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Financer la résilience climatique, le défi caché
 
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Le changement climatique étant appelé à avoir de nombreux impacts physiques sur notre monde, il est important de garantir la résilience au niveau national, des entreprises et des individus. La résilience climatique a été identifiée comme le principal enjeu lors de la table ronde régionale pour l'Afrique et le Moyen-Orient de l'Initiative de financement du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE FI) de 2019.

La résilience est définie comme "la capacité à se remettre rapidement d'une difficulté". Le changement climatique nous confronte à d'innombrables difficultés, certaines déjà présentes et d'autres, plus difficiles à prévoir, qui apparaîtront et continueront de s'aggraver à mesure que les températures moyennes mondiales augmenteront à l'avenir.

Avec 90 000 milliards de dollars d'investissements dans des projets climatiques nécessaires d'ici 2030[1], c'est maintenant plus que jamais qu'il faut développer la résilience financière et investir dans des infrastructures résilientes.

Pendant notre séjour au Caire, nous avons assisté à cet événement, un petit monde où les thématiques des professionnels du changement climatique et de celles de la finance se chevauchent. Ce billet résume les principaux sujets de discussion et questions concernant les outils et solutions actuellement à la disposition du secteur public et privé pour renforcer la résilience climatique à différents niveaux.

Planification d'une infrastructure résiliente

Les investissements financiers dans les infrastructures des marchés émergents sont appelés à jouer un rôle crucial dans le renforcement de la résilience, car les infrastructures sont conçues pour durer des décennies. On dit que si les infrastructures doivent suivre le développement économique, 3,3 milliards de dollars[2] d'investissements seront nécessaires chaque année. Cela signifie donc qu'un partenariat entre les gouvernements et les entreprises privées doit avoir lieu pour répartir non seulement les coûts mais aussi les risques. Si elles sont planifiées et mises en œuvre correctement, de nouvelles infrastructures peuvent être construites pour résister aux changements futurs du climat mondial. Toutefois, il est essentiel que cela se fasse en se concentrant sur ce que ces changements climatiques impliqueront et seront, par opposition à la modélisation et à l'analyse de données historiques pour prévoir l'avenir lors de la planification de nouvelles infrastructures et de l'évaluation de l'impact sur les infrastructures existantes.

L'analyse des inondations à Paris effectuée par l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) a révélé que jusqu'à 55% des dommages directs causés par les inondations impacterait le secteur des infrastructures[3]. Si le climat et les inondations futurs avaient été modélisés, l'impact des inondations aurait pu être anticipé et réduit. Il faut donc mettre en place à la fois une modernisation et une planification future des nouvelles infrastructures afin de minimiser les impacts du changement climatique sur la société, en renforçant la résilience des communautés, des entreprises et des pays.

Un autre exemple pourrait s'appliquer aux nouveaux développements de logements construits dans les plaines inondables. Ceux-ci devraient comprendre des zones tampons pour atténuer les changements du débit d'eau futur et s'y adapter. L'ajout de végétation, d'étangs naturels et de petites collines peut absorber l'énergie des raz-de-marée, réduire la quantité d'eau atteignant les infrastructures et donc réduire l'impact sur la zone. C'est un bonus supplémentaire qui ajoute également une valeur esthétique ! De plus, la modélisation du climat futur augmente la longévité de l'infrastructure. Par exemple, lors de la construction d'un barrage, les données historiques sur le débit des rivières sont utilisées alors qu'il faudrait en fait analyser le débit futur de l'eau, car le changement climatique aura un impact sur les quantités d'eau qui atteindront le barrage.

Bien que ces suggestions puissent nécessiter un travail supplémentaire en raison de la complexité de la modélisation climatique, de la collecte et interprétation des données, de la planification des infrastructures et des besoins en espace, elles ne doivent pas être ignorées. Les systèmes d'infrastructure actuels ont été construits sur une période de plusieurs décennies et n'ont été conçus ni pour les développements technologiques actuels et futurs, ni pour les changements climatiques. En raison des limitations potentielles que cela peut avoir sur les sociétés futures, l'analyse des scénarios climatiques doit être effectuée et bien comprise avant la mise en œuvre de la conception.

