pourrons pas espérer de manière réaliste maintenir les augmentations de température en dessous d'un niveau raisonnable.

Que ce soit pour éviter un changement climatique dramatique ou pour renforcer la résilience et faire face aux effets du changement climatique, les mécanismes de finance climat adaptés seront de plus en plus nécessaires. Ils sont actuellement utilisés via des canaux très petits et modestes.

A quoi ressemble la finance climat ?

Si vous vous demandez encore de quoi il s'agit, n'attendez plus. Selon le think tank Climate Policy Initiative, comme le résume le graphique ci-dessous, les fonds pour le climat sont dépensés par le biais de prêts à taux réguliers (commerciaux) et à taux réduits (concessionnels). Les fonds pour le climat sont également distribués sous forme de capital pour l'exploitation des entreprises et les projets afin de leur permettre de démarrer et d'obtenir des financements complémentaires si nécessaire. Enfin, la finance climat prend également la forme de subventions visant à financer l’assistance technique et financière de projets n’ayant pas d’autre accès au financement.

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L'une des ressources intéressantes dans le domaine des solutions climatiques est le Drawdown Review [6]. Bien qu'il ne couvre que l'atténuation du changement climatique et que certains aspects de sa méthodologie puissent être remis en question, c'est un travail très crédible qui propose beaucoup de contenu pertinent.

Selon cette étude, les actions suivantes seraient les plus susceptibles de réduire les émissions :

  • Énergie : production d'électricité plus propre (ex : énergie éolienne, solaire, géothermique, biomasse, valorisation énergétique des déchets, etc.), efficacité énergétique (ex: dans l'éclairage, le chauffage des bâtiments, l'isolation)

  • Agriculture : réduction du gaspillage alimentaire, de la consommation de viande et de produits laitiers par le développement d'une alimentation à base de plantes, la protection et la restauration des écosystèmes (ex : ré-humidification des tourbières, protection des forêts primaires et des prairies, sécurisation des droits fonciers des populations autochtones, etc.), la réduction de l'utilisation d'engrais azotés et l'amélioration des techniques de production de riz

  • Industrie : élimination progressive de certains gaz réfrigérants (ex : lors du stockage), récupération du gaz des déchets (liquides et solides), recyclage et production de ciment et de bioplastiques à faible teneur en carbone

  • Transports : développement d'alternatives à la voiture individuelle (ex : transports publics, covoiturage, infrastructures cyclables, etc.), développement des véhicules électriques, des camions à faible consommation d'énergie et de l'aviation

  • Bâtiment : adoption de réchauds améliorés, des pompes à chaleur, du biogaz pour la cuisine, des chauffe-eau solaires et isolation des bâtiments

L'autre partie de l'équation de l'atténuation du changement climatique est la séquestration du carbone dans les écosystèmes naturels : par la sylviculture, l'amélioration des pratiques agricoles et la restauration des écosystèmes.

Deux autres canaux sont utilisés pour diffuser les financements climat :

  • Les marchés de compensation du carbone : où les projets reçoivent des paiements pour chaque tonne d'équivalent CO2 qu'ils réduitent ou évitent. Ces paiements n'entrent pas vraiment dans la catégorie des instruments financiers ordinaires et représentaient près de 300 millions d'USD en 2018 selon le rapport State of the Voluntary Carbon Markets 2019.

  • Les fonds internationaux pour le climat : tels que les Fonds verts pour le climat, le plus important mécanisme de financement de l'accord de Paris, qui a engagé plus de 6 milliards de dollars US depuis sa création il y a quelques années. Les financements ont principalement eu lieu via des prêts et des subventions.

Comme il est désormais évident que les efforts d'atténuation n'ont pas été suffisants, le financement de l'adaptation au changement climatique est devenu une question de plus en plus pressante. Cependant, non seulement le financement de l'adaptation au changement climatique a reçu moins d'attention jusqu'à présent, mais il est aussi beaucoup plus complexe à quantifier et à suivre. Les efforts de financement dans le domaine de l'adaptation au changement climatique ont principalement pris la forme de la gestion de l'eau et des eaux usées, d'une agriculture intelligente sur le plan climatique (ex : augmentation de la productivité, cultures résistantes à la sécheresse, systèmes mixtes culture-élevage, etc.). Ces efforts ont été principalement financés par les gouvernements et les agences de développement internationales ou régionales (ex : les banques de développement, les agences des Nations unies, les fonds climatiques, etc.)

Quelle est l'importance de la finance climat ?

La Climate Policy Initiative a cartographié les flux de financement du climat depuis 2013 et a constaté qu'en 2017-2018, environ 579 milliards de dollars US ont été dépensés en moyenne chaque année[7]. La variation annuelle est présentée dans la figure ci-dessous. Les sources de financement prises en compte dans ces données ne sont très probablement pas exhaustives mais comprennent un très large éventail de références.

CPI_Climate_Finance_Flows.png

Comme vous l'avez sûrement compris, si l'on compare ces chiffres avec l'estimation de l'OCDE de ce qui serait nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques de l'accord de Paris, il nous manque plus de 90 % des fonds. Nous aurions besoin de 5 700 milliards de dollars supplémentaires chaque année, en plus de ce que nous dépensons actuellement. Le monde subit chaque année des retards dans le niveau d'investissement nécessaire pour nous mettre sur la voie de la réalisation de ces objectifs.

Qui dépense les fonds pour le climat ? Qui en bénéficie ?

Selon le même rapport de la Climate Policy Initiative et comme illustré dans le graphique ci-dessous, les financements climat proviennent d'un large éventail de sources.

Comme nous savons que les pays eux-mêmes n'ont pas les ressources financières adéquates pour assumer le poids des lourds investissements nécessaires, les financements publics ne devraient idéalement être utilisés que pour démultiplier les financements privés si nous voulons atteindre les montants ciblés. Cependant, le financement privé ne représentait que 56 % de toutes les sources de financement du climat en 2017-2018, ce qui est loin d'être suffisant.

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La Climate Policy Initiative a indiqué que les institutions financières de développement (IFD) nationales, bilatérales et multilatérales représentaient la majeure partie des finances publiques. Les IFD, qui opèrent principalement dans les pays en développement, fournissent également des fonds de développement qui sont parfois réorientés ou rebaptisés "finance climat". Cela signifie également que les pays industrialisés qui ont également besoin d'un soutien public en bénéficient moins et sous une forme différente.

