L'univers toujours plus vaste des standards de certification carbone

 
 

Il y a une dizaine d'années, les analystes de la Banque mondiale prédisaient que d'ici 2025 à 2030, les marchés régionaux du carbone fusionneraient en un grand marché unique et mondial. Cette prédiction a été formulée dans le contexte des marchés réglementés du carbone qui se formaient à l'époque en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et ailleurs. 

Bien que cela ne se soit pas concrétisé, et que les marchés règlementés opèrent toujours au niveau national ou régional, le marché volontaire du carbone (MVC) ne se développe pas plus simplement.  

Bien que l'impact et la dynamique du MVC soient plus globaux, le nombre croissant de standards de certification carbone l'a rendu plus complexe. 

Comme expliqué dans notre manuel sur la finance carbone  , le rôle de la plupart des normes de certification carbone est de remplir trois fonctions principales : 

  • Élaborer, approuver et mettre à jour les règles, les principes et les exigences définissant les conditions dans lesquelles les crédits carbone peuvent être délivrés. 

  • Examiner les projets de compensation carbone à la lumière de ces règles, principes et exigences. 

  • Gérer un registre qui permet d'émettre, de transférer et d'annuler les crédits carbone. 

Alors que le MVC a opéré pendant près de 15 ans (de 1996 à 2010) avec environ 6 standards de certification, ces dernières années ont vu l'apparition de nombreux standards concurrents.  

Cela peut s'expliquer par plusieurs facteurs : 

  • Le besoin de standdards sectoriels spécialisés offrant des outils et des méthodologies moins nombreux et plus ciblés avec des simplifications, telles que des méthodologies unique pour tous les projets ou des outils de calcul des réductions d'émissions avec des paramètres pré-remplis. C'est notamment le cas du Woodland Carbon Code, de MoorFutures et du Forest Carbon Partnership Facility de la Banque mondiale, tous établis en 2011 et respectivement spécialisés dans le boisement, les tourbières et le programme REDD et plus récemment avec le Hemp Carbon Standard et le Peatland Protocol au Royaume-Uni.  

  • La nécessité d'avoir des standards culturellement adaptés: tout le monde ne peut pas travailler en anglais. Les dispositifs nationaux ou régionaux peuvent être rendus plus accessibles lorsqu'ils sont disponibles dans la langue locale (ex: français, espagnol, japonais, etc.). C'est le cas du dispositif français Label Bas Carbone, mis en place pour soutenir la transition écologique et énergétique dans des secteurs où les émissions de gaz à effet de serre sont difficiles à réduire (ex: agriculture, transport, forêts), ou du dispositif J-credits, un dispositif en langue japonaise spécifiquement adapté aux normes culturelles du pays.  

  • Le besoin de standards adaptés à un contexte spécifique : les standards nationaux ou géographiquement spécialisés peuvent fournir des valeurs par défaut et pertinentes au niveau local qui simplifient le processus de certification et de vérification. Par exemple, ART TREES fournit un cadre de soutien pour aider les nations à mettre en place des programmes REDD nationaux. Un autre exemple spécifique au contexte est le système Carbon Credit Unit Scheme australien (anciennement Emission Reduction Fund) conçu pour catalyser la transition vers une situation zéro émission nette d'ici 2050. 

  • La nécessité de standards moins gourmands en ressources: à mesure que les principaux standars gagnent en complexité pour répondre aux besoins d'intégrité du marché, il se crée un espace pour des standards moins sophistiqués et plus innovants. C'est notamment le cas du Global Carbon Council ou de CerCarbono, perçus comme des copies simplifiées du mécanisme de développement propre des Nations unies et du VCS, ou du CSA Canadien, qui exige uniquement que les projets comptabilisent leurs émissions conformément aux protocoles ISO. 

Sachant que 7 nouveaux standards de certification carbone ont vu le jour en 2023, soit autant que les quatre années précédentes combinées, on peut s'attendre à ce que le nombre de standards continue d'augmenter, avant de se consolider, comme ce fut le cas avec le rachat de CarbonFix par le Gold Standard, et dans une certaine mesure avec les standards VCS et Climate Community and Biodiversity. 

Ce premier diagramme montre les 37 standards gérés par des organisations à but non lucratif. 

 
 

La tendance la plus récente dans l'univers de la certification carbone est la montée en puissance d'un nouveau type de standards : les standards de certification carbone verticalement intégrés et/ou commerciaux. 