Renforcer la résilience des marchés financiers

Compte tenu de l'ampleur des investissements nécessaires, le secteur financier doit être de la partie. Les banques et les investisseurs poursuivant une stratégie différente seront exposés à un risque de défaillance important et systémique. Selon William Martindale de Principles on Responsible Investment, il existe actuellement environ 400 textes législatifs et initiatives liés au changement climatique pour le secteur financier dans le monde, dont 50% ont été mis en œuvre au cours des trois dernières années. Voici un petit nombre d'initiatives établies et émergentes qui ont le potentiel d'avoir un impact significatif au fil du temps :

  • Le Principles on Responsible Investment (PRI) : afin que les investisseurs puissent rendre compte de manière globale, suivre et prendre en compte les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) de leurs investissements. Soutenus par l'ONU, PRI demandent aux signataires d'intégrer, de divulguer et de travailler activement à la réduction de tout problème ESG rencontré par les investissements réalisés. Ce faisant, il est attendu que le marché renforcera sa résilience et que la connaissance des consommateurs sur les risques auxquels sont confrontés les différents secteurs dans lesquels les investissements peuvent être réalisés.

  • Le Principles for Responsible Banking : en cours d'élaboration au moment de la rédaction de ce post, 26 grandes banques représentant 16 000 milliards de dollars d'actifs redéfinissent l'objectif et le modèle d'affaire des banques afin d'aligner le secteur sur les objectifs de développement durable de l'ONU (ODD) et l'accord de Paris sur le climat. Ces principes devraient orienter les efforts des banques pour s'aligner sur les objectifs sociétaux (ODD, accord de Paris, cadres nationaux et régionaux) en fixant des objectifs, en rendant compte de leur contribution aux objectifs, en assurant la responsabilité et la transparence de leurs impacts et en mettant le secteur bancaire au défi de jouer un rôle de premier plan dans la création d'un avenir plus durable.

  • Le Sustainable Stock Exchange Initiative (SSEI) : lancée en 2009 et soutenu par une série d'agences de l'ONU, l'organisation internationale des commissions de valeurs et d'autres. Le SSEI vise à favoriser la disponibilité d'opportunités d'investissement durables et résilientes aux changements climatiques. Elle le fait notamment par l'intermédiaire de forums qui soutiennent les activités des bourses en matière de durabilité et rassemblent les acteurs du marché des capitaux afin d'identifier, de discuter et de prendre des mesures collectives sur des questions communes de durabilité pertinentes pour leur région ou au niveau mondial.

  • Le Sustainable Banking Network (SBN) : coordonnée par l'International Finance Corporation, le SBN est une communauté d'agences de régulation du secteur financier et d'associations bancaires des marchés émergents qui s'engagent à faire progresser la finance durable conformément aux bonnes pratiques internationales. Lancé en 2012, le SBN facilite l'apprentissage collectif des membres et les soutient dans l'élaboration de politiques et d'initiatives connexes afin de créer des moteurs pour la finance durable dans leur pays d'origine. Il promeut 3 piliers : la gestion des risques environnementaux et sociaux, les produits et services financiers verts et l'éco-efficacité.

Toutefois, la plupart de ces initiatives sont des mécanismes volontaires qui ne se sont pas toujours avérés suffisamment incitatifs pour être pleinement adoptés ou pour déclencher un changement à grande échelle. Si la sensibilisation est essentielle pour amener le marché à amorcer un changement, les décideurs politiques ont un rôle central à jouer pour s'assurer que l'ensemble du marché se met au diapason. Il convient de mieux justifier les "investissements durables". Le président de l'autorité égyptienne de régulation financière, le Dr Mohammed Omran, a par exemple mentionné que l'indice ESG en Égypte a été, au cours des six dernières années, l'indice le plus performant de la bourse. Si c'était vraiment le cas, nous devrions bientôt assister à une poussée des investisseurs vers les investissements durables.

Une intégration profonde des spécialistes de l'environnement et des investissements est nécessaire pour aligner les investissements, le changement climatique, l'atténuation, l'adaptation et la résilience climatique. Cela permettra de poursuivre le développement d'instruments à faible émission de carbone et résistants au climat au niveau international.

Les investissements durables et la nécessité d'une expertise complémentaire

De nombreuses entreprises proposent des trackers "verts" ou "durables" parmi lesquels vous pouvez choisir. Toutefois, l'absence de définition homogène des investissements durables signifie qu'il n'existe pas de consensus de marché sur ce qu'est un investissement à faible intensité de carbone ou à l'épreuve du climat. En outre, les attributs "vert" ou "durable" sont souvent utilisés pour les investissements à faible intensité de carbone plutôt que pour les investissements résistants aux changements climatiques. Il existe également le risque que les investissements existants fassent l'objet de 'greenwashing', c'est-à-dire qu'ils paraissent plus durables qu'ils ne le sont, ce qui détourne les fonds d'activités plus intègres. La collaboration et l'intégration d'experts financiers, environnementaux et sociaux sont nécessaires pour garantir que le marché devienne plus résilient et plus cohérent.