Le reste des fonds provenant d'organismes publics est fourni par les gouvernements régionaux et municipaux et permet de subventionner ou d'investir dans des infrastructures à faible émission de carbone.

Le financement privé dispose d'un éventail de sources plus diversifié. Les entreprises privées représentent la majorité des investisseurs privés, et les institutions financières commerciales jouent un rôle de plus en plus important. En outre, les particuliers contribuent également au financement de la lutte contre le changement climatique. Ils fournissent 10 % du montant total dépensé. À la traîne, on trouve en fait les acteurs financiers les plus importants : ceux qui disposent de vastes sommes d'argent, qui gèrent l'épargne des ménages et les pensions de retraite. Ces acteurs ne semblent pas croire que les risques liés à la construction du monde de demain valent la peine d'être pris. Ainsi, les investisseurs institutionnels et les petits gestionnaires de fonds représentent une fraction étonnamment faible (2 %) du financement du climat.

En ce qui concerne les secteurs vers lesquels le financement privé est canalisé, les énergies renouvelables arrivent en tête (85 %), notamment pour la production d'électricité, suivies par les systèmes de transport à faible émission de carbone (14 %). Cependant, la collecte de données pour certains de ces secteurs peut être difficile. Ceci est mis en évidence dans le graphique ci-dessous, qui illustre également le biais narratif lié au rôle des énergies renouvelables. Il est en effet communément admis que les énergies renouvelables joueront un rôle clé dans la lutte contre le changement climatique en permettant la production propre d'électricité, même si elles ne représentent que 7,5 % de l'énergie consommée dans le monde[8].

Le diagramme ci-dessous offre une vue assez tortueuse de la provenance et de la destination des fonds étiquetés comme finance climat. Il donne cependant une image complète de la situation actuelle.

Paysage du financement climatique (CPI).png

Conclusion

Bien qu'il s'agisse encore d'une pratique assez spécialisée, la finance climat est de plus en plus utilisée par le secteur public et le secteur privé. Un nombre croissant de projets peuvent profiter des opportunités que cette évolution va créer. Nous pensons que le moment est venu pour les projets, les programmes et les organisations d'identifier les sources potentielles de financement ou les activités qui pourraient leur permettre de mettre en œuvre des activités d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. C'est également le bon moment pour les organisations financières de développer leur offre de finance climat auprès du grand public.

Le projet Drawdown estime que, globalement, les économies opérationnelles nettes seraient quatre à cinq fois supérieures aux coûts de mise en œuvre nets si la plupart des mesures d'atténuation du changement climatique étaient mises en œuvre. Cela signifie qu'avec les bons instruments de financement, nos sociétés pourraient libérer un large éventail de possibilités de lutte et d'adaptation au changement climatique.

Les experts d'HAMERKOP pourraient vous faire bénéficier de leurs 12 ans d'expérience dans le soutien techniques aux entreprises, aux ONGs et aux gouvernements dans le domaine de la finance climat, de l'identification d’initiatives éligibles à ce type de financement à l'évaluation de projets, la liaison avec la bonne source de financement et à la rédaction de propositions de projets gagnantes. Si vous souhaitez appréhender la finance climat, que ce soit pour en bénéficier ou pour allouer des fonds dont vous disposez, nous pouvons vous aider. N'hésitez pas à nous contacter .

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[1] Le protocole de Kyoto : https://unfccc.int/sites/default/files/resource/docs/cop3/l07a01.pdf

[2] Les accords de Marrakech : https://unfccc.int/cop7/documents/accords_draft.pdf

[3] L'accord de Paris : https://unfccc.int/files/essential_background/convention/application/pdf/english_paris_agreement.pdf

[4] Annexe technique de la taxonomie de la finance durable : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/200309-sustainable-finance-teg-final-report-taxonomy-annexes_en.pdf

[5] Investir dans le climat, Investir dans la croissance (OCDE, 2017) : http://dx.doi.org/10.1787/9789264273528-en

[6] The Drawdown Review 2020 : https://www.drawdown.org/drawdown-framework/drawdown-review-2020

[7] The Global Landscape of Climate Finance 2019 (Climate Policy Initiative, 2019) : https://climatepolicyinitiative.org/publication/global-landscape-of-climate-finance-2019/

[8] Long-term energy transitions, Portugal, 1856 to 2008 : https://ourworldindata.org/grapher/long-term-energy-transitions

Olivier Levallois
7 choses à savoir sur les émissions de GES liées à l'hydroélectricité et aux réservoirs
 

L'hydroélectricité est un outil fiable et essentiel dans la lutte contre le changement climatique et dans la réalisation des objectifs nationaux et internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Cela est particulièrement vrai dans les pays du sud où les sources d'énergie hydroélectrique non exploitées restent importantes[1]. Pourtant, l'utilisation de cette énergie n'est pas sans susciter des controverses, notamment en ce qui concerne les émissions de GES. Quel est l'état actuel de l'hydroélectricité et quels en sont les avantages ? Comment contribue-t-elle au développement durable ? D'où proviennent les émissions liées à l'hydroélectricité et comment peut-on les calculer et les monétiser ?

Bien que les capacités hydroélectriques nouvellement installées aient augmenté depuis 2001, elles ne sont pas en voie d'atteindre les objectifs durables à long terme. L'hydroélectricité peut être considérée comme une source d'énergie à faible émission de carbone, mais les centrales hydroélectriques dotées de grands réservoirs par rapport à leur capacité de production peuvent émettre au moins autant d'émissions de GES que les centrales thermiques[2]. Ces émissions proviennent principalement des réservoirs ainsi que de la construction et du démantèlement. Malgré l'incertitude quant à leur comptabilisation, l'utilisation de l'outil G-Res peut aider à les évaluer. Sous certaines conditions, les projets hydroélectriques sont éligibles à la finance carbone.