Ils se distinguent des standards de certification traditionnels par leur approche plus commerciale, dirigée par une structure de type entreprise et offrant souvent une approche intégrée verticalement (ou de bout en bout) et qui servent les fonctions suivantes : 

  • Etablir les règles pour l'émission de crédits carbone - comme le font les systèmes traditionnels 

  • Intégrer les activités de réduction/séquestration carbone sans faire appel à des tiers techniques, en fournissant à la fois une assistance technique et des interfaces dédiées  

  • Approuver les projets carbone, comme le font les standards traditionnels 

  • Délivrer des crédits carbone, comme le font les systèmes traditionnels 

  • Offrir à ces crédits une place de marché et/ou service de mise en relation dédiés. 

Beaucoup d'entre eux s'appliquent à des activités à petite échelle, hautement reproductibles, et à des sources d'émissions plus diffuses. Ils s'appliquent principalement à : 

  • L'agriculture (ex : agriculture régénératrice et carbone du sol) 

  • L'élimination artificielle et à long terme du carbone (ex : amélioration de l'altération rocheuse, minéralisation, biochar) 

  • La plantation d'arbres et la gestion forestière par des petits exploitants (ex : paysages fragmentés) 

Ils ont également la particularité d'utiliser davantage la technologie pour : 

  • Contrôler les impacts (ex : par LiDAR, imagerie satellitaire) 

  • Élaborer de nouveaux concepts d'impact (ex : le tonne-année pour les projets de gestion forestière) 

  • Tokeniser et faciliter les transactions via la blockchain 

Le nombre de standards est susceptible d'augmenter de manière significative au cours des prochaines années, car le marché est encore naissant... 

 
 

Avec les dizaines de standards de certification carbone existants, il peut être difficile de comprendre leurs différents champs d'application.  

Bien qu'ils aient tous des objectifs légèrement différents, ils peuvent être classés comme suit : 

  • Utilisation des terres, changement d'affectation des terres et foresterie (y compris agroforesterie, gestion des terres, boisement et reboisement) 

  • Conservation et REDD+ (y compris niveaux projet et juridiction) 

  • Élimination du dioxyde de carbone (y compris l'élimination du carbone via l'ingénierie, le biochar) 

  • Réduction des émissions de gaz à effet de serre et efficacité énergétique dans l'industrie 

  • Capture du méthane (y compris le traitement et l'élimination des déchets) 

  • Énergies renouvelables 

  • Efficacité énergétique domestique (y compris les réchauds améliorés, l'éclairage efficace, l'accès à l'eau, l'efficacité énergétique des bâtiments) 

Ce diagramme rassemble les 48 standards identifiés comme étant actuellement en vigueur, sans ordre particulier :

 
 

Le succès et le développement de chaque standard dépendent de leur niveau d'ambition et de leur approche de la certification, ce qui, à son tour, dicte leur attrait sur le marché. 

En règle générale, plus le standard de certification est ancien, plus le nombre de projets certifiés est important, néanmoins : 

  • Certains standards géographiquement spécialisés (ex : les standards américains, etc.) sont à la traîne par rapport à certains standards plus récents (ex : le Global Carbon Council) 

  • Certaines standards géographiquement spécialisés ont gagné beaucoup de terrain en peu de temps (ex : le Label Bas Carbone en France avec 575 depuis 2018) 

  • Certains standards technologiquement innovants gagnent du terrain et s'étendent rapidement (ex : Universal Carbon Standard - UCR). 

  • Un certain nombre de normes n'ont pas encore trouvé leur place, même après un certain temps (par exemple, Plan Vivo, City Forest Credits, CredibleCarbon, NFS) 

Beaucoup de ces standards sont encore en phase d'acquisition de parts de marché. 

Dans ce diagramme, nous décomposons la taille des standards de certification en fonction du nombre de projets qu'ils ont certifié/enregistré :

 
 

CONCLUSION  

Cette analyse vise à éclaircir le monde complexe des standards de certification carbone à un moment où les sponsors financiers et les acheteurs de crédits carbone sont à la recherche de clarté et de visibilité sur la qualité de leurs investissements et de leurs achats.  

Les experts de HAMERKOP ont plus d'une décennie d'expérience dans l'écosystème du marché du carbone, y compris l'évaluation et le soutien à la création de nouveaux standards et méthodologies de certification et le soutien aux développeurs de projets dans la sélection des standards les plus adaptés et la conception de leur intervention d'atténuation du changement climatique en conséquence. Si vous recherchez un soutien dans ce domaine, nous pouvons vous aider, contactez-nous

Il s'agit d'un univers très dynamique et si vous connaissez un standard qui qui devrait être sur ces diagrammes, n'hésitez pas à nous le faire savoir, car nous les mettrons à jour régulièrement ! 

 
L'équipe Hamerkop