Pour que les investissements à faible intensité carbone et en faveur de la résilience au changement climatique se développent de manière efficace, des changements systémiques du marché doivent avoir lieu. Avec les investissements nécessaires pour atteindre les ODD et pour suivre le développement économique, les investissements des entreprises doivent aller de pair avec les investissements publics. Cela permettrait de répartir non seulement les coûts mais aussi les risques encourus - aucun d'entre eux ne peut financer ces investissements seul. Même si cela nécessitera du travail, une collaboration et de nombreux experts, il est nécessaire qu'il y ait des partenariats public-privé pour que les futurs projets soient résistants au changement climatique.

Bien qu'elles servent actuellement à des investissements à faible intensité carbone plutôt qu'à des investissements résistants aux changements climatiques, les obligations vertes ('green bonds') sont l'une des solutions du secteur privé qui peuvent contribuer à une croissance durable et à la résilience. Il s'agit de prêts qui financent uniquement des projets durables et respectueux de l'environnement. En 2018, le montant investi dans les obligations vertes a été le plus élevé jamais vu, avec un record de 389 milliards de dollars[4] prêtés. Néanmoins, les obligations vertes ont été lentes à décoller dans les pays en développement en raison de l'absence de catégories d'actifs clairement définies, de normes de marché et de transactions sûres.

Le mécanisme 'Adaptation Benefit Mechanism' est l'un des instruments en cours d'élaboration par la Banque africaine de développement pour encourager les investissements basés sur les résultats dans l'adaptation et pourrait jouer un rôle important dans la réalisation des objectifs d'adaptation de l'accord de Paris. Par exemple, un développeur de projet pourrait être payé 50 euros par agriculteur qu'il rend résilient aux changements climatiques. Le paiement serait effectué par les investisseurs (ex : un négociant en denrée agricole) une fois qu'il a été démontré qu'il a réussi.

Résilience pour les pauvres - le rôle de FinTech

Dans les pays en développement, la technologie financière ("FinTech") a le potentiel d'agir comme un couloir vers un développement durable et résilient pour les particuliers, les entreprises et les organismes gouvernementaux.

Les FinTech peuvent faciliter l'accès aux finances et aux informations financières. Par exemple, les services bancaires en ligne via un appareil mobile peuvent libérer du temps qui était auparavant consacré à faire la queue à la banque, augmentant ainsi le temps disponible pour des activités génératrices d'économie, des soins sociaux ou l'éducation. Cela peut donc renforcer et promouvoir la résilience climatique des individus.

Cela fonctionne également pour les entreprises et les gouvernements, car les technologies innovantes telles que la blockchain peuvent traiter et gérer des transactions multinationales complexes sur une plateforme sécurisée et auditée. Cela peut faciliter les solutions de financement pour les projets d'infrastructure, les obligations vertes et d'autres instruments financiers nécessaires pour combler le déficit de financement de la résilience climatique.

Ce développement nécessite des innovations de la part des secteurs de la technologie et de la finance, ainsi qu'une collaboration entre ces deux secteurs pour créer de nouveaux produits capables de résoudre les problèmes futurs générés par le changement climatique.

Afin de se développer durablement, d'atténuer le changement climatique et de s'y adapter, des ressources financières et des infrastructures physiques sont nécessaires au-delà de ce que les gouvernements peuvent fournir seuls. Nous devons donc voir un partenariat entre les secteurs public et privé pour équilibrer les coûts et les risques ainsi que pour développer les économies de manière durable.

Identifier les problèmes de résilience de l'entreprise par le biais de l'analyse des risques peut être un moyen de prendre une mesure active pour réduire les pressions du changement climatique sur votre entreprise. Il existe plusieurs paramètres de reporting volontaire qui demandent aux entreprises de divulguer ces risques, publiquement ou en privé, comme le Climate Disclosure Project (CDP) et le Dow Jones Sustainability Index (DJSI). Un cadre qui deviendra bientôt obligatoire est celui de la Task Force on Climate-Related Financial Disclosure (TCFD), qui fournit une méthodologie de reporting. Celle-ci peut être utilisée pour faciliter la compréhension et le calcul des risques posés par le changement climatique et la résilience de votre entreprise.

[1] https://www.climatebonds.net/cbi/pub/data/bonds

[2] UNEP FI 2019

[3] http://www.oecd.org/environment/cc/policy-perspectives-climate-resilient-infrastructure.pdf

[4] https://www.climatebonds.net/files/reports/cbi_sotm_2018_final_01k-web.pdf