L'hydroélectricité continue de se développer

L'hydroélectricité est la première source d'électricité de source renouvelable. Sa contribution à la production mondiale d'électricité renouvelable n'a cessé d'augmenter depuis 2001. L'Association internationale de l'hydroélectricité (IHA) a indiqué que, dans le monde, plus de 21,8 gigawatts (GW) de capacité hydroélectrique ont été mis en service en 2018. Cela équivaut à la capacité électrique totale du Chili ou de la Belgique[3].

En 2018, c'est la Chine qui a ajouté le plus de capacité avec 8 540 mégawatts (MW), suivie par le Brésil (3 866 MW), le Pakistan (2 487 MW), la Turquie (1 085 MW), l'Angola (668 MW), le Tadjikistan (605 MW), l'Équateur (556 MW), l'Inde (535 MW), la Norvège (419 MW) et le Canada (401 MW). La répartition par pays et par région est présentée dans le diagramme ci-dessous.

Capacité hydroélectrique installée dans le monde en 2018 [4]

Capacité hydroélectrique annuelle dans le monde.png

Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), au cours des cinq prochaines années, la capacité hydroélectrique devrait augmenter de 9 %, avec en tête la Chine, l'Inde et le Brésil.

Pour illustrer la disparité de potentiel et de mise en œuvre, la République démocratique du Congo, qui possède 35 % du potentiel de l'ensemble du continent africain (soit 100 GW), n'a installé que 2,6 GW, ce qui n'est même pas suffisant pour mériter une place dans le diagramme ci-dessus.

Les avantages illimités de l'hydroélectricité

Les pays, en particulier ceux en développement, attendent de l'hydroélectricité qu'elle contribue de manière significative aux objectifs de développement durable des Nations unies[5], notamment en leur permettant de limiter, voire de réduire, leurs niveaux d'émissions de GES résultant des activités de production d'électricité. L'hydroélectricité devrait donc contribuer à fournir une énergie abordable et propre, à gérer l'eau douce, à lutter contre le changement climatique et à améliorer les moyens de subsistance.

Les avantages liés à l'hydroélectricité sont nombreux et comprennent: la production et le stockage d'énergie propre et flexible, ainsi qu'une réduction de la dépendance aux combustibles fossiles. En termes économiques, les avantages comprennent l'amélioration des moyens de subsistance et des chaînes d'approvisionnements, l'amélioration de la navigation et des transports, et l'investissement dans les services communautaires. Les avantages de la gestion de l'eau douce comprennent l'approvisionnement des foyers, de l'industrie et de l'agriculture, ainsi que l'atténuation des inondations et des sécheresses[6].

Avantages de l'hydroélectricité.jpg

L'hydroélectricité pourrait offrir un large éventail d'avantages, et pas uniquement une électricité propre à la demande.

L'hydroélectricité est nécessaire au développement durable

Il va sans dire que l'hydroélectricité pourrait contribuer à atteindre l'objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C ou 2°C. En termes d'adaptation, les projets hydroélectriques peuvent offrir aux pays une protection contre les effets du changement climatique et des phénomènes météorologiques extrêmes (par exemple, les inondations ou la sécheresse), même si les conditions climatiques variables rendent également ces projets sensibles aux risques climatiques en raison de leur dépendance vis-à-vis des précipitations et du ruissellement.

Selon l'AIE, une croissance continue des capacités installées nouvelles est nécessaire pour maintenir une augmentation moyenne de la production de 2,5 % par an jusqu'en 2030 afin de rester en phase avec le scénario de développement durable (SDD)[7]. Comme le montre la diagramme ci-dessous, bien que les perspectives de croissance des nouvelles capacités hydroélectriques restent fortes, elles ne sont pas suffisantes pour atteindre le niveau du SDD[8].

La production d'hydroélectricité dans le scénario de développement durable, 2000-2030

 
Production d'hydroélectricité dans le scénario de développement durable, 2000-2030.png
 

Pourtant, l'hydroélectricité contribue encore largement aux efforts de réduction des émissions mondiales. En mars 2020, les projets hydroélectriques représentaient 24 % de l'ensemble des projets carbone certifiés dans le cadre du mécanisme de développement propre (MDP) de la CCNUCC, ce qui est considérable. Il s'agissait donc de la catégorie de projets la plus importante dans le cadre du MDP[9].

Le problème des émissions de GES de l'hydroélectricité

L'hydroélectricité est généralement considérée comme une technologie à faible teneur en carbone et peut servir de contrepoids aux énergies fossiles à forte intensité de carbone. Si l'hydroélectricité était remplacée par la combustion du charbon, jusqu'à 4 milliards de tonnes d'émissions de GES supplémentaires seraient émises chaque année et les émissions mondiales des combustibles fossiles et de l'industrie seraient au moins 10 % plus élevées [10]. Selon le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) et l'AIH, l'intensité carbone-équivalent sur le cycle de vie médian de l'hydroélectricité est de 18,5 gCO2e par kWh, et seul l'éolien terrestre ferait mieux, comme le montre le diagramme ci-dessous.

L'intensité carbone de l'hydroélectricité par rapport aux autres technologies

Intensité carbone de l'hydroélectricité par rapport à d'autres technologies.png

En examinant la variation des émissions pour chaque technologie, on se rend compte que l'hydroélectricité est la technologie qui présente la plus grande fourchette d'émissions. Il pourrait à la fois s'agir de la technologie la plus et la moins intensive en carbone[11].

Variation de l'empreinte carbone des sources d'énergie

Variation de l'empreinte carbone des sources d'énergie.jpg

Les installations hydroélectriques au fil de l'eau utilisent principalement le débit naturel de l'eau pour produire de l'énergie, par opposition à la puissance de l'eau qui tombe avec les grands barrages à réservoirs. Elles ont tendance à avoir de très faibles niveaux d'émissions de GES et ont des impacts sociaux et environnementaux limités sur les écosystèmes et les communautés locales.

