Les 4 enseignements du 1er rapport du Haut Conseil pour le Climat en France

 
ClimateMarch.jpg
 
 

Dans cet article, j'explore le premier rapport du Haut Conseil pour le Climat français publié le 17 juin 2019

Le Haut Conseil pour le Climat est un organe indépendant créé par le décret du 14 mai 2019 pour émettre des avis et recommandations sur la mise en œuvre des politiques et mesures publiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France, conformément à ses engagements internationaux, notamment l'accord de Paris et la réalisation de la neutralité carbone d'ici 2050. Il est présidé par Corinne Le Quéré, climatologue franco-canadienne, et composé de dix membres choisis pour leur expertise dans les domaines de la climatologie, de l'économie, de l'agronomie et de la transition énergétique.

Point n°1 - Toutes les revendications de neutralité carbone ne se valent pas

Malgré la résistance politique de certains partis, les gouvernements s'engagent à la neutralité carbone de leur pays à différents horizons (Norvège en 2030 ; Suède en 2045 ; France, Royaume-Uni et Nouvelle-Zélande en 2050), mais ces engagements peuvent avoir des significations extrêmement différentes pour chacun d'entre eux.

Tout le monde doit pouvoir contrôler ces engagements et s'assurer que l'écart entre "ce que ceux-ci semblent être" et "ce qu'ils sont réellement" n'est pas trop important.

Les facteurs qui influencent cette situation :

✔️ Champ d'inclusion des émissions de gaz à effet de serre (CO2 vs CO2 CH4 N2O)

✔️ Portée des émissions (ex: inclusion du transport international - vols et maritime) et des importations (ex: carbone incorporé des produits consommés dans un pays)

✔️ Utilisation de crédits internationaux (c'est-à-dire possibilité d'externaliser les réductions d'émissions)

Le rapport récemment publié est utile à cet égard.

Point n°2 - Une taxation carbone à la frontière peut être utilisée pour éviter le dumping environnemental

Selon le premier rapport du Haut Conseil pour le Climat, l'empreinte carbone des Français a diminué de 20% depuis 1995.

Même si les émissions nationales ont diminué de 20%, les émissions liées aux importations ont doublé depuis 1995 et continuent d'augmenter. 🚛

🥐 En 2015, l'empreinte carbone d'un Français était de 11 tCO2e, dont 6,6 t CO2e sur le territoire national et 4,4 % à l'étranger.

Dans ce contexte, les propositions de réglementation de la taxe carbone aux frontières ont un sens : éviter le dumping environnemental ! D'où le tollé environnemental suscité par l'accord de libre-échange avec le Mercosur.

 

Point n°3 - En France, le financement des activités nuisibles au climat est resté supérieur à celui des activités respectueuses du climat. Il faut toujours considérer un montant en perspective d'un autre

En 2018, les investissements nuisibles au climat étaient presque deux fois plus élevés que les investissements respectueux du climat.

👎 Alors que les "investissements climats" (publics et privés) ont augmenté au cours de la période du premier budget carbone (2015-2018) pour atteindre 41,4 milliards d'euros en 2018, les investissements nuisibles au climat ont atteint 75 milliards d'euros (en 2017), stagnant ces dernières années.

Investissements positifs : bâtiments (20,7 milliards d'euros), transports (12,7 milliards d'euros), énergie (6,7 milliards d'euros), industrie (1 milliard d'euros) et agriculture (0,4 milliard d'euros).

Investissements négatifs : principalement liés à l'achat de véhicules fonctionnant aux combustibles fossiles.

Selon l'OCDE, les subventions aux énergies fossiles en France ont plus que doublé en 10 ans, passant de moins de 3 milliards d'euros en 2007 à 6 milliards d'euros en 2017.

Point n°4 - La dimension sociale du changement climatique est au moins aussi importante que la dimension scientifique

Les défis à relever sont ceux des ressources, de l'égalité sociale et de l'éducation :

✔️ Une mauvaise gestion de la transition vers une économie à faible intensité de carbone pénalisera les ménages à faibles revenus, ce qui entraînera des protestations et des actions improductives (ex : une taxe carbone pénalisera les propriétaires de systèmes de chauffage à combustibles fossiles). Le mouvement des gilets jaunes a illustré ceci en couleurs ;

✔️ La dimension sociale est beaucoup plus difficile à suivre et très peu d'indicateurs sont suivis ;

✔️ En France, 23% des gens ne croient pas que le changement climatique soit réel ; 36% des 18-24 ans ;

✔️ En France, 12% des 18-24 ans ne sont pas prêts à faire des efforts pour éviter que le changement climatique ne s'aggrave ;

✔️ Comme l'atténuation n'a pas été suffisamment ambitieuse, l'adaptation au changement climatique (mesures prises pour gérer les effets du changement en réduisant la vulnérabilité et l'exposition à ses effets néfastes) doit être intégrée aux politiques.

 

Rapport : Agir en cohérence avec les ambitions, Haut Comité pour le Climat, 2019.

Lien : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/hcc_rapport_annuel_2019.pdf