Les réservoirs sont la source du problème

Nous avons déterminé que les paramètres suivants ont un effet critique sur l'intensité carbone d'une centrale hydrolélectrique (classés du plus important au moins important) :

  • La température atmosphérique moyenne (plus généralement le climat local et ses variations, y compris les précipitations et la vitesse du vent qui ont un impact moindre)

  • Le taille du réservoir par rapport à la capacité installée (plus généralement les caractéristiques physiques du barrage)

  • Les services affectés au réservoir (qui agiraient sur l'attribution des émissions aux activités autres que la production d'électricité)

  • Le rayonnement solaire horizontal moyen cumulé

  • Le volume du réservoir (fonction de la profondeur et de la surface)

  • Les modes d'utilisation des terres (y compris les niveaux de population) dans le bassin versant/la zone de réservoir avant et après la mise en eau, ainsi que la taille du bassin versant

  • D'autres facteurs tels que la teneur en carbone du sol (dans le réservoir) et d'autres caractéristiques biophysiques du bassin versant, notamment les caractéristiques de la faune et de la flore et la couverture végétale

Les interactions entre ces paramètres sont souvent complexes et impliquent des réponses non linéaires. Les émissions résultant de ces interactions sont en tant que telles difficiles à prévoir et à estimer avec précision.

Selon la méthode de déclassement utilisée, il peut y avoir des émissions secondaires provenant du puits de carbone qui sont créées lorsque le réservoir est asséché.

Les émissions de dioxyde de carbone (CO2), de méthane (CH4) et protoxyde d'azote (N2O) font partie des cycles biogéochimiques du carbone et de l'azote des masses d'eau dans les milieux naturels. Par conséquent, les émissions locales peuvent être modifiées dans les zones touchées par le développement de réservoirs utilisés pour l'hydroélectricité, la lutte contre les inondations, l'eau potable, l'irrigation, la navigation ou d'autres utilisations de l'eau[12].

Les émissions de GES des réservoirs proviennent généralement de :

  • La décomposition de la matière organique inondée par le réservoir et de la biomasse qui croît et entre dans le réservoir en tant qu'afflux au cours du cycle de vie. Les émissions liées aux terres inondées peuvent se produire par les voies suivantes après l'ennoiement : (1) diffusion moléculaire à travers l'interface air-eau (émissions diffuses) ; (2) bulles de CH4 provenant des sédiments (émissions de bulles) ; (3) émissions résultant du passage de l'eau à travers une turbine et/ou à travers le déversoir et la turbulence en aval (émissions de dégazage) ; et (4) émissions provenant de la décomposition de la biomasse en surface.

  • Activités de construction, d'exploitation et de démantèlement.

Les activités humaines dans le bassin versant ou le réservoir peuvent également influencer la qualité de l'eau et par conséquent l'accumulation des nutriments et des minéraux dans les masses d'eau et donc créer les conditions d'une formation accrue de méthane.

Dans les zones tropicales et subtropicales, les émissions de CH4 sont réduites au minimum en hiver et maximisées en été. La décomposition de la biomasse aérienne (c'est-à-dire la biomasse des arbres non submergés lors d'un ennoiement) peut être une source importante d'émissions.

Le niveau d'émissivité est généralement considéré comme relativement élevé pendant les premières années suivant l'ennoiement, jusqu'aux 10 à 20 premières années comme le montre le graphique ci-dessous représentant les émissions d'un barrage andin. Des études récentes suggèrent que les émissions de CO2 pendant les 10 premières années après l'ennoiement seraient le résultat de la décomposition de la matière organique dans le champ avant cet événement, tandis que les émissions de CO2 ultérieures proviendraient de la matière transférée dans la zone inondée[13].

Modèle type d'émissions des réservoirs [14].

Schéma d'émissions typique des réservoirs.png

Enfin, la question du changement climatique doit également être considérée comme une boucle rétroactive. Une augmentation de la température annuelle moyenne dans les régions tropicales et subtropicales, comme le prévoit la trajectoire de réchauffement de 1,5°C et de 2°C pour l'Afrique subsaharienne[15], pourrait entraîner une augmentation des émissions des réservoirs.

Calcul des émissions de GES

L'AIH, en collaboration avec l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), a mis au point un outil de calcul des émissions de GES en accès libre pour quantifier la part des émissions pouvant être attribuée à la création et à l'exploitation d'un réservoir hydroélectrique : l'outil G-Res[16]. L'utilisation de cet outil est recommandée par l'AIE, l'IAH, l'UNESCO et la Banque mondiale pour effectuer un tel calcul.

Cependant, comme l'outil G-Res n'est précis qu'en fonction des données qui y sont entrées, il est nécessaire de considérer l'approche à trois niveaux recommandée par le GIEC pour sélectionner les données utilisées pour calculer les émissions. Le niveau 1 est basé sur une estimation générale tirée des données secondaires. Le niveau 2 est basé sur des données régionales, tirées de sources bibliographiques secondaires, tandis que le niveau 3 est tiré directement de données primaires, collectées sur le terrain.

L'utilisation de l'outil G-Res est un processus relativement complexe. Tous les paramètres décrits ci-dessus sont pris en compte par l'outil en tant qu'entrées. La plupart doivent être saisis manuellement par l'utilisateur. Certains peuvent être calculés en utilisant la base de données de l'outil (le moteur terrestre). Pour d'autres, des valeurs standardisées provenant de la même base de données peuvent également être utilisées.

Comme le montre l'interface web de l'outil ci-dessous, celui-ci offre une solution complète pour calculer les émissions d'un barrage/réservoir sur une période de 100 ans. Les émissions naturelles et anthropiques du bassin versant, du réservoir, ainsi que celles produites pendant la phase de construction sont traitées pour donner une image complète des émissions de GES d'un projet, avec un niveau de confiance de 95%.

Les utilisateurs ont également la possibilité de comparer leurs résultats avec ceux de barrages/réservoirs équivalents. Les valeurs des facteurs d'émission sont normalisées mais peuvent être modifiées si nécessaire.

Pour obtenir une estimation précise, il est nécessaire de savoir avec précision comment entrer chaque paramètre dans l'outil et les données du champ.

Enfin, l'outil reste imprécis lorsqu'il s'agit de calculer les émissions d'installations hydroélectriques complexes, telles que les barrages en cascade.

Interface web de l'outil G-res

Interface web de l'outil G-res

Certifier les réductions d'émissions de l'hydroélectricité

Le coût de l'hydroélectricité peut être élevé mais reste globalement dans la fourchette des coûts des combustibles fossiles ou en dessous, comme le montre la figure ci-dessous. Dans de nombreux pays en développement, les investissements et l'environnement institutionnel peuvent rendre les projets d'infrastructure peu attrayants pour les investisseurs.

Une façon de faciliter et d'encourager les contributions de l'hydroélectricité aux objectifs mondiaux de réduction des émissions consiste à certifier et à monétiser les réductions d'émissions afin d'accroître leur profil d'investissement, notamment par un meilleur retour sur investissement et une réduction des risques.

Comparaison des coûts de production l'électricité de source renouvelable

Coût global nivelé de l'électricité produite à partir de technologies de production d'énergie renouvelable à l'échelle de l'entreprise.jpg

La certification carbone des réductions d'émissions provenant de l'hydroélectricité implique de commencer par identifier le standard et la méthodologie de calculs et de surveillance des réductions d'émissions les plus appropriés.

En raison des incertitudes liées aux niveaux d'émissions de l'hydroélectricité, le Conseil Exécutif du MDP a exclu les projets ayant une densité de puissance inférieure à 4 watts par m2 de surface de réservoir (ex : un très grand réservoir par rapport à la capacité installée) de l'éligibilité aux méthodes de calcul existantes. Pour des raisons similaires, les projets dont la capacité installée est supérieure à 15 MW (pour le Verified Carbon Standard - VCS) et à 20 MW (pour le GS4GG) peuvent ne pas être éligibles à la certification. Le graphique ci-dessous montre que plus la densité de puissance est faible (watt par m2 de réservoir), plus les émissions par unité d'électricité produite sont élevées, en particulier dans les zones tropicales et subtropicales.

Densité de puissance en fonction de l'intensité des émissions[17]

Densité de puissance vs intensité d'émission.png

Seuls les projets évitant des émissions et pour lesquels la vente de ces crédits d'émissions est indispensable à les rendre financièrement viables peuvent bénéficier de la finance carbone.

Comment HAMERKOP peut vous aider

HAMERKOP Climate Impacts a récemment accompli une mission pour le compte de l'Union Européenne et d'autres clients institutionnels pour évaluer les niveaux d'émissions et estimer le potentiel de réduction des émissions de plusieurs installations hydroélectriques en Afrique de l'Ouest.

Nous possédons l'expertise nécessaire afin d'aider les promoteurs potentiels à évaluer, estimer et déterminer les émissions de leurs projets hydroélectriques actuels et futurs.

Nous pouvons également évaluer la faisabilité de la certification de votre projet selon les standards de certification carbone afin de lui offrir la possibilité de bénéficier de toute sa valeur économique, en permettant la vente de crédits carbone sur les marchés volontaires ou réglementés.

Dans le cadre de l'accord de Paris, les mécanismes de coopération internationale prévus à l'article 6 pourraient vous aider à bénéficier d'un financement international et nous pouvons vous aider à évaluer et à mettre en place une stratégie pour y parvenir.

SOURCES

[1] IHA (2019) Rapport sur l'état de l'hydroélectricité : https://www.hydropower.org/statusreport

[2] Émissions des réservoirs des fleuves internationaux (2019) : https://www.internationalrivers.org/campaigns/reservoir-emissions

[3] CIA (2017) The World Factbook. Électricité, la capacité de production installée est la capacité totale des générateurs actuellement installés : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/rankorder/2236rank.html

[4] IHA (2019) Rapport sur l'état de l'hydroélectricité : https://www.hydropower.org/statusreport

[5] IHA (2015). Objectifs de développement durable : quelle est la place de l'hydroélectricité ? https://www.hydropower.org/blog/sustainable-development-goals-how-does-hydropower-fit-in

[6] IHA (2019). Rapport sur l'état de l'hydroélectricité : Tendances et perspectives du secteur : https://www.hydropower.org/sites/default/files/publications-docs/2019_hydropower_status_report_0.pdf

[7] AIE (2019) Pouvoir de suivi : https://www.iea.org/fuels-and-technologies/hydropower

Le scénario de développement durable (SDD) de l'AIE décrit une transformation majeure du système énergétique mondial, en montrant comment le monde peut changer de cap pour atteindre simultanément les trois principaux SDG liés à l'énergie, d'ici 2050 (SDG 7, SDG 3 et SDG 13). La SDD maintient l'augmentation de la température à moins de 1,8°C avec une probabilité de 66% sans dépendre des émissions globales nettes négatives de CO2 ; cela équivaut à limiter l'augmentation de la température à 1,65°C avec une probabilité de 50%. AIE (2019) SDD : https://www.iea.org/reports/world-energy-model/sustainable-development-scenario

9] IGES (2020) IGES CDM Project Database : https://www.iges.or.jp/en/pub/iges-cdm-project-database/en

10] IHA (2019) Hydropower Status Report : Tendances et perspectives du secteur : https://www.hydropower.org/sites/default/files/publications-docs/2019_hydropower_status_report_0.pdf

[11] Sherer, L., Pfister, S., (2016). L'empreinte carbone biogénique de l'hydroélectricité. PLOS ONE., 11(9). P. 11 : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0161947.

12] AIE (2018) Annexe XII sur l'hydroélectricité : Lignes directrices pour l'analyse quantitative des émissions nettes de GES provenant des réservoirs - Volume 3 : Gestion, atténuation et allocation.

[13] IPCC (2019). IPCC Good Practice Guidance for LULUCF 3.285 ; Chapitre 3 : LUCF Sector Good Practice Guidance

(14) Forsberg BR, Melack JM, Dunne T, Barthem RB, Goulding M, Paiva RCD, et al. (2017) The potential impact of new Andean dams on Amazon fluvial ecosystems. PLoS ONE 12(8) : e0182254. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0182254

[15] IPCC (2019). IPCC Good Practice Guidance for LULUCF 3.285 ; Chapitre 3 : LUCF Sector Good Practice Guidance

[16] Projet de recherche UNESCO/IHA sur l'état des GES des réservoirs d'eau douce (2017). Documentation technique sur l'outil de gestion des réservoirs de GES (G-res).

[17] IHA (2018). Une étude montre l'empreinte des gaz à effet de serre de l'hydroélectricité : https://www.hydropower.org/news/study-shows-hydropower's-carbon-footprint

 
Olivier Levallois
Les 4 enseignements du 1er rapport du Haut Conseil sur le changement climatique (France)
 
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Dans cet article, j'explore le premier rapport du Haut Conseil pour le Climat français publié le 17 juin 2019

Le Haut Conseil pour le Climat est un organe indépendant créé par le décret du 14 mai 2019 pour émettre des avis et recommandations sur la mise en œuvre des politiques et mesures publiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France, conformément à ses engagements internationaux, notamment l'accord de Paris et la réalisation de la neutralité carbone d'ici 2050. Il est présidé par Corinne Le Quéré, climatologue franco-canadienne, et composé de dix membres choisis pour leur expertise dans les domaines de la climatologie, de l'économie, de l'agronomie et de la transition énergétique.

Point n°1 - Toutes les revendications de neutralité carbone ne se valent pas

Malgré la résistance politique de certains partis, les gouvernements s'engagent à la neutralité carbone de leur pays à différents horizons (Norvège en 2030 ; Suède en 2045 ; France, Royaume-Uni et Nouvelle-Zélande en 2050), mais ces engagements peuvent avoir des significations extrêmement différentes pour chacun d'entre eux.

Tout le monde doit pouvoir contrôler ces engagements et s'assurer que l'écart entre "ce que ceux-ci semblent être" et "ce qu'ils sont réellement" n'est pas trop important.

Les facteurs qui influencent cette situation :

✔️ Champ d'inclusion des émissions de gaz à effet de serre (CO2 vs CO2 CH4 N2O)

✔️ Portée des émissions (ex: inclusion du transport international - vols et maritime) et des importations (ex: carbone incorporé des produits consommés dans un pays)

✔️ Utilisation de crédits internationaux (c'est-à-dire possibilité d'externaliser les réductions d'émissions)

Le rapport récemment publié est utile à cet égard.

Point n°2 - Une taxation carbone à la frontière peut être utilisée pour éviter le dumping environnemental

Selon le premier rapport du Haut Conseil pour le Climat, l'empreinte carbone des Français a diminué de 20% depuis 1995.

Même si les émissions nationales ont diminué de 20%, les émissions liées aux importations ont doublé depuis 1995 et continuent d'augmenter. 🚛

🥐 En 2015, l'empreinte carbone d'un Français était de 11 tCO2e, dont 6,6 t CO2e sur le territoire national et 4,4 % à l'étranger.

Dans ce contexte, les propositions de réglementation de la taxe carbone aux frontières ont un sens : éviter le dumping environnemental ! D'où le tollé environnemental suscité par l'accord de libre-échange avec le Mercosur.

 

Point n°3 - En France, le financement des activités nuisibles au climat est resté supérieur à celui des activités respectueuses du climat. Il faut toujours considérer un montant en perspective d'un autre

En 2018, les investissements nuisibles au climat étaient presque deux fois plus élevés que les investissements respectueux du climat.

👎 Alors que les "investissements climats" (publics et privés) ont augmenté au cours de la période du premier budget carbone (2015-2018) pour atteindre 41,4 milliards d'euros en 2018, les investissements nuisibles au climat ont atteint 75 milliards d'euros (en 2017), stagnant ces dernières années.

Investissements positifs : bâtiments (20,7 milliards d'euros), transports (12,7 milliards d'euros), énergie (6,7 milliards d'euros), industrie (1 milliard d'euros) et agriculture (0,4 milliard d'euros).

Investissements négatifs : principalement liés à l'achat de véhicules fonctionnant aux combustibles fossiles.

Selon l'OCDE, les subventions aux énergies fossiles en France ont plus que doublé en 10 ans, passant de moins de 3 milliards d'euros en 2007 à 6 milliards d'euros en 2017.

Point n°4 - La dimension sociale du changement climatique est au moins aussi importante que la dimension scientifique

Les défis à relever sont ceux des ressources, de l'égalité sociale et de l'éducation :

✔️ Une mauvaise gestion de la transition vers une économie à faible intensité de carbone pénalisera les ménages à faibles revenus, ce qui entraînera des protestations et des actions improductives (ex : une taxe carbone pénalisera les propriétaires de systèmes de chauffage à combustibles fossiles). Le mouvement des gilets jaunes a illustré ceci en couleurs ;

✔️ La dimension sociale est beaucoup plus difficile à suivre et très peu d'indicateurs sont suivis ;

✔️ En France, 23% des gens ne croient pas que le changement climatique soit réel ; 36% des 18-24 ans ;

✔️ En France, 12% des 18-24 ans ne sont pas prêts à faire des efforts pour éviter que le changement climatique ne s'aggrave ;

✔️ Comme l'atténuation n'a pas été suffisamment ambitieuse, l'adaptation au changement climatique (mesures prises pour gérer les effets du changement en réduisant la vulnérabilité et l'exposition à ses effets néfastes) doit être intégrée aux politiques.

 

Rapport : Agir en cohérence avec les ambitions, Haut Comité pour le Climat, 2019.

Lien : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/hcc_rapport_annuel_2019.pdf

 
Financer la résilience climatique, le défi caché
 
Résilience climatique.jpg
 
 

Le changement climatique étant appelé à avoir de nombreux impacts physiques sur notre monde, il est important de garantir la résilience au niveau national, des entreprises et des individus. La résilience climatique a été identifiée comme le principal enjeu lors de la table ronde régionale pour l'Afrique et le Moyen-Orient de l'Initiative de financement du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE FI) de 2019.

La résilience est définie comme "la capacité à se remettre rapidement d'une difficulté". Le changement climatique nous confronte à d'innombrables difficultés, certaines déjà présentes et d'autres, plus difficiles à prévoir, qui apparaîtront et continueront de s'aggraver à mesure que les températures moyennes mondiales augmenteront à l'avenir.

Avec 90 000 milliards de dollars d'investissements dans des projets climatiques nécessaires d'ici 2030[1], c'est maintenant plus que jamais qu'il faut développer la résilience financière et investir dans des infrastructures résilientes.

Pendant notre séjour au Caire, nous avons assisté à cet événement, un petit monde où les thématiques des professionnels du changement climatique et de celles de la finance se chevauchent. Ce billet résume les principaux sujets de discussion et questions concernant les outils et solutions actuellement à la disposition du secteur public et privé pour renforcer la résilience climatique à différents niveaux.

Planification d'une infrastructure résiliente

Les investissements financiers dans les infrastructures des marchés émergents sont appelés à jouer un rôle crucial dans le renforcement de la résilience, car les infrastructures sont conçues pour durer des décennies. On dit que si les infrastructures doivent suivre le développement économique, 3,3 milliards de dollars[2] d'investissements seront nécessaires chaque année. Cela signifie donc qu'un partenariat entre les gouvernements et les entreprises privées doit avoir lieu pour répartir non seulement les coûts mais aussi les risques. Si elles sont planifiées et mises en œuvre correctement, de nouvelles infrastructures peuvent être construites pour résister aux changements futurs du climat mondial. Toutefois, il est essentiel que cela se fasse en se concentrant sur ce que ces changements climatiques impliqueront et seront, par opposition à la modélisation et à l'analyse de données historiques pour prévoir l'avenir lors de la planification de nouvelles infrastructures et de l'évaluation de l'impact sur les infrastructures existantes.

L'analyse des inondations à Paris effectuée par l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) a révélé que jusqu'à 55% des dommages directs causés par les inondations impacterait le secteur des infrastructures[3]. Si le climat et les inondations futurs avaient été modélisés, l'impact des inondations aurait pu être anticipé et réduit. Il faut donc mettre en place à la fois une modernisation et une planification future des nouvelles infrastructures afin de minimiser les impacts du changement climatique sur la société, en renforçant la résilience des communautés, des entreprises et des pays.

Un autre exemple pourrait s'appliquer aux nouveaux développements de logements construits dans les plaines inondables. Ceux-ci devraient comprendre des zones tampons pour atténuer les changements du débit d'eau futur et s'y adapter. L'ajout de végétation, d'étangs naturels et de petites collines peut absorber l'énergie des raz-de-marée, réduire la quantité d'eau atteignant les infrastructures et donc réduire l'impact sur la zone. C'est un bonus supplémentaire qui ajoute également une valeur esthétique ! De plus, la modélisation du climat futur augmente la longévité de l'infrastructure. Par exemple, lors de la construction d'un barrage, les données historiques sur le débit des rivières sont utilisées alors qu'il faudrait en fait analyser le débit futur de l'eau, car le changement climatique aura un impact sur les quantités d'eau qui atteindront le barrage.

Bien que ces suggestions puissent nécessiter un travail supplémentaire en raison de la complexité de la modélisation climatique, de la collecte et interprétation des données, de la planification des infrastructures et des besoins en espace, elles ne doivent pas être ignorées. Les systèmes d'infrastructure actuels ont été construits sur une période de plusieurs décennies et n'ont été conçus ni pour les développements technologiques actuels et futurs, ni pour les changements climatiques. En raison des limitations potentielles que cela peut avoir sur les sociétés futures, l'analyse des scénarios climatiques doit être effectuée et bien comprise avant la mise en œuvre de la conception.

Renforcer la résilience des marchés financiers

Compte tenu de l'ampleur des investissements nécessaires, le secteur financier doit être de la partie. Les banques et les investisseurs poursuivant une stratégie différente seront exposés à un risque de défaillance important et systémique. Selon William Martindale de Principles on Responsible Investment, il existe actuellement environ 400 textes législatifs et initiatives liés au changement climatique pour le secteur financier dans le monde, dont 50% ont été mis en œuvre au cours des trois dernières années. Voici un petit nombre d'initiatives établies et émergentes qui ont le potentiel d'avoir un impact significatif au fil du temps :

  • Le Principles on Responsible Investment (PRI) : afin que les investisseurs puissent rendre compte de manière globale, suivre et prendre en compte les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) de leurs investissements. Soutenus par l'ONU, PRI demandent aux signataires d'intégrer, de divulguer et de travailler activement à la réduction de tout problème ESG rencontré par les investissements réalisés. Ce faisant, il est attendu que le marché renforcera sa résilience et que la connaissance des consommateurs sur les risques auxquels sont confrontés les différents secteurs dans lesquels les investissements peuvent être réalisés.

  • Le Principles for Responsible Banking : en cours d'élaboration au moment de la rédaction de ce post, 26 grandes banques représentant 16 000 milliards de dollars d'actifs redéfinissent l'objectif et le modèle d'affaire des banques afin d'aligner le secteur sur les objectifs de développement durable de l'ONU (ODD) et l'accord de Paris sur le climat. Ces principes devraient orienter les efforts des banques pour s'aligner sur les objectifs sociétaux (ODD, accord de Paris, cadres nationaux et régionaux) en fixant des objectifs, en rendant compte de leur contribution aux objectifs, en assurant la responsabilité et la transparence de leurs impacts et en mettant le secteur bancaire au défi de jouer un rôle de premier plan dans la création d'un avenir plus durable.

  • Le Sustainable Stock Exchange Initiative (SSEI) : lancée en 2009 et soutenu par une série d'agences de l'ONU, l'organisation internationale des commissions de valeurs et d'autres. Le SSEI vise à favoriser la disponibilité d'opportunités d'investissement durables et résilientes aux changements climatiques. Elle le fait notamment par l'intermédiaire de forums qui soutiennent les activités des bourses en matière de durabilité et rassemblent les acteurs du marché des capitaux afin d'identifier, de discuter et de prendre des mesures collectives sur des questions communes de durabilité pertinentes pour leur région ou au niveau mondial.

  • Le Sustainable Banking Network (SBN) : coordonnée par l'International Finance Corporation, le SBN est une communauté d'agences de régulation du secteur financier et d'associations bancaires des marchés émergents qui s'engagent à faire progresser la finance durable conformément aux bonnes pratiques internationales. Lancé en 2012, le SBN facilite l'apprentissage collectif des membres et les soutient dans l'élaboration de politiques et d'initiatives connexes afin de créer des moteurs pour la finance durable dans leur pays d'origine. Il promeut 3 piliers : la gestion des risques environnementaux et sociaux, les produits et services financiers verts et l'éco-efficacité.

Toutefois, la plupart de ces initiatives sont des mécanismes volontaires qui ne se sont pas toujours avérés suffisamment incitatifs pour être pleinement adoptés ou pour déclencher un changement à grande échelle. Si la sensibilisation est essentielle pour amener le marché à amorcer un changement, les décideurs politiques ont un rôle central à jouer pour s'assurer que l'ensemble du marché se met au diapason. Il convient de mieux justifier les "investissements durables". Le président de l'autorité égyptienne de régulation financière, le Dr Mohammed Omran, a par exemple mentionné que l'indice ESG en Égypte a été, au cours des six dernières années, l'indice le plus performant de la bourse. Si c'était vraiment le cas, nous devrions bientôt assister à une poussée des investisseurs vers les investissements durables.

Une intégration profonde des spécialistes de l'environnement et des investissements est nécessaire pour aligner les investissements, le changement climatique, l'atténuation, l'adaptation et la résilience climatique. Cela permettra de poursuivre le développement d'instruments à faible émission de carbone et résistants au climat au niveau international.

Les investissements durables et la nécessité d'une expertise complémentaire

De nombreuses entreprises proposent des trackers "verts" ou "durables" parmi lesquels vous pouvez choisir. Toutefois, l'absence de définition homogène des investissements durables signifie qu'il n'existe pas de consensus de marché sur ce qu'est un investissement à faible intensité de carbone ou à l'épreuve du climat. En outre, les attributs "vert" ou "durable" sont souvent utilisés pour les investissements à faible intensité de carbone plutôt que pour les investissements résistants aux changements climatiques. Il existe également le risque que les investissements existants fassent l'objet de 'greenwashing', c'est-à-dire qu'ils paraissent plus durables qu'ils ne le sont, ce qui détourne les fonds d'activités plus intègres. La collaboration et l'intégration d'experts financiers, environnementaux et sociaux sont nécessaires pour garantir que le marché devienne plus résilient et plus cohérent.

Pour que les investissements à faible intensité carbone et en faveur de la résilience au changement climatique se développent de manière efficace, des changements systémiques du marché doivent avoir lieu. Avec les investissements nécessaires pour atteindre les ODD et pour suivre le développement économique, les investissements des entreprises doivent aller de pair avec les investissements publics. Cela permettrait de répartir non seulement les coûts mais aussi les risques encourus - aucun d'entre eux ne peut financer ces investissements seul. Même si cela nécessitera du travail, une collaboration et de nombreux experts, il est nécessaire qu'il y ait des partenariats public-privé pour que les futurs projets soient résistants au changement climatique.

Bien qu'elles servent actuellement à des investissements à faible intensité carbone plutôt qu'à des investissements résistants aux changements climatiques, les obligations vertes ('green bonds') sont l'une des solutions du secteur privé qui peuvent contribuer à une croissance durable et à la résilience. Il s'agit de prêts qui financent uniquement des projets durables et respectueux de l'environnement. En 2018, le montant investi dans les obligations vertes a été le plus élevé jamais vu, avec un record de 389 milliards de dollars[4] prêtés. Néanmoins, les obligations vertes ont été lentes à décoller dans les pays en développement en raison de l'absence de catégories d'actifs clairement définies, de normes de marché et de transactions sûres.

Le mécanisme 'Adaptation Benefit Mechanism' est l'un des instruments en cours d'élaboration par la Banque africaine de développement pour encourager les investissements basés sur les résultats dans l'adaptation et pourrait jouer un rôle important dans la réalisation des objectifs d'adaptation de l'accord de Paris. Par exemple, un développeur de projet pourrait être payé 50 euros par agriculteur qu'il rend résilient aux changements climatiques. Le paiement serait effectué par les investisseurs (ex : un négociant en denrée agricole) une fois qu'il a été démontré qu'il a réussi.

Résilience pour les pauvres - le rôle de FinTech

Dans les pays en développement, la technologie financière ("FinTech") a le potentiel d'agir comme un couloir vers un développement durable et résilient pour les particuliers, les entreprises et les organismes gouvernementaux.

Les FinTech peuvent faciliter l'accès aux finances et aux informations financières. Par exemple, les services bancaires en ligne via un appareil mobile peuvent libérer du temps qui était auparavant consacré à faire la queue à la banque, augmentant ainsi le temps disponible pour des activités génératrices d'économie, des soins sociaux ou l'éducation. Cela peut donc renforcer et promouvoir la résilience climatique des individus.

Cela fonctionne également pour les entreprises et les gouvernements, car les technologies innovantes telles que la blockchain peuvent traiter et gérer des transactions multinationales complexes sur une plateforme sécurisée et auditée. Cela peut faciliter les solutions de financement pour les projets d'infrastructure, les obligations vertes et d'autres instruments financiers nécessaires pour combler le déficit de financement de la résilience climatique.

Ce développement nécessite des innovations de la part des secteurs de la technologie et de la finance, ainsi qu'une collaboration entre ces deux secteurs pour créer de nouveaux produits capables de résoudre les problèmes futurs générés par le changement climatique.

Afin de se développer durablement, d'atténuer le changement climatique et de s'y adapter, des ressources financières et des infrastructures physiques sont nécessaires au-delà de ce que les gouvernements peuvent fournir seuls. Nous devons donc voir un partenariat entre les secteurs public et privé pour équilibrer les coûts et les risques ainsi que pour développer les économies de manière durable.

Identifier les problèmes de résilience de l'entreprise par le biais de l'analyse des risques peut être un moyen de prendre une mesure active pour réduire les pressions du changement climatique sur votre entreprise. Il existe plusieurs paramètres de reporting volontaire qui demandent aux entreprises de divulguer ces risques, publiquement ou en privé, comme le Climate Disclosure Project (CDP) et le Dow Jones Sustainability Index (DJSI). Un cadre qui deviendra bientôt obligatoire est celui de la Task Force on Climate-Related Financial Disclosure (TCFD), qui fournit une méthodologie de reporting. Celle-ci peut être utilisée pour faciliter la compréhension et le calcul des risques posés par le changement climatique et la résilience de votre entreprise.

[1] https://www.climatebonds.net/cbi/pub/data/bonds

[2] UNEP FI 2019

[3] http://www.oecd.org/environment/cc/policy-perspectives-climate-resilient-infrastructure.pdf

[4] https://www.climatebonds.net/files/reports/cbi_sotm_2018_final_01k-web.